Le recyclage photovoltaïque se cherche un modèle économique

Les panneaux photovoltaïques en fin de vie représenteront un volume très important d’ici 2030. La filière belge se prépare à leur réutilisation et leur recyclage à grande échelle. Mais il reste des défis à relever.

Dans un esprit de durabilité, autant le dire d’emblée : mieux vaut prolonger le plus longtemps possible la durée de vie des panneaux photovoltaïques. 

Les premiers modèles étaient conçus pour durer 20 à 25 ans ; aujourd’hui on atteint 30 ans de bons et loyaux services, voire plus, et c’est une excellente nouvelle pour la performance de la filière et l’usage raisonnable des ressources en matériaux. 

Au-delà de cette durée, il est encore possible de lui donner une deuxième vie là où une plus faible production solaire reste intéressante. Et quand la dégradation de l’équipement devient inévitable, vient le moment du recyclage des systèmes solaires afin de préserver des ressources que l’on sait limitées. 

Une obligation européenne 

Les panneaux photovoltaïques recyclés sont encore peu nombreux aujourd’hui (quelques dizaines de tonnes par an en Belgique, essentiellement liés à des casses diverses) mais représenteront un volume beaucoup plus important d’ici 2030-2035, car certains commenceront à atteindre leur fin de vie : on parle de 130.000 tonnes par an en Belgique et 5 millions de tonnes par an dans le monde. 

Pour anticiper cette gestion de déchets, la filière se prépare dès maintenant – via l’association PV Cycle Europe et PV Cycle Belgique – et bénéficie déjà d’une législation environnementale importante. 

En Europe, la directive DEEE (Directive pour les Déchets d’Équipements Électriques et Électroniques) intègre les panneaux photovoltaïques et impose à chaque fabricant/importateur et installateur de déclarer le nombre de panneaux mis sur le marché et d’assurer la collecte et le recyclage des systèmes usagés. 

En Belgique, cette obligation est effective depuis 2016 en Flandre, janvier 2020 à Bruxelles et janvier 2021 en Wallonie. Une contribution environnementale permet également de financer la collecte et le recyclage (lire notre article Photovoltaïque : Les professionnels doivent désormais financer le recyclage à Bruxelles). 

Et une directive européenne de 2018 impose de recycler au moins 80% du poids du panneau solaire et revaloriser au moins 85% du poids du panneau solaire (les déchets plastiques peuvent par exemple être valorisés énergétiquement par une incinération). 

Un recyclage quasi complet 

Selon PV Cycle, le taux de valorisation en Belgique est très élevé et atteint déjà 93,5%. 

L’entreprise wallonne de recyclage RECMA développe même des technologies de recyclage permettant de dépasser un taux de 95% (lire notre article Le recyclage photovoltaïque s’optimise). 

La très grande majorité des panneaux solaires sont principalement composés de verre, d’aluminium et de métaux semi-conducteurs, des matériaux recyclables à 100%. 

Soulignons au passage que, selon un rapport de l’ADEME, “les technologies photovoltaïques actuellement commercialisées ne contiennent pas de Terres rares”, ces métaux dont l’extraction et le raffinage sont très polluants (lire ce rapport, p.6). 

Notons enfin que l’intérêt environnemental consiste surtout à récupérer les matériaux (le verre et les métaux, qui ne doivent donc pas être extraits du sol) pour être vendus à l’industrie et ré-insérés dans une économie circulaire, cela indépendamment de la filière industrielle que ces matériaux alimentent. 

A ce titre, il faut noter que fabriquer des panneaux recyclés présente en soi peu d’intérêt en matière de gains énergétiques car le processus nécessite encore une grande quantité d’énergie (la fonte du silicium et du verre), que les matériaux soient d’origine recyclée ou non, et ces panneaux présentent des rendements légèrement inférieurs à ceux produits à base de matériaux neufs.  

Un modèle économique à trouver (ou pas) ? 

Mais, dans l’immédiat, le faible volume de déchets à traiter ralentit le développement d’une filière de recyclage et pose plusieurs défis. 
 
Tel était le constat du webinaire organisé par Liège Creative le 28 mai dernier sur le thème Les panneaux photovoltaïques : vers de nouvelles filières de valorisation

“Tout est déjà réalisable – la collecte, le tri, le découpage, … – mais les usines de recyclage ne tournent pas assez, ce qui coûte. Et il faut être prêt pour 2025”, résumaient les orateurs. 

Or, selon ces acteurs, il faut rendre l’activité viable.  

Parmi les questions cruciales : l’industrie est-elle prête à racheter les matériaux recyclés ?  

La question est particulièrement complexe pour le silicium, qui doit être broyé et raffiné pour obtenir une poudre la plus pure possible. 

Une poudre de silicium pure à 99% se vend bien, mais une baisse de quelques % de pureté peut diminuer le prix de moitié ! 

Le tableau ci-dessous présente quatre grandes firmes et le prix qu’elles sont prêtes à payer selon la pureté du silicium. 

Au total, un panneau photovoltaïque recyclé (hors silicium) atteint une valeur économique de 750€/tonne. 

Mais la valeur économique des différents composants varie grandement : l’argent, qui représente à peine 0,05% du poids, compte pour 50% de la valeur économique du panneau, l’aluminium (18% du poids) compte pour 30% de la valeur économique, alors que le verre (70% du poids) s’avère le plus difficile à recycler et donc à rentabiliser. 

La filière de recyclage rencontre donc des difficultés à définir un modèle économique viable. 

D’autres inconnues pèsent également sur le secteur : les panneaux silicium cristallin représentent la grande majorité du marché actuel (95%), mais qu’en sera-t-il demain avec l’émergence d’autres technologies photovoltaïques (couche-mince, multi-jonctions, organique, perovskite, …) ? Faudra-t-il développer des filières de recyclage spécifiques ou pas ? 

Tandis que certains procédés de recyclage en sont encore au stade de la Recherche & Développement, à l’instar du projet wallon Solarcycle dont les résultats sont prometteurs. 

Sur le sujet du modèle économique, on peut néanmoins se poser la question de la nécessité d’un modèle rentable. Les modèles actuels de gestion de nos déchets (valorisation de l’électricité des incinérateurs, pour partie en énergie verte, par exemple) montrent que ce type de modèle économique crée, de facto, un appel de déchet et donc une dérive spontanée à réduire la durée de vie des systèmes pour alimenter la filière. Ce qui, en soi, est un non-sens par rapport à l’intérêt de conserver nos objets, ici les panneaux solaires, le plus longtemps possible tant qu’ils fonctionnent. 

A l’inverse, si la gestion du recyclage reste déficitaire, un besoin de subside (alimenté par le contribuable) est nécessaire, ce qui est un incitant à ne pas jeter trop vite nos appareils. 

Vers une éco-conception 

Enfin, la législation européenne sur l’obligation d’éco-conception – afin d’améliorer la réutilisation et la recyclabilité des équipements produits ou vendus en Europe – pourrait bientôt intégrer les panneaux photovoltaïques, ce qui changerait la donne. 

Cette obligation pourrait concerner les panneaux uniquement “produits” en Europe ou, mieux, “vendus” sur notre marché, et donc inclure aussi les équipements asiatiques (majoritaires). 

Le législateur devra trancher dans les prochaines années. 

Des panneaux qui respectent l’éco-conception permettent de réduire le coût du traitement et de la réparation. Les systèmes réutilisés seront dès lors plus abordables et compétitifs, y compris en Europe où des normes de gestion des déchets existent. 

La réutilisation des panneaux s’inscrit aussi dans une dynamique de création d’emploi, avec près de 63 emplois pour 1000 tonnes de déchets électroniques traités. 

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