Le biogaz : un outil pour décarboner nos réseaux de chaleur

biogaz réseau chaleur

En Belgique, le chauffage des bâtiments représente 17 % des émissions de gaz à effet de serre, et 20 % en Wallonie. 87 % de cette chaleur provient de carburants fossiles. La biométhanisation peut contribuer à décarboner le secteur.

Dans notre article sur la production d’électricité grâce à la biométhanisation, nous avions vu qu’une première alternative fortement exploitée était de valoriser le biogaz ainsi produit dans un moteur de cogénération. Celui-ci brûle le biogaz (CH₄ et CO₂) dans un moteur à explosion pour entraîner un alternateur qui produira du courant électrique. La chaleur dégagée par l’alternateur, grâce aux huiles de lubrification du moteur, au système de refroidissement et contenue dans les gaz d’échappement, est récupérée pour produire de l’eau chaude à une température de 70 à 90°C.

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Source : energieplus-lesite.be

Avec 10 kWh de biogaz, on obtient en moyenne 3,8 kWh d’électricité et 4,7 kWh de chaleur. Dans une unité de biométhanisation, 30 à 50 % de cette chaleur servent à maintenir les digesteurs à 38°C. Le surplus peut alimenter un réseau de chaleur pour le chauffage urbain ou d’autres usages.

Valoriser au sein de la ferme

Les agriculteurs équipés d’une unité de biométhanisation cherchent d’abord à valoriser la chaleur localement : pour chauffer leur logement et réduire leur facture énergétique. Les débouchés supplémentaires sont plus limités, sauf en cas d’activités complémentaires comme le maraîchage.
À la ferme bio de Champignol à Surice, l’excédent de chaleur chauffe des serres pour la production de légumes vendus en circuit court. Pour l’été, Dimitri Burniaux a conçu un système permettant de sécher foin et céréales plus efficacement. À Vierves-sur-Viroin, la ferme de la Roche Madou utilise sa cogénération de 160 kWé pour sécher du bois et produit également du BioCNG à partir du biogaz, destiné aux habitants proches.Notons qu’avec une telle installation, une ferme devient autonome énergétiquement, et même exportateur nette d’énergie. Le métier d’agriculteur se diversifie.

Les réseaux de chaleur

Un réseau de chaleur transporte de l’eau chaude sous pression, via des conduites enterrées, depuis une ou plusieurs sources vers des consommateurs. Son atout majeur : pouvoir combiner plusieurs énergies renouvelables comme la biomasse, le biogaz ou la géothermie.

À la ferme de Champignol, deux cogénérations alimentent un réseau local desservant 10 maisons et 9 appartements. Chaque maison est raccordée par un échangeur de chaleur, et la vente de chaleur est mesurée grâce à des calorimètres permettant un relevé annuel de la consommation. Un chauffage central reste toutefois nécessaire, et l’agriculteur assure la gestion du réseau.

Le dimensionnement est complexe : la ferme consomme plus de chaleur en hiver, ce qui limite la quantité de chaleur à la revente. À l’inverse, un système trop grand générerait un surplus non valorisable en été. L’équilibre entre production et besoins est donc crucial.

Un réseau de chaleur efficace repose sur une forte densité de consommateurs proches, idéalement variés : entreprises, piscines publiques, hôpitaux ou maisons de retraite, etc.

La cogénération produit une chaleur à 70-90°C, qui est donc adaptée aux usages résidentiels et tertiaires (chauffage et ECS), surtout en cas d’absence de rénovation vers des systèmes à basse température (30-50°C).

Une législation plus sévère ?

La législation wallonne encadrant les réseaux de chaleur est définie dans le décret du 15 octobre 2020 et un arrêté du gouvernement du 07 juillet 2022. Ces textes organisent le marché de l’énergie thermique en définissant les rôles du producteur, du fournisseur, du gestionnaire de réseau et du consommateur.

Un changement majeur introduit par cette législation est l’obligation pour les gestionnaires de réseaux de rapporter à l’administration wallonne des données sur la consommation, la puissance et les pertes thermiques. Une charge supplémentaire donc pour les petits opérateurs de réseaux de chaleur. Les fournisseurs et opérateurs doivent aussi obtenir une licence, impliquant des exigences financières et des références d’expérience. Toutefois, les « réseaux de proximité » échappent en partie à ces obligations, contrairement aux réseaux collectifs ou urbains.

Réseau de biogaz

Que faire lorsqu’un consommateur potentiel se situe trop loin de l’usine de biométhanisation ? Mettre en place un réseau de chaleur utilisant des conduites isolées qui transporteront de l’eau à une certaine température sera très coûteux.

Le réseau de biogaz offre une bonne alternative dans ce cas-ci. Contrairement au réseau de chaleur, dans un réseau de gaz il n’y a pas de perte d’énergie thermique, il faut juste vaincre les pertes de charge des frottements de la conduite. Le biogaz est transporté quasiment à pression atmosphérique du site de production vers le site de consommation, il n’y a donc pratiquement pas de coût à l’épuration et à mise en pression du gaz.

L’unité de biométhanisation « Biométha » située à Messancy, dans la province du Luxembourg, alimente ainsi directement en biogaz l’hôtel Van der Valk situé à proximité. L’hôtel possède sa propre cogénération (499 kW électrique) et produit ainsi l’eau chaude nécessaire pour alimenter près de 180 chambres. L’unité est alimentée par 40 fermes de la région, permettant de mutualiser les coûts entre agriculteurs.

Cet hôtel a accueilli la première visite du tour de la biométhanisation de 2025 organisé par Valbiom.  

Article coécrit avec Valbiom