Elections 2024 : les communes au cœur de la transition

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En tant que niveau de pouvoir le plus proche du terrain, les communes doivent intégrer la transition comme colonne vertébrale de leurs politiques.

Le projet politique de la transition

Comme nous l’avons abordé dans une série d’articles, dans le contexte économique, social, et environnemental actuel, tout projet politique doit avoir pour objectif d’opérer une transition vers une société capable de couvrir les besoins fondamentaux de tous ses membres tout en recréant des équilibres avec les écosystèmes au sein desquels elle se développe.

Une telle transition devra intégrer le fait que nos sociétés sont fondées sur un tissu extrêmement complexe de liens et d’interdépendances dont il s’agit de tisser le fil pour sortir du fonctionnement de nos politiques par silo et développer une approche systémique transversale. Par exemple, parler de mobilité nécessite de parler également de climat, d’aménagement du territoire, de lutte contre les inégalités, d’emploi et de formation, d’alimentation, etc.

Face à l’incertitude et à l’imprévisibilité des chocs auxquels nos territoires seront soumis, elle devra favoriser le développement d’une culture du risque et faire la part belle à l’expérimentation d’une grande diversité de solutions. Elle devra permettre de répondre aux urgences tout en transformant durablement le territoire pour l’adapter aux nouvelles conditions environnementales. Faute de pouvoir prévoir avec certitude ce qui pourrait advenir, il s’agit de se préparer à toute éventualité, conscient de cette vulnérabilité. Et pour développer notre capacité collective d’agir, de nous adapter, et de transformer nos modes de fonctionnement, il est nécessaire de mettre en place des cadres de gouvernance plus horizontaux, au sein desquels une grande diversité d’acteurs a fréquemment l’opportunité d’alerter le collectif sur l’imminence de perturbations et d’expérimenter diverses réponses à ces dernières. On parle alors de stratégies « chemin faisant » ou « pas à pas » pour caractériser à la fois leur réactivité et la construction progressive des réponses les plus adaptées au gré des essais et erreurs. Cela peut se traduire par la mise en place d’observatoires et de veilles citoyennes et la création d’espaces de rencontre et d’échanges pour les forces vives d’un territoire.  

Pour contrer la tendance au repli sur soi et la dérive vers une société où le vivre-ensemble basé sur l’intérêt commun s’effrite pour faire place au repli identitaire et sécuritaire, elle devra développer une forme de « culture de la résilience » chez tous les acteurs. Une culture basée sur la sacralisation du vivant, la gestion et la préservation collective des communs et de la biodiversité, la solidarité, l’entraide, l’équité, la co-décision, l’auto-organisation, etc. L’émergence d’une telle culture passera par des campagnes de communication bien pensées, le soutien aux dynamiques locales de création et de diffusion culturelle, la création d’espaces de convivialité, de débat, d’échanges, de co-création et d’action collective, etc. Mais elle sera d’autant plus possible qu’un sentiment d’appartenance (au territoire) sera présent ou cultivé. Un territoire, pour devenir plus résilient, cherchera donc à valoriser et faire vivre sa culture, ses savoirs et ses dynamiques locales. Si l’autarcie n’est ni réaliste, ni souhaitable, la résilience d’un territoire mise sur ses ressources locales et ses points forts pour renforcer son identité et sa relative autonomie. La question qui se posera alors rapidement sera celle de l’échelle territoriale de cette relocalisation.

Cette échelle dépendra assurément du bien ou du service pour lequel elle est posée. Par exemple, la relocalisation de la production alimentaire ne s’envisage vraisemblablement pas à la même échelle territoriale que celle de panneaux photovoltaïques, tant les chaines de valeur entre la matière première et le produit fini sont différentes pour ces deux produits. Partant du niveau communal, il s’agit dès lors pour un territoire résilient de chercher à couvrir ce qui peut l’être à partir de ressources locales tout en développant des partenariats avec les territoires voisins et en s’inscrivant dans des politiques de niveau supérieur pour ce qui ne peut pas l’être.

Enfin, face à la méfiance grandissante des citoyens envers les institutions, cette transition devra viser la réconciliation des citoyens avec le fait politique pour concrétiser un projet de société sûre et juste auquel ils adhèrent, tout en renforçant la cohésion sociale et en allégeant la charge pesant sur les épaules des élus. Il s’agit de développer une démocratie à taille humaine dans laquelle les citoyens s’investissent à travers leur engagement dans l’action collective sur les thèmes qui leur tiennent le plus à cœur et sur lesquels ils ont une prise. Cela nécessite d’initier, de soutenir et d’impliquer dans la décision publique des initiatives collectives et démocratiques visant la préservation de biens communs et l’accessibilité pour tous à certains services et biens de base. Il importe donc que les pouvoirs publics jouent un rôle d’« état partenaire » en facilitant la mise en place d’un cadre institutionnel et culturel permettant de faciliter la mobilisation des ressources, l’expérimentation et la créativité, de coordonner l’ensemble, de résoudre les conflits, et de garantir le respect de certaines normes de réciprocité et de coopération.

Les communes comme maillon de base

A la lueur de ces enjeux, le niveau de pouvoir communal apparaît comme le maillon de base du projet politique de transition sociale-écologique. A travers leurs compétences et en s’inscrivant dans une logique de cohérence et de soutien aux politiques menées à l‘échelon régional, les communes peuvent agir à leur mesure sur de nombreux leviers en faveur des transformations qui permettront d’atteindre un tel objectif, que ce soit en termes de gestion des bâtiments et espaces communaux, d’aménagement du territoire et d’urbanisme, de gestion des situations d’urgence, d’information de la population, de primes et taxes, etc.

Mais, en tant que niveau de pouvoir le plus proche des citoyens et des acteurs économiques et sociaux, la commune s’avère aussi être celui le plus propice à l’innovation sociale expérimentant de nouvelles manières de produire et partager des biens et services, et à l’innovation démocratique proposant de nouvelles manières de décider collectivement des politiques à mener.

Nouvelle législature en vue : renforçons les communes

Alors que les élections se profilent tant au niveau régional que communal, il semble donc primordial d’inviter, d’une part, les futurs élus locaux à intégrer la transition sociale-écologique dans sa dimension systémique comme fil conducteur des politiques communales et, d’autre part, les élus régionaux à leur en fournir les moyens.

Au niveau local, les communes sont déjà invitées depuis plusieurs années à réfléchir leurs politiques de manière transversale à travers l’élaboration d’un bien-nommé Plan Stratégique Transversal (PST). Il s’agit maintenant d’aller un cran plus loin en co-construisant ce PST avec les acteurs locaux dans une approche de résilience territoriale sociale-écologique, en veillant à ce que l’ensemble des plans et programmes communaux thématiques (énergie-climat, mobilité, aménagement du territoire, développement de la nature, développement commercial, développement commercial, inclusion sociale) soient cohérents et menés de manière coordonnée.

Au niveau régional, dans la foulée du travail mené ces derniers mois dans le cadre du Plan de Relance de la Wallonie, il s’agira tout d’abord de proposer aux communes un narratif cohérent avec la vision régionale qui leur permette de s’approprier une approche systémique de la transition sociale-écologique et d’embarquer les acteurs locaux avec elles.  Un tel narratif pourrait être inspiré du concept d’économie du Donut. C’est l’option choisie par exemple par la ville d’Amsterdam et travaillée par la Région Bruxelles Capitale.

Mais il s’agira surtout de leur fournir les moyens de mettre concrètement en œuvre cette approche, et cela à travers le financement des ressources humaines nécessaires, la formation continue de ces personnes, et la mise à disposition d’outils et d’expertise pour un accompagnement stratégique et technique.