Voitures électriques : « J’ai besoin d’une grande autonomie ». Vraiment ?

Les constructeurs proposent des autonomies électriques de plus en plus grandes et donc plus chères. Utile ? Pas sûr. Voici 2 témoignages : un couple qui a surestimé ses besoins et une famille qui a choisi une petite autonomie. Et qui est gagnant ?

Les constructeurs automobiles se lancent aujourd’hui dans une course effrénée pour augmenter l’autonomie des voitures électriques : de 150 km en moyenne aujourd’hui, on annonce bientôt 200 km, voire 400 ou même 500 km. Ce critère est devenu le principal argument de vente.

Pourtant, la plupart des ménages belges parcourent en moyenne 40 km par jour (selon les chiffres de la CREG), avec de rares trajets plus longs.

Est-il dès lors pertinent de transporter toute l’année une batterie plus grande, plus lourde, plus chère, avec une plus grande empreinte écologique de fabrication et qui entraîne une hausse de consommation électrique ?

En bref : est-il utile d’acquérir une voiture surdimensionnée par rapport à nos besoins réels de déplacements ?

Nous vous proposons ci-dessous 2 témoignages qui donnent à réfléchir avant achat.

Soulignons que, dans le cadre d’un développement durable de la mobilité électrique, 3 paradigmes sont à atteindre : le choix d’une petite autonomie (propos de cet article), la généralisation d’un réseau de recharge lente combiné à une autoconsommation collective (lire notre article Voitures électriques : pour un réseau de recharge … lente!) et le développement d’une technologie propre (lire notre article L’énergie durable se développera sans « terres rares »).

Témoignage n° 1 : Une voiture hybride inadaptée aux besoins ?

Monsieur et madame Servais (nom d’emprunt) possèdent 2 voitures à moteur thermique. La voiture de madame est en fin de vie et se pose donc la question de la remplacer.

Ce couple, âgé d’environ 60 ans, habite à 8 km d’une petite ville en Wallonie, sans liaison par transport en commun. Madame y travaille dans un hôpital et parcourt donc chaque jour 16 km en voiture pour ses déplacements domicile-travail.

Monsieur, lui, est médecin et ne peut pas estimer ces besoins de déplacements professionnels : il peut être appelé 5 fois ou 25 fois par jour, pour aller voir un patient proche de chez lui ou à 20 km.

Pour les loisirs et les vacances, ils utilisent la voiture de monsieur.

Après discussions avec des adeptes de la mobilité électrique, ils sont tentés par le choix d’une voiture neuve « full électrique ». Ils découvrent des modèles intéressants avec un prix de vente autour de 25.000€.

Mais ils hésitent en raison de l’autonomie moyenne des véhicules familiaux : 150 km. Est-ce suffisant ? Cela paraît peu. Et quand je dois me rendre plus loin ? Et s’il n’y a pas de borne de recharge là-bas ? etc.

Finalement, madame choisit un modèle hybride essence-électrique avec une autonomie de 30 km et au prix de 30.000€.

Une mauvaise connaissance des besoins réels

 

Au fil des semaines, elle se prend au jeu de l’usage électrique et se rend compte qu’avec une autonomie de 30 km elle peut aisément se rendre au travail et même faire ses courses en fin de journée. Elle prend l’habitude de recharger son véhicule le soir et le week-end, à son domicile – équipé en photovoltaïque.

Après 1 an, elle se rend également compte qu’elle n’a dû faire que 3 pleins d’essence pour parcourir quelques trajets plus longs que 30 km.

Au final, ce couple a acheté une voiture plus chère qu’un modèle « full électrique » et avec une autonomie bien moindre.

Dans cet exemple, l’expérience montre qu’une bonne connaissance de ses besoins réels en déplacements permet de mieux estimer ses besoins en autonomie électrique et donc mieux comparer les options thermique ou électrique. Dans ce cas-ci, le choix d’un modèle « full électrique » aurait été plus avantageux financièrement et en autonomie. Madame a facilement pris de nouvelles habitudes et pourrait aisément prévoir des trajets électriques plus longs avec des haltes pour recharger sa voiture.

A noter que des modèles « full électrique » existent depuis longtemps sur le marché, répondant parfaitement à ce type de besoins. On trouve même désormais des voitures électriques d’occasion, toujours opérationnelles, à partir de 7.500€.

Témoignage n° 2 : Une autonomie de 130 km pour toute la famille

La Famille Henriet (nom d’emprunt) vit en Wallonie avec deux jeunes enfants et doit remplacer sa voiture thermique après 15 ans de bons et loyaux services.

Une personne de confiance revend justement sa Renault Zoé électrique (11.000€, 60.000 km au compteur). Cette opportunité décide la famille à choisir une mobilité électrique.

La batterie – en leasing et donc avec garantie – dispose d’une autonomie de 130 km en été et d’environ 100 km en hiver (le froid engourdit la batterie et incite à allumer le chauffage, ce qui augmente la consommation électrique et réduit l’autonomie).

Comment cette famille se déplace avec une seule voiture et une si “petite” autonomie électrique ?

La famille Henriet habite près d’une petite gare bien desservie vers Bruxelles. Madame prend donc le train pour aller travailler à Bruxelles. Monsieur est professeur dans une école secondaire située à 17 km. Sur son trajet, il dépose ses 2 filles à l’école maternelle et les reprend souvent en fin de journée. Mais comme cette école est située à 4 km du domicile, il arrive que madame utilise un vélo triporteur à assistance électrique pour conduire ou ramener les enfants.

Ces trajets quotidiens sont suffisamment courts pour tenir avec la batterie.

Par contre, il n’y a pas de bornes de recharge à proximité de la maison, ni à l’école où la voiture est stationnée en journée et la famille n’a pas l’habitude de faire ses courses dans un grand supermarché équipé d’une borne où elle pourrait recharger le véhicule pendant le shopping. Ils n’ont pas envie de déplacer la voiture dans le seul but de la recharger.

Ils décident donc de faire installer une borne à domicile (près de 2000€ pour une borne de 3,7 kW avec l’installation obligatoire d’un transfo d’isolement car l’installation électrique est en mono phasé). Grâce à cette borne, ils rechargent régulièrement la voiture, si possible en milieu de journée quand les panneaux photovoltaïques produisent le plus.

Pas de soucis au quotidien donc pour les trajets et la recharge.

Des solutions pour les trajets plus longs

 

Madame se déplace quelquefois vers Namur pour le travail, ce qui est une distance limite pour tenir un aller-retour avec la batterie. Elle cherche dès lors une borne à Namur et recharge facilement durant sa réunion. Cependant, plusieurs réseaux de bornes co-existent actuellement en Belgique et en Europe, avec chacun leur carte d’accès spécifque, ce qui peut complexifier la recherche d’un lieu de recharge.

Madame dispose également – via son employeur – d’un abonnement au service de voitures partagées Cambio, ce qui lui permet de louer une voiture pour quelques heures quand un impératif professionnel l’impose (ce qui évite de devoir acheter une deuxième voiture). La combinaison avec un trajet de train est souvent privilégiée (location Cambio pour les derniers kilomètres).

Une ou deux fois par mois, madame emprunte la voiture thermique de ses parents pour des trajets plus longs et/ou vers un lieu sans borne de recharge. Mais ces trajets pourraient aussi être effectués grâce à un service de type Cambio si un tel service était disponible près de son domicile.

Après 2 ans d’expérience, la famille Henriet s’avère contente de sa nouvelle mobilité électrique. Le choix d’une “petite” batterie répond bien à ses besoins de déplacements au quotidien.