Régulation énergétique du bâti public : ou comment réduire dépenses et émissions de C02 facilement.

Dans les prochains mois, nous allons aller à la rencontre des coordinateurs POLLEC (Politique Locale Energie Climat) dans les différentes communes de Wallonie. Acteurs clés de la coordination des actions énergie climat au niveau communal, ces profils récemment installés dans les fonctions communales ont pour mission de veiller à ce que leur commune s’inscrive activement dans la transition énergétique et suive notamment au plus près les recommandations du plan « énergie- climat». Qui dit nouveau métier dit changements à apporter et ceux-ci ne sont pas toujours évidents. Pour les y aider, chez Renouvelle, nous avons décidé d’aller rencontrer ceux qui ont des démarches inspirantes ou des projets qui pourraient être mis en œuvre dans d’autres communes. Première étape, Braine-le-Château, où nous sommes allés rencontrer Mathieu Lemmens, coordinateur POLLEC depuis 2 ans.

Quel est ton rôle ?

Mon rôle en tant que coordinateur du plan climat-POLLEC est de mettre en place les bonnes pratiques énergétiques et environnementales au sein de la commune. L’ambition du Conseil communal est d’être un exemple de gestion responsable des bâtiments publics. Mais selon moi, avant de penser à installer des panneaux solaires sur les toits, il est primordial de bien entretenir et structurer ces bâtiments.

Ton profil en deux mots ?

Avant de prendre ce poste, j’ai travaillé pendant deux ans en tant que gestionnaire de chantier dans une PME spécialisée dans la rénovation de bâtiments. J’ai également acquis de l’expérience en tant que commercial dans le domaine des améliorations énergétiques, en proposant des isolants biosourcés, entre autres. Par ailleurs, j’ai une expérience personnelle en projet d’auto-construction d’une maison familiale.

Quel est le contexte qui a amené ton projet au jour ?

Le patrimoine de la commune comprend 25 bâtiments dont certains sont assez vétustes. Je ne les connais pas encore tous en détail, mais ils ont été entretenus sans prendre en compte une approche énergétique très poussée. Les rénovations antérieures ont été réalisées avec des techniques datant bien souvent d’il y a dix ans, qui ont été prescrites principalement en fonction du critère du prix et non de la performance dans le cadre de marchés publics. À mon arrivée, l’outil de travail de base reposait sur les index et tableaux de relevés d’index, ainsi que sur des audits simplifiés réalisés dans le cadre du PAEDC. Il n’y avait pas de cadastre énergétique des bâtiments avant 2013. En 2019, la commune décide de s’engager dans un programme ambitieux de rénovation énergétique global du patrimoine public à l’échelle du territoire wallon. Cependant, ce programme (Renowatt pour ne pas le citer) a été abandonné en raison de son coût élevé et de son inadéquation avec la réalité.

Le projet : concrètement (et efficacement)?

En novembre 2022, nous avons convaincu le conseil de renoncer à Renowatt et de remplacer cette approche par l’optimisation de la consommation énergétique, en commençant par la gestion des horaires de consommation. Nous avons eu la chance de bénéficier de l’aide d’Optiwatt, une entreprise spécialisée dans les études énergétiques. J’avais précédemment réalisé une étude de faisabilité d’un projet de réseau de chaleur dans une autre commune avec eux. Optiwatt est une coopérative composée de jeunes artisans « geeks » qui ont pour objectif principal de réduire les émissions de CO2, plutôt que de viser uniquement une approche financière.

Une gestion des chaufferies à distance

En septembre 2022, nous avions déjà discuté de la possibilité de mettre en place rapidement un système d’optimisation énergétique dans une dizaine de bâtiments. Nous avons élaboré un cahier des charges incluant des critères tels que l’utilisation de logiciels libres, puis nous avons invité des entreprises à soumissionner. Nous avons sélectionné une entreprise pour la gestion des 10 chaufferies réparties dans 4 à 5 groupements de bâtiments. Le système installé comprend un système de régulation avec des sondes dans les locaux, permettant une régulation connectée et basée sur les horaires d’occupation. Ce système gère également l’éclairage des terrains de football, l’éclairage d’accès à certains sites et les réfrigérateurs des buvettes sportives. Par exemple, pour la buvette des terrains de tennis, nous avons programmé les horaires de chauffe du 1er avril au 30 septembre (période réelle d’occupation du local). De même, pour le football, où les chaufferies et les frigos posent les mêmes problèmes, nous avons optimisé leur utilisation par la mise en place d’un horaire adapté.

Eviter les exceptions…mais les autoriser

L’optimisation énergétique a également été appliquée aux autres aspects tels que l’éclairage, le chauffage, l’eau chaude sanitaire, à la fois à l’intérieur et à l’extérieur des bâtiments. Au début, nous avons rencontré de nombreuses exceptions manuelles, avec certains bâtiments maintenus à 21 degrés en permanence. Par exemple, dans l’une des crèches, qui n’avait qu’un thermostat manuel, nous avons mis en place une programmation horaire systématique pour anticiper l’heure de démarrage. Auparavant, les chaufferies restaient actives jusqu’en juin, mais désormais, fin mai, tout est déjà éteint ou presque.

Un retour sur investissement plus de dix fois supérieur à Renowatt…dès les premiers mois

Le programme Renowatt nous aurait coûté environ 500.000 euros par bâtiment, mais nous ne parvenions qu’à atteindre une performance énergétique de niveau PEB B. Avec les dix chaufferies que nous avons optimisées, nous avons dépensé un total de 58 000 euros. Le système de régulation connecté nous permet de contrôler et d’ajuster les paramètres depuis un ordinateur, évitant ainsi la nécessité d’intervenir dans chaque bâtiment. De plus, nous prévoyons de mettre en place un réseau de chaleur pour l’école et la maison communale, utilisant de la biomasse (plaquettes de bois) et de l’électricité photovoltaïque. Autre exemple, en hiver, nous chaufferons les ballons sanitaires du club de football grâce à la biomasse, mais en été, nous les chaufferons en utilisant l’énergie solaire photovoltaïque. Nous serons également en mesure d’utiliser les surplus d’énergie générés. Les toitures sont orientées vers le sud, voire le sud-ouest, afin de couvrir toute la journée.

Une réduction des émissions de CO2 aussi

Grâce à ces améliorations, nous avons réussi à réduire la consommation d’énergie de 40 à 60 % par rapport à 2019. L’investissement de 58.000 euros sera certainement amorti en un an, puisque nous sommes passés de 266.000 kWh en 2019 à 117.000 kWh en 2023, en seulement trois mois (mars, avril et mai). Cela équivaut à une économie estimée à plus de 20.000 euros. En avril, nous avons atteint une réduction de 65 % par rapport à avril 2019 alors qu’il faisait 2 à 3 degrés plus froid en moyenne cette année par rapport à cette période-là il y a quatre ans.  Ces chiffres sont basés sur une moyenne sur trois mois, en tenant compte des vacances de mai. Certains pourraient argumenter que l’extinction et le rallumage des équipements, tels que les réfrigérateurs, peuvent réduire leur durée de vie. Cependant, les économies d’énergie et les réductions d’émissions sont également des facteurs importants à prendre en compte. Outre les terrains de sport, nous avons constaté que les vestiaires sportifs étaient également constamment chauffés, sans réelle nécessité. Grâce au monitoring, nous serons en mesure d’analyser l’importance des puisages dans les ballons d’eau chaude et d’adapter éventuellement leur taille en fonction des besoins réels et des changements de comportement des utilisateurs, en fonction de leur sensibilité et de leur sensibilisation à l’environnement.

Le mot de la fin ?

En conclusion, mon conseil pour les jeunes dans le domaine de la politique environnementale est de prendre en compte la lourdeur administrative et de ne pas se laisser influencer par des idées toutes faites. La consommation réelle des bâtiments dépend des utilisateurs, il est donc important de sensibiliser autant que de rénover. Le changement durable nécessite des actions responsables, et nous devons mettre en œuvre les moyens nécessaires pour y parvenir. Tout le monde a un rôle à jouer, que ce soit dans le secteur privé ou public. En travaillant ensemble, nous pouvons permettre une transition vers un avenir plus durable.