La transition énergétique se creuse la tête sur ses matériaux

La transition énergétique est indubitablement en cours, et aujourd’hui, sa nécessité est incontestable. Cependant, comme c’est souvent le cas avec tout progrès, qu’il revête une dimension technologique, écologique ou sociale, des clichés tenaces persistent et alimentent des appréhensions légitimes, notamment en ce qui concerne l’extraction minière liée aux énergies renouvelables.

La transition énergétique est indubitablement en cours, et aujourd’hui, sa nécessité est incontestable. Cependant, comme c’est souvent le cas avec tout progrès, qu’il revête une dimension technologique, écologique ou sociale, des clichés tenaces persistent et alimentent des appréhensions légitimes, notamment en ce qui concerne l’extraction minière liée aux énergies renouvelables.

Ces craintes risquent pourtant de ralentir l’indispensable transition énergétique.

Combien de fois avez-vous entendu qu’il n’y aura pas assez de matériaux disponibles sur Terre pour fabriquer toutes ces technologies nécessaires à la transition énergétique ? Des personnes clamant que la voiture électrique est pire que la voiture thermique parce qu’elle utilise énormément de matériaux dont l’extraction est un désastre environnemental et social ? Que les technologies renouvelables ne sont en fait pas renouvelables du fait de la non recyclabilité des métaux qui les composent ?

Au cours des prochaines semaines, Renouvelle vous invitera à explorer ces idées reçues sur les matériaux de la transition énergétique dans une série de trois articles. Mais avant ça : dressons un état des lieux !

Un développement rapide des énergies renouvelables

Ces dernières années, les énergies renouvelables ont connu une évolution record. L’Agence Internationale de l’Energie estime, par exemple, que les ventes de véhicules électriques ont grimpé de 60% en 2022. Le solaire et l’éolien ne sont pas en reste avec une augmentation de la capacité renouvelable de 107 gigawatts (GW) à l’échelle mondiale en 2023. Pour se faire une idée, c’est comme si on rajoutait l’équivalent de toute la puissance électrique installée de l’Allemagne et de l’Espagne réunies.

Un impact sur notre demande en métaux

Ce boom du renouvelable est une bonne nouvelle pour la réduction de nos émissions, à condition bien sûr que ces renouvelables viennent se substituer aux énergies fossiles et pas s’y rajouter comme c’est le cas actuellement, au niveau mondial. Cependant, elles soulèvent une série d’enjeux, liés à la consommation de ressources minérales, qu’elles engendrent. En effet, l’extraction et l’utilisation de matériaux tels que le lithium, le cobalt ou le nickel, bien que cruciaux pour leurs propriétés physiques dans les technologies vertes, suscitent des questions environnementales, sociales et géopolitiques.

Se passer des énergies fossiles au profit de l’électrification et des énergies renouvelables nécessitera, sans aucun doute, l’extraction supplémentaire de certains métaux afin de construire les différentes solutions climatiques nécessaires pour décarboner notre société. Les panneaux solaires, les éoliennes et en particulier les voitures électriques demandent généralement davantage de métaux à fabriquer que leurs homologues alimentés par des combustibles fossiles. Par exemple, la construction d’un véhicule électrique nécessite, en moyenne, six fois plus de ressources minérales qu’une voiture conventionnelle, et une éolienne terrestre requiert neuf fois plus de ressources minérales qu’une centrale au gaz pour sa fabrication. Par la suite, nous verrons que si on considère l’entièreté du cycle de vie de nos énergies renouvelables, une éolienne nécessite, en réalité, bien moins d’extraction que leurs cousines fossiles.

Dans le secteur de l’énergie, la demande pour certains métaux a explosé ces cinq dernières années : trois fois plus pour le lithium, plus de 70% pour le cobalt et plus de 40% pour le nickel. En 2022, la transition énergétique représentait 56% de la demande du lithium (contre 30% il y a 5 ans), 40% de la demande du cobalt (contre 17% auparavant) et 16% du nickel (contre 6%). L’industrie automobile s’est rapidement imposée comme le plus grand consommateur, avec environ 40 % du total. Aujourd’hui, environ 60% du lithium extrait dans le monde est utilisé dans les véhicules électriques, et cette part est encore amenée à augmenter dans les prochaines années.

Il est complexe de prédire l’évolution de la demande. Les chiffres évoluent constamment en raison de l’imprévisibilité des politiques climatiques et des avancées technologiques. Les fabricants cherchent continuellement des alternatives aux matériaux critiques dans leurs technologies, ce qui modifie rapidement les perspectives. La chimie des batteries, par exemple, évolue pour réduire la dépendance au cobalt et au nickel, tandis que l’éolien explore des solutions sans terres rares comme le néodyme, et même le photovoltaïque cherche à diversifier son usage du silicium.

Selon différentes études, les projections de la demande varient considérablement. Une étude de la KULeuven suggère une augmentation significative de la demande de lithium, de dysprosium et de cobalt d’ici 2050.

Source : KU Leuven

L’Agence Internationale de l’Energie propose des fourchettes larges en fonction de divers scénarios, soulignant l’incertitude entourant ces prévisions. En fin de compte, il est essentiel de prendre ces estimations avec précaution et de rester attentif aux évolutions rapides de la technologie et des politiques climatiques.

Quelles que soient les projections retenues, il est incontestable que nos besoins en métaux connaitront une augmentation substantielle dans tous les scénarios, principalement en raison de la demande croissante liée aux véhicules électriques, aux batteries, et à une contribution significative aux réseaux électriques. L’association Negawatt projette qu’en 2040, la consommation annuelle du lithium pour les seuls véhicules électriques pourrait atteindre 8 fois la production minière mondiale actuelle. Simon Michaux, ingénieur minier et professeur à l’Institut géologique de Finlande, a calculé récemment que l’électrification des 1,4 milliard de voitures en circulation nécessiterait l’équivalent de 156 fois la production mondiale actuelle de lithium, 51 fois celle de cobalt, 119 celle de graphite, et plus de deux fois et demie celle de cuivre.

La transition énergétique est donc destinée à devenir une composante de plus en plus prépondérante dans notre consommation de métaux, soulevant ainsi un ensemble de questions et d’inquiétudes, tant sur le plan environnemental que social. Une réflexion est aujourd’hui au cœur du débat public, suscitant également son lot de mythes et de fantasmes.

Dans le premier article de notre série, nous irons creuser au cœur des technologies vertes pour y explorer ce qui s’y cache vraiment !