Gaz ou électricité : la grande compétition pour chauffer les bâtiments

Deux visions s’affrontent pour décarboner les bâtiments. Le lobby du gaz défend ...le gaz naturel et l’hydrogène gris ou vert. Tandis que l’Europe préfère isoler, réduire la consommation d’énergie et électrifier le chauffage. Voici les enjeux.

Les fournisseurs de gaz naturel sont bien embêtés par l’objectif européen d’atteindre un continent zéro carbone en 2050. 

Comment maintenir ou diversifier, coûte que coûte, une activité rentable et moins émettrice de gaz à effet de serre ? 

Un webinaire, organisé le 4 mai dernier par Liège Creative, a illustré cette question de manière éclairante : Les réseaux de gaz demain : les enjeux d’une conversion énergétique. 

Le secteur du bâtiment représente 40% de la consommation d’énergie en Europe ; une énergie encore majoritairement fossile. 

Or deux visions s’affrontent pour décarboner ce secteur. 

Pour caricaturer, le secteur du gaz n’a pas vraiment intérêt à voir s’améliorer la performance énergétique des bâtiments : des logements bien isolés consomment (beaucoup) moins de chauffage, ce qui se traduit par une chute des ventes de gaz ou autres sources d’énergie. 

A l’inverse, l’Europe vise une grande performance énergétique des bâtiments et une électrification des systèmes de chauffage (pompes à chaleur, chauffe-eau thermodynamique, géothermie), ce qui mènera à la quasi suppression du gaz naturel d’ici 2050. 

Le lobby du gaz défend donc le remplacement des chaudières à mazout par des chaudière au gaz (ce qui réduira un peu les émissions de CO2, il est vrai) et s’engouffre dans l’engouement actuel pour l’hydrogène, un gaz produit à partir d’énergie fossile (hydrogène gris) ou à partir d’électricité renouvelable (hydrogène vert). Mais ce lobby évite soigneusement de préciser lequel il compte vendre demain. 

Sur l’illustration ci-dessous, vous pouvez comparer le scénario de Eurogaz – la fédération de l’industrie gazière – et un scénario de la Commission européenne pour atteindre la neutralité carbone dans le bâtiment (baptisé EU 1.5TECH). 

A l’horizon 2050, Eurogaz prévoit un volume de consommation d’énergie beaucoup plus élevé que le scénario européen. La fédération intègre une diminution de l’usage du gaz naturel mais le remplace par un grand volume d’hydrogène (gris ou vert, personne ne le précise). 

Par contre, le scénario européen prévoit une diminution globale de la consommation d’énergie, table sur un usage plus limité de l’hydrogène et surtout sur une forte électrification des systèmes de chauffage (ainsi que la ventilation et le refroidissement) et donc la quasi disparition du gaz naturel. 

Demande d’énergie dans le bâtiment par vecteur. Source : Resa. 

Bannir l’hydrogène dans le bâtiment 

Or de nombreux acteurs de la transition énergétique, tel que Energy Cities, appellent à bannir l’usage de l’hydrogène pour chauffer les bâtiments. 

En effet, l’hydrogène vert demande 5 fois plus d’électricité pour chauffer une maison qu’une pompe à chaleur. En d’autres mots, un système de chauffage basé sur l’hydrogène consomme entre 500 et 600% plus d’énergies renouvelables que les pompes à chaleur, pour un coût 50% plus élevé. 

Le développement de l’hydrogène pour chauffer les bâtiments répond à la volonté du lobby gazier de diversifier ses activités mais s’avèrerait une véritable impasse énergétique. 

Ces acteurs plaident donc, eux aussi, pour une meilleure performance énergétique des bâtiments et l’usage de solutions technologiques disponibles telles que les pompes à chaleur (lire notre article Hydrogène vert : choisir des usages prioritaires). 

Mais à quel prix ? 

Mais ce scénario européen pose des questions légitimes.  

Actuellement, se chauffer à l’électricité coûte plus cher que le gaz : 1 kWh électrique coûte environ 25 €c ; tandis que le gaz naturel affiche à peine 5 €c par kWh. 

Cette situation s’explique par le fait que l’on paie plus de frais régulés sur un KWh d’électricité que sur un kWh de gaz. Les politiques et les régulateurs rendent ainsi une énergie fossile et polluante moins chère que l’électricité verte, ce qui est en soi absurde vu les enjeux de la transition énergétique.

Qu’en sera-t-il demain avec l’électrification massive des systèmes de chauffage ? Se chauffer avec une pompe à chaleur ou la géothermie sera-t-il abordable ou impayable ?  

Le prix de l’électricité verte sera-t-il plus compétitif que le gaz d’ici 2050 ? Si la demande diminue, on peut effectivement imaginer que le coût des énergies fossiles va augmenter et se rapprocher du coût de l’électricité. 

Par ailleurs, les systèmes offrent des rendements différents. Ainsi, une chaudière à condensation au gaz naturel consomme 1 kWh pour produire 1 kWh de chaleur dans un bâtiment neuf (mais moins dans un logement mal isolé) ; tandis qu’une pompe à chaleur consomme 1 kWh électrique pour délivrer entre 2 et 4 kWh de chaleur, soit plus que le gaz. Mais qu’en serait-il d’une chaudière alimentée par un mix de gaz naturel et d’hydrogène ? 

Ces paramètres entreront en ligne de compte pour une transition énergétique efficiente et socialement juste. 

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