Le gestionnaire compte adapter son réseau de gaz pour stocker et transporter massivement de l’hydrogène vert en Belgique. L’entreprise développe déjà des clusters locaux qui seront ensuite interconnectés au sein d’un réseau européen.
Fluxys, gestionnaire des infrastructures belges de transport de gaz naturel, a construit ses compétences et son métier sur une énergie fossile et continue à investir dans des réseaux gaziers, notamment en Europe et au Brésil.
Mais l’Accord de Paris sur le Climat et le Green deal européen entraîne désormais l’ensemble de nos sociétés vers un objectif zéro carbone en 2050.
Et pour un acteur comme Fluxys, il s’agit d’adopter un véritable virage stratégique : abandonner progressivement le gaz pour assurer désormais le transport de l’hydrogène vert.
Pourquoi l’hydrogène vert
L’hydrogène est le chaînon manquant pour atteindre un système énergétique 100% renouvelables.
L’hydrogène vert – produit par électrolyse de l’eau – constitue le vecteur idéal pour stocker les productions d’électricité éolienne et solaire quand elles sont abondantes – beaucoup de vent en hiver et de soleil en été – puis restituer cette électricité sur le réseau quand le vent et le soleil font défaut et que les productions renouvelables sont donc plus faibles.
On parle de stockage inter saisonnier car l’hydrogène peut se stocker sous différentes formes (gaz et liquides) très stables durant de nombreuses semaines ou mois. Dès lors, des surplus solaires de l’été pourront, par exemple, être consommés à d’autres saisons, tout comme les surplus hivernaux de l’éolien, afin de fournir une électricité renouvelable tout au long de l’année.
Le stockage sous forme d’hydrogène s’avère plus facile que par batterie. En tant que gaz, il peut être injecté tel quel dans le réseau gazier existant ou être compressé et conservé dans des conteneurs conçus à cet effet.
Ce gaz vert n’émet ni CO2 ni pollution atmosphérique. Il peut être utilisé dans de nombreux secteurs : industries, logements, commerces, transport, production d’électricité, …
La croissance des productions renouvelables en Europe ouvre de réels intérêts économiques pour développer ce vecteur, en pleine expansion industrielle (lire notre article Hydrogène vert et Covid-19 : entre émergence industrielle et inquiétudes financières).
Premier projet industriel à Zeebruges
L’Europe a adopté en juillet 2020 une stratégie pour l’hydrogène visant à installer une capacité de 40 GW d’électrolyseurs pour l’hydrogène renouvelable à l’horizon 2030, en phase avec le Green deal et le plan de relance européen (lire ce communiqué).
Consciente de ces profonds changements industriels et des opportunités à saisir, Fluxys a récemment adopté une stratégie pour une transition zéro carbone, qu’elle présente en détails sur son site web.
Fluxys s’est également associé à Eoly (producteur d’énergies renouvelables, filiale du groupe Colruyt) et Parkwind (développeur éolien offshore) pour produire de l’hydrogène vert à grande échelle grâce à la technologie « Power-to-gas » (illustration ci-dessous).
Le consortium a bouclé une étude de faisabilité et compte construire une usine d’une capacité de 12 à 25 MW, avec extension possible, au port de Zeebruges.
Zeebruges se situe à proximité des parcs éoliens en mer du Nord et des points d’injection de la production éolienne sur le réseau électrique belge. Le port dispose également d’un réseau gazier de grande capacité, ce qui permettrait d’y injecter massivement l’hydrogène vert (qui serait alors mélangé au gaz naturel).
Le consortium doit cependant encore prendre la décision finale d’investir (lire notre article La Belgique prépare la production et le transport à grande échelle d’hydrogène vert).
1 millard € d’investissement
Pascal De Buck, CEO de Fluxys, déclarait récemment au journal L’Echo (16/01/21) : “Aujourd’hui, la Belgique joue un rôle très important en tant que plaque tournante du transport de gaz naturel dans le Nord-Ouest de l’Europe. Nous voulons conserver cette position importante lors du passage à l’hydrogène. Il ne faut pas monter dans le train trop tard.”
L’entreprise approche d’ailleurs le milliard € d’investissement dans cette transition.
Pour le gestionnaire, il est possible d’adapter le réseau existant à moindre coût : convertir un pipeline ne représente que 30% de l’investissement requis pour poser un nouveau tuyau.
Selon Pascal De Buck, Fluxys devrait atteindre un point de bascule en 2025, car la Commission européenne souhaite agir vite. Le transport d’hydrogène pourrait constituer une activité importante de l’entreprise en Belgique d’ici 2030, estime-t-il.
Trois réseaux de transport
Concrètement, Fluxys compte développer trois systèmes de transport parallèle :
- un système pour le transport de méthane (au sein duquel le biométhane neutre en carbone et le méthane synthétique remplaceront progressivement des quantités de plus en plus importantes de gaz naturel)
- un système pour le transport d’hydrogène (H2),
- un système pour le transport de CO2
En voici les illustrations :
Approche par étapes
Fluxys construit son nouveau réseau selon une approche par étapes, que nous reproduisons ici :
Étant donné que d’autres gestionnaires de réseau de transport de gaz développent également des colonnes vertébrales pour l’hydrogène, l’infrastructure de l’hydrogène en Belgique renforcera le rôle du pays au centre du système énergétique du nord-ouest de l’Europe.
À cet égard, Fluxys a élaboré un plan avec 10 autres gestionnaires de réseau de transport de gaz pour un système destiné au transport d’hydrogène à travers l’Europe (illustration ci-dessous).
Selon une étude, l’introduction du gaz vert – biométhane, méthane de synthèse et hydrogène vert – dans l’infrastructure gazière existante en Europe permettrait à la société d’économiser, d’ici 2050, 217 milliards € par an, comparé à un système énergétique utilisant une quantité minimale de gaz (lire l’étude).
Nombreux projets en cours
Fluxys travaille également sur d’autres projets concrets : l’importation en Belgique d’hydrogène vert à grande échelle (produit par exemple au Proche-Orient et acheminé par méthanier), la production de méthanol vert au port d’Anvers (“power-to-methanol ») et au port de la Mer du Nord (région belgo-néerlandaise englobant le port de Gand en Belgique et les ports de Terneuzen et Vlissingen aux Pays-Bas); ainsi que des projets de capture de carbone dans la région du delta de l’Escaut et au port d’Anvers.