Ajustement de la Taxe carbone aux frontières de l’UE

Faute de pouvoir éviter toute émission de carbone, l'Europe en régule la production et les émissions indirectes via, notamment, l'ajustement des taxations aux frontières.

En décembre dernier, le Parlement européen et le Conseil se sont mis d’accord sur l’implémentation d’un mécanisme d’ajustement carbone aux frontières de l’Union européenne, généralement abrégé sous le nom de « taxe carbone aux frontières »

Comment fonctionne ce mécanisme ? Qu’est-ce que cela implique en pratique ?

Contexte

En juillet 2021, la Commission européenne adoptait un ensemble de propositions (« Fit for 55 ») pour permettre à l’Union européenne d’atteindre ses objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre (au moins 55% d’ici à 2023 et neutralité carbone pour 2050). Parmi celles-ci, on retrouvait notamment des mesures visant à prévenir la fuite de carbone.

En particulier, le Mécanisme d’Ajustement Carbone aux Frontières (MACF), annoncé dans le Pacte vert pour l’Europe, est une mesure adoptée pour répondre au risque de fuite carbone résultant des politiques climatiques ambitieuses de l’UE par rapport au reste du globe.

En effet, ce mécanisme représente une solution complémentaire par rapport aux mesures destinées à faire face au risque de fuite carbone dans le système d’échanges de quotas d’émissions (SEQE) de l’UE. Il vise à éviter que les efforts de réduction des émissions consentis par les entreprises de l’Union ne soient neutralisés par une augmentation des émissions en dehors de l’Union. Augmentation qui résulterait d’une délocalisation de la production et/ou d’une augmentation des importations de produits à plus haute intensité de carbone. En l’absence d’un tel mécanisme, la fuite de carbone pourrait entrainer une augmentation générale des émissions mondiales de gaz à effet de serre.

Il y a fuite de carbone lorsqu’en raison d’ambitions climatiques différentes, certaines entreprises transfèrent leur production dans des pays dotés d’une législation moins stricte en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre ou lorsque ces marchandises sont importées depuis ces pays tiers qui proposent des prix plus attrayants pour le consommateur par rapport à ce que proposent les entreprises européennes.

Ce phénomène risque de nuire à l’efficacité des politiques européennes en matière de réduction des émissions et peut entrainer une augmentation du total d’émissions à l’échelle mondiale, compromettant ainsi l’objectif de l’Accord de Paris de contenir l’élévation de la température moyenne de la planète nettement en dessous de 2°C par rapport aux niveaux préindustriels.

Le MACF contribue ainsi à l’objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre, tout en évitant que ces efforts de réduction soient neutralisés à l’échelle mondiale par une augmentation des émissions en dehors de l’UE. Dans ce contexte, les institutions européennes se sont accordées sur une taxe carbone aux frontières dans le but de faire face au risque de fuite de carbone.

Principes du mécanisme

Le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières est une mesure qui vise à prévenir le risque de fuite carbone et à soutenir les politiques ambitieuses européennes de réduction des émissions de gaz à effet de serre, tout en garantissant la compatibilité avec les règles de l’Organisation Mondiale du Commerce.

La Commission européenne explique le fonctionnement de ce mécanisme de la manière suivante : les importateurs de l’Union devront acheter des certificats carbones correspondant au prix du carbone qui aurait été payé si les marchandises avaient été produites conformément aux règles de l’UE en matière de tarification carbone. A l’inverse, lorsqu’un producteur – en dehors de l’Union – peut démontrer qu’il a déjà payé un prix pour le carbone utilisé dans la production de ses marchandises, ce prix peut être entièrement déduit pour l’importateur de l’UE[1].

Ce mécanisme sera mis en place progressivement, avec une période transitoire allant de 2023 à 2026. Au départ, il ne s’appliquera qu’à un nombre de marchandises limité qui présentent un risque élevé de fuite carbone et génèrent une quantité importante d’émissions de gaz à effet de serre. En l’occurrence, il s’agit des marchandises suivantes : le fer, l’acier, le ciment, les engrais, l’aluminium et la production d’électricité.

Enfin, les recettes de ce mécanisme contribueront à alimenter le budget de l’Union européenne[2].

Quel est le lien avec le SEQE ?

Le Système d’Echange de Quotas d’Emissions (SEQE) définit un plafond pour la quantité d’émissions émises par certains secteurs industriels durant une période donnée. Pour compenser ces émissions, des quotas doivent être achetés sur le marché d’échange des quotas d’émission. Toutefois, un certain nombre de quotas gratuits sont distribués afin de réduire le risque des fameuses fuites de carbone. Bien qu’efficace, ce système de quotas gratuits n’est pas suffisant et est voué à disparaitre. Dès lors, l’ajustement carbone aux frontières est un mécanisme complémentaire pour lutter contre ce risque de fuite carbone.

En particulier, les quotas gratuits pour les secteurs couverts par le MACF seront progressivement supprimés à partir de 2026.

Le MACF diffère du SEQE puisqu’il est fondé sur un système de certificats, qui ne repose pas sur un système de plafonnement et d’échanges.

Le MACF sera pleinement opérationnel à partir de 2026 et s’adaptera pour tenir compte de la révision du SEQE, notamment en ce qui concerne la réduction des quotas gratuits pour les secteurs couverts par le MACF. Cela signifie que le MACF s’appliquera aux produits couverts de manière progressive et proportionnelle à la réduction des quotas gratuits alloués à ces secteurs dans le cadre du SEQE[3].  

En pratique ?

Le système du MACF repose sur l’achat de certificats par les importateurs. Le prix de ces certificats est calculé par la moyenne sur une année des prix moyens hebdomadaires des quotas d’émissions du SEQE vendus aux enchères, exprimé en euros par tonne de CO2-équivalent émise. En conséquence, le MACF assurera un traitement équitable entre les produits fabriqués en Europe et les importations en provenance de pays tiers..

Les importateurs devront s’enregistrer auprès des autorités nationales, qui seront responsables de l’examen de leurs déclarations et auprès desquelles ils pourront acheter des certificats MACF. Chaque année, les importateurs devront déclarer la quantité de marchandises importées dans l’Union et les émissions qui y seront afférentes.

Période transitoire

A partir de 2023 et jusqu’à la fin de l’année 2025, les importateurs devront uniquement déclarer la quantité d’émissions intégrées dans leurs marchandises, sans devoir payer un ajustement financier pour celles-ci. L’objectif de cette période transitoire étant de permettre aux entreprises et autorités concernées de s’adapter progressivement au nouveau mécanisme.

Le MACF deviendra pleinement opérationnel à partir de 2026, ce qui signifie que les importateurs de l’UE devront déclarer annuellement la quantité de marchandises et d’émissions intégrées et restituer la quantité équivalente de certificats MACF.

Comme évoqué ci-dessus, le MACF s’appliquera aux émissions directes produites lors du processus de production de certaines marchandises (fer, acier, ciment, aluminium, engrais et électricité). D’ici la fin de la période transitoire, la Commission évaluera le fonctionnement du mécanisme et déterminera si son champ d’application doit être étendu à d’autres marchandises et s’il y a lieu de couvrir les émissions indirectes (c’est-à-dire les émissions provenant de l’électricité utilisée pour produire ces marchandises).

De quoi convaincre les uns comme les autres de produire plus localement ou…plus sobrement.


[1] Commission européenne, Mécanisme d’ajustement carbone aux frontières : Questions et réponses, Bruxelles, le 14 juillet 2021.

[2] Accord interinstitutionnel entre le Parlement européen, le Conseil de l’Union européenne et la Commission européenne sur la discipline budgétaire, la coopération en matière budgétaire et la bonne gestion financière, ainsi que sur de nouvelles ressources propres, comportant une feuille de route en vue de la mise en place de nouvelles ressources propres, du 16 décembre 2020.

[3] Commission européenne, Mécanisme d’ajustement carbone aux frontières : Questions et réponses, Bruxelles, le 14 juillet 2021.