Un nouveau projet de réseau de chaleur de référence a été présenté récemment à Charleroi.
Voilà plusieurs années que la Ville de Charleroi s’est lancée dans le développement de réseaux d’énergie thermique. A l’heure où le centre de la ville s’équipe en canalisations transporteuses de chaleur, un vaste projet de réseau de chaleur urbain a été présenté il y a quelques jours. Il devrait devenir le plus important réseau wallon de ce type. Basé sur la récupération de la chaleur fatale du pôle industriel ouest de la ville carolo, il devrait permettre de connecter les industries entre elles mais également de valoriser une part importante de cette chaleur auprès d’autres acteurs et notamment les logements carolos.
Le contexte belge
Chauffer et refroidir des bâtiments grâce à des réseaux de chaleur n’est nouveau. De nombreux voisins européens ont implémenté les réseaux de chaleur depuis plusieurs décennies. Il n’est donc pas question d’inventer ou de proposer quelque chose d’expérimental à Charleroi. A l’inverse, la position nationale de « retardataire » constitue en quelque sorte une aubaine pour mettre en place directement des systèmes 100% renouvelables en s’inspirant des meilleurs élèves européens. La France a, par exemple, développé de manière considérable des réseaux durant la dernière décennie et a opté pour les énergies renouvelables comme principale source d’énergie. Ainsi aujourd’hui, plus de 15% de l’énergie thermique consommée en France transite au travers de réseaux de chaleur. Mieux, plus de 54% de cette énergie est renouvelable.
Le cadre réglementaire
Outre des compétences techniques pointues, l’implémentation d’un réseau de chaleur nécessite des compétences économiques, juridiques et environnementales tout aussi importantes. En juillet 2022, sur proposition du Ministre de l’Energie, Philippe Henry, le Gouvernement wallon a adopté un arrêté portant exécution du décret du 15 octobre 2020 relatif à l’énergie thermique. Cet arrêté prévoit des dispositions en matière de comptage et de répartition des responsabilités entre opérateur de réseau et fournisseur d’énergie thermique, afin de clarifier les règles applicables aux différents participants à un réseau de chaleur. Les clients finaux, consommateurs d’énergie thermique, voient ainsi leur droit fondamental d’accès à l’énergie protégé, via la mise en place de mesures les protégeant des coupures et précisant leurs droits.
Quel projet pour la Porte Ouest ?
La Porte Ouest est un quartier industriel situé à l’ouest du centre-ville de Charleroi. Cette vaste zone dont la superficie totale est pratiquement identique au centre-ville a été le théâtre de l’essor mais aussi du déclin de l’industrie Carolo. Aujourd’hui, plusieurs industries sont actives sur le site dont principalement Industeel et Thy-Marcinelle mais aussi Air Liquide, Total Energie, Timac Agro Belux… Plusieurs nouveaux projets importants y ont également été annoncés dont notamment la jeune entreprise belge Karno, développeur de réseau de chaleur renouvelable, qui devrait s’y établir pour développer une production de chaleur et de froid à partir de la géothermie.
Un développement par phase
Un des défis majeurs de la mise en place du réseau de chaleur de la Porte Ouest est le phasage du projet selon le redéveloppement économique du territoire. Les premiers éléments du réseau devraient être mis en place d’ici 2 ans. D’autre part, les industriels actuellement en place ont déjà fait part de leur volonté de décarboner leur process rapidement. Industeel a ainsi déjà établi un plan ambitieux et la mise en place d’un réseau de chaleur interne à l’entreprise est à l’étude. Pour son CEO, Luc Libersens : « La décarbonation est une priorité. Nous visons la réduction de nos émissions de carbone directes et indirectes de 35% à l’horizon 2030 par rapport à 2018. Notre objectif : atteindre la neutralité carbone d’ici 2050. Décarboner le processus industriel et améliorer notre efficacité énergétique est pour nous une question de survie. »
Le réseau de chaleur doit offrir à ces industriels un terrain propice à leur développement. Il doit être un facteur attractif pour d’autres industriels qui pourront ici valoriser leur production tant d’un point de vue écologique qu’économique. Un développement par phase, ou par tronçon, est prévu. Les interconnexions viendront ensuite. Les premières analyses montrent qu’un potentiel de chaleur fatale d’environ 100MW est disponible. Les besoins de chaleur à l’échelle de la porte Ouest sont quant à eux plus faibles et tournent autour de 20 à 40MW.
Une connexion vers le centre-ville est donc à l’étude avec 3 sites potentiels identifiés à ce stade. A terme, ce réseau pourrait alimenter l’équivalent de 25.000 à 40.000 logements.