Hydroélectricité : des solutions pour limiter les impacts sur les anguilles et les saumons 

Le projet Life4Fish a testé différentes solutions pour améliorer la dévalaison des poissons migrateurs et réduire la mortalité. Les résultats sont prometteurs.

La filière hydroélectrique cherche constamment des solutions pour réduire la mortalité des poissons qui franchir les centrales hydroélectriques. 

Le 17 février dernier, le consortium du projet européen Life4Fish (Luminus, UNamur, ULiège, Profish technologies, EDF R&D) présentait les résultats de mise en œuvre de différents moyens de protection de deux espèces de poissons migrateurs, l’anguille argentée et le smolt de saumon atlantique, au droit des centrales hydroélectriques de la Meuse.  

En voici les principaux enseignements. 

Des poissons migrateurs sensibles 

Deux grandes espèces de poissons migrateurs amphihalins sont présents dans la Meuse : l’anguille argentée et le smolt de saumon atlantique.  

Ces poissons doivent obligatoirement passer une partie de leur cycle de vie en rivière et une autre en mer. Leur survie dépend du succès de ces migrations entre ces deux milieux. C’est sur deux espèces que se concentrent la majorité des efforts et du suivi.  

La menace qui pèse actuellement sur les populations d’anguilles a amené l’Union européenne à légiférer : il s’agit pour les Etats Membres de prendre des mesures pour que chaque bassin hydrographique de l’anguille permette l’échappement vers la mer d’au moins 40% en moyenne de la biomasse d’anguilles adultes (anguilles argentées capables de se reproduire). Ces mesures devraient permettre une migration d’un stock assez important d’anguilles vers leur lieu de reproduction, la mer des Sargasses, à 6000 km des côtes européennes. 

Nombreuses causes de mortalité 

Les causes de mortalité des anguilles au stade adulte sont nombreuses : surpêche, pollutions, modifications du milieu marin, contamination, prédations, disparition ou détérioration des habitats en rivière, état sanitaire des populations, changement climatique affectant le Gulf Stream nécessaire pour leur migration, mortalité dans différentes prises d’eau industrielles… 

La dévalaison des anguilles par les turbines hydroélectriques apparaît également comme une cause du déclin de l’espèce. 

Le déclin du saumon est quant à lui attribué à la surpêche en mer, la destruction de son habitat, la pollution de l’eau, l’envasement des frayères (manque de débit des rivières) et la construction de barrages pour la navigation qui empêchent les géniteurs de remonter le courant pour la reproduction. 

Les causes de mortalité des saumons et des anguilles sont nombreuses.

Les défis de la dévalaison 

En ce qui concerne l’activité hydroélectrique en particulier, la problématique de la montaison des espèces migratrices est déjà assez bien adressée avec l’installation de passes à poissons qui rendent les obstacles franchissables. 

Par contre, il reste des points noirs à la dévalaison : les 6 centrales de la Basse Meuse entre Namur et Visé exploitées par Luminus sont particulièrement pointées du doigt et auraient un impact cumulé important. 

Les dommages subis par les poissons à la dévalaison par les turbines (en l’absence d’exutoire spécifique) peuvent résulter de plusieurs facteurs : chocs sur les pales, coincement entre les pales et le manteau ou entre les pales et le moyeu de la roue, cisaillement de l’écoulement, gradients de vitesses et de pression et pression minimale absolue. 

Le projet Life4Fish 

Le projet Life4Fish a démarré en 2017 à l’initiative de Luminus dans un contexte de nécessité de moderniser ses 6 centrales hydroélectriques en aval de Namur et limiter les impacts sur la biodiversité. Luminus a obtenu un subside Life auprès de la Commission européenne, entouré des départements de recherche des Universités de Liège et de Namur, des experts du Groupe EDF et de la société Profish. 

Depuis plusieurs années, différentes solutions pour améliorer la dévalaison des poissons migrateurs ont été mises en œuvre, testées et évaluées dans le cadre du projet Life4Fish. 

Ces solutions combinent 4 technologies spécifiques : 

  • La mise à l’arrêt des turbines lors de l’atteinte des conditions favorables à la migration des anguilles et des saumons (conditions spécifiques à chacune des espèces étudiées par des modélisations théoriques) ; 
  • Des barrières répulsives électriques (photo ci-dessous) ; 
  • La mise en œuvre d’exutoires à la dévalaison avec des débits optimisés grâce à des modélisations théoriques, numériques et physiques ; 
  • L’équipement des sites avec de nouveaux types de turbines moins impactantes pour les poissons (turbines Normandeau à faible vitesse de rotation et design de pales spécifiques). 

Une combinaison de ces solutions, adaptées pour chacune des 6 centrales de Luminus, ont été testées par le consortium de partenaires.  

Des populations tests d’anguilles et de smolts de saumon ont été taguées et suivies et les premiers impacts ont été étudiés. 

Les barrières répulsives visent à orienter la dévalaison vers le passage adéquat. Ici sur la centrale hydroélectrique de Grands-Malades sur la Meuse.

Nouvelle turbine éco-durable qui doit permettre de réduire encore plus l’impact sur l’ichtyofaune tout en garantissant le productible hydroélectrique.

Des résultats prometteurs 

Les résultats sont prometteurs. Sur base de calculs par modélisation, les impacts de mortalités devraient passer de 26% à 12% pour les anguilles et de 56% à 18% pour les saumons ; tout en maintenant la perte au niveau de la production d’électricité autour de 5%. Il s’agit des résultats attendus en fin de projet (2023). Ceux-ci restent partiels pour les smolts de saumon car seuls 2 sites ont été pris en considération. Ils devront encore être confrontés aux tests sur site. 

Ces premiers résultats semblent néanmoins être une belle manière de démontrer que la protection des espèces et la production hydroélectrique peuvent aller de pair en utilisant les meilleures techniques disponibles. L’intégration des processus écologiques (notamment les conditions de migration des espèces) deviendra une variable clé dans la gestion de la production hydroélectrique.