L’échange d’électricité entre deux consommateurs (le pair à pair): on en est où ?

Partage

Surproduire soi-même de l’électricité ou plutôt, c’est même idéal, sous-consommer par rapport à sa propre production, n’est plus une ineptie car cela permet désormais de partager son électricité avec un ami, une connaissance ou autre sans « bêtement » réinjecter cette électricité dans le réseau.

Concrètement, l’électricité produite par les panneaux solaires et non utilisée sur le site même est partagée, via injection sur le réseau électrique,  et est utilisée ailleurs, durant les mêmes quinze minutes . Tant le producteur que le consommateur  doivent disposer d’un compteur numérique communiquant et différentes dispositions doivent être prises pour  partager l’électricité dont, au moins, une inscription auprès du gestionnaire de réseau de distribution (GRD).

Bruxelles, ma belle

Si le concept est alléchant, sa mise en œuvre apporte une nouvelle complexité et est différente entre les régions belges. C’est à Bruxelles que l’exemple est le plus simple et fonctionnel. Le cadre est clair, le concept validé et autorisé depuis mars 2022. Les tarifs pratiqués pour « utiliser le réseau » ont été décidés le 23 Août par le régulateur Brugel pour les 2 années à venir, ils ont bénéficié d’une petite correction ce début novembre et sont publiés respectivement ici  et . Ces tarifs sont incitatifs en fonction de l’éloignement des consommateurs par rapport à leur éloignement du réseau électrique commun.

Prenons  l’exemple de Jacques et Michel qui souhaitent partager l’électricité produite par les panneaux de Michel. Michel vendra l’électricité produite à son voisin au tarif qu’il souhaite (il pourrait même la lui donner). En frais de réseau par contre, Jacques ne payera que 40 à 50% des frais réseaux habituels pour les kWh partagés si ils vivent dans le même bâtiment. Si Michel et Jacques habitent dans des bâtiments différents mais derrière la même cabine de distribution basse tension du réseau électrique, Jacques paiera environ 70% des frais réseaux. Autre possibilité, ils passent par des cabines basse tension différentes mais derrière la même cabine du réseau Elia (Haute tension), la facture reprendra alors  90% des frais réseau. Enfin, si ils se situent en amont de deux cabines Elia différentes, il n’y a pas de réductions tarifaires . Et dans tous les cas ils paieront les frais fixes d’environ 10€/an par participant à un partage.

De nombreuses informations sont disponibles sur le site de Brugel dédié au partage d’énergie : https://energysharing.brugel.brussels/. Ceci étant dit, on est encore à la genèse de ce genre de pratiques à Bruxelles et les différents acteurs (Régulateur, GRD-Sibelga et administration) précisent et rodent les procédures pour que la mise en œuvre de ces opérations soient de plus en plus rapides et simples.

Kafka wallon ?

En Wallonie, par contre, le partage de pair à pair ne serait, à ce stade, pas en place avant 2023. Quant au partage « en communauté » (c’est-à-dire entre plus de deux bâtiments différents), certaines initiatives ont bel et bien déjà eu lieu mais dans un cadre de projet pilote. Pour une généralisation, on est dans l’attente de l’arrêté du Gouvernement Wallon qui doit préciser les procédures d’autorisation et un éventuel périmètre d’action pour le partage d’électricité. Mais le cadre décrétal contient lui-même des dispositions qui ne facilitent pas les démarches pour réaliser un partage. Wait and see donc en ce qui concerne la tarification des frais réseaux car le régulateur est en cours de définition de nouveaux tarifs (et il annonce ne pas prévoir de tarifs incitatifs). Par ailleurs, la cascade tarifaire (la manière dont le financement du réseau électrique et la collecte des taxes jointes est mise en place, actuellement via les fournisseurs) n’est pas modifiée dans le cadre d’un partage en Wallonie. Ce qui constitue un gros problème pour les fournisseurs qui restent responsables de la collecte de ces frais réseaux pour 100% de l’électricité que leurs clients consomment, quand bien même une partie de leur consommation n’est pas fournie par eux mais via un partage local. Enfin, à ce stade, les procédures administratives d’autorisation sont trop nombreuses et paraissent inutilement lourdes. Vous avez dit Kafka ?

 Et en Flandres [BWEC1] ?

En Flandres, depuis le 1er juillet, les propriétaires de panneaux solaires peuvent également partager leur surplus d’énergie en pair à pair, à un membre de la famille, un voisin ou un ami, par exemple. A noter toutefois qu’ici, l’électricité ne peut être partagée qu’avec une seule autre partie, donc de pair à pair uniquement pour l’instant et à la condition temporaire d’être clients chez le même fournisseur, de disposer d’un compteur numérique communicant ou d’un compteur AMR et d’activer le régime de comptage 3* (voir plus bas) chez son fournisseur. Les participants à ce partage devront enfin nommer un administrateur qui agira en tant que représentant entre Fluvius (l’opérateur réseau) et la communauté ainsi créée. Il est cependant prévu que les choses évoluent et que, comme à Bruxelles et, on l’espère un jour en Wallonie, le partage puisse se faire également de manière plus simple.

* : Qu’est-ce que le régime de mesure 3 ?

L’activation du régime de mesure 3 permet à Fluvius de lire les valeurs quart-horaires de votre compteur numérique et de les envoyer à votre fournisseur. Sans ces valeurs quart-horaires, Fluvius ne peut pas calculer votre énergie échangée dans le cadre des échanges énergétiques. Et sans ces valeurs quart-horaires, le fournisseur ne peut pas détailler correctement le partage d’énergie sur votre facture.


 [BWEC1]Il ne semble pas y avoir de tarifs préférentiels prévus en Flandre (comme en Wallonie) et la casacade tariffaire n’est pas modifoée non plus.

Ce sont donc deux éléments de freins importants (cascade = frein, tarifs non préférentiel = manque d’incitant plus que frein) exisitants en Flandre.