Le décrochage d’onduleur, ce nuisible solaire

L’installation des panneaux solaires est en plein boom en Wallonie. Au point de saturer à certains endroits un réseau électrique, davantage conçu pour distribuer plutôt que d’accueillir de l’électricité, pouvant parfois déboucher pour certains prosumers sur un décrochage d’onduleur.

Qu’est-ce qu’un décrochage d’onduleur ?

Imaginez un nombre d’habitations, équipées d’une installation photovoltaïque, raccordées, chacune, à une même cabine du réseau de distribution, pouvant absorber une certaine quantité prévue d’électricité injectée. Plus il y aura d’installations reliées à cette cabine, plus il y aura d’électricité qui, à défaut d’avoir été autoconsommée, sera injectée dans le réseau pouvant mener à une surtension. C’est là que les onduleurs « décrochent » stoppant totalement la production d’électricité d’une, voire plusieurs, installations solaires, en vue d’assurer la sécurité de l’habitation et du réseau.

Des décrochages, répétés, ont un impact économique négatif pour les prosumers concernés : tant que l’onduleur reste en décrochage, ils ne peuvent profiter de leur production et doivent, en conséquence, bien souvent, acheter davantage d’électricité à leur fournisseur, au lieu d’autoconsommer gratuitement leur électricité.

Les « solutions » existantes pour éviter le décrochage d’onduleur

Face à la problématique, les prosumers semblent être démunis. Pour calmer le jeu, la Cwape (le régulateur du marché wallon de l’électricité) a fait une proposition, encore à l’étude, de verser aux prosumers touchés une compensation de 55 euros par an.  

Pour éviter le décrochage, la logique voudrait que les prosumers augmentent leur taux d’autoconsommation en consommant l’électricité au moment où elle est produite, c’est-à-dire, en journée. Beaucoup sont alors tentés de se tourner vers le stockage en batterie. S’il est possible qu’une batterie aide, dans certains cas, elle ne pourra pas constituer, à elle seule, une réponse à ce problème, comme évoqué plus spécifiquement dans cet article.

Ne faudrait-il pas dès lors « simplement » renforcer le réseau électrique ? C’est une réponse au problème, mais elle aura un coût important pour le consommateur et prendra beaucoup de temps :  Ores a annoncé un investissement de 4 milliards pour la modernisation du réseau, sur une période de 10-15 ans.

Pour ne pas décrocher, devenons flexibles !

Une autre solution existe, la flexibilité : modifier volontairement sa consommation ou sa production d’électricité pour éviter la surtension du réseau. Plus rapide, bon marché et zéro carbone, elle devrait être d’avantage mise en avant dans le débat public. Cela peut se faire de plusieurs manières :

Eviter la surtension  en déplaçant sa consommation.

Le couplage

Des technologies existent pour faire fonctionner automatiquement certains équipements domestiques, au moment où les panneaux solaires produisent trop. Améliorant l’autoconsommation sans effort, dans les équipements « smart » que l’on peut facilement coupler, il y a : le véhicule électrique, le boiler d’eau chaude, la pompe à chaleur pour le chauffage, une batterie au mur ou encore un routeur solaire. La Région wallonne a mis en place une prime pour l’acquisition de certaines de ces technologies. 

Néanmoins au printemps et en été, lorsque l’énergie solaire est abondante, l’ensemble des outils pilotés peuvent se trouver totalement chargés à midi (l’eau chaude et les batteries sont à leur capacité maximale) et ne permettent plus d’éviter le pic d’injection de midi à 15h environ.

Modifier ses horaires

Déplacer sa consommation au moment du pic peut aussi passer par le déplacement de certaines consommations d’électricité.

Pour les ménages, il s’agira par exemple de programmer le démarrage du lave-vaisselle ou de la machine à laver entre midi et 15h.

Les entreprises, elles, peuvent analyser l’opportunité de déplacer certains processus de production durant cette tranche horaire.

Lisser le pic d’injection

Il y a deux manières de faire :

  1. Orienter ses panneaux à l’est et à l’ouest, plutôt qu’au sud.  Une telle orientation a l’avantage de lisser la production sur une période bien plus longue, et donc les pics d’injection.
  2. Sous-dimensionner l’onduleur, jusqu’à 50% de la capacité des panneaux. La perte de production qui en découlera liée à son plafonnement, aux moments d’abondance solaire, sera économiquement compensée par le prix d’achat réduit d’un onduleur de plus petite puissance.

Mieux réagir à une surtension 

Lorsqu’il y a risque de surtension, l’injection des prosumers pourrait être légèrement bridée, plutôt que de stopper net la production d’un nombre plus restreint. Si un tel mécanisme devait être mis en place, une compensation financière pourrait être prévue pour le prosumer concerné. 

Récompenser le consommateur flexible 

La condition sine qua non pour que le consommateur d’électricité fasse cet effort est qu’il y ait un gain économique à la clé. Or, un prosumer qui bénéficie de la compensation ou un consommateur qui n’a pas de panneaux, n’a aucun intérêt à le faire. On parle ici de déplacer une consommation, pas d’économies énergétiques pour diminuer sa facture. La future méthodologie tarifaire wallonne est une première étape en la matière, mais il faudrait aller plus loin avec :

  • Le partage d’électricité solaire qui peut servir d’incitant à déplacer sa consommation. A condition qu’il offre au consommateur une électricité moins chère que celle vendue par son fournisseur et que le partage se limite à un certain périmètre pour qu’il y ait un réel impact sur la gestion du réseau. La méthodologie tarifaire a un rôle à jouer en la matière en incitant le partage au sein d’un même bâtiment ou d’une même cabine basse tension.
  • Les tarifs dynamiques, pour autant qu’ils soient simplifiés. Par exemple en proposant, au sein de la même journée, un nombre de plages horaires beaucoup plus restreint que tous les quarts d’heure (96 plages !).

Il faudra être attentif à ce que ces incitants n’empêchent pas les consommateurs « non flexibles » de bénéficier d’un prix stable. L’idée est d’inciter à la flexibilité, pas de punir ceux qui n’ont objectivement pas la capacité de fournir cet effort.

Résoudre la surtension au bon endroit

Pourquoi demander aux citoyens et aux PME de fournir des efforts et ne pas solliciter les gros consommateurs qui ont un impact beaucoup plus grand ? La question est légitime et n’est pas neuve. D’ailleurs, les grosses industries électro-intensives, directement reliées au réseau haute-tension, sont déjà sollicitées et rémunérées pour être flexibles et c’est tant mieux. Néanmoins, le réseau électrique est conçu de telle manière qu’un problème de surtension locale ne pourra être résolu que par les consommateurs et prosumers qui se situent dans ce périmètre.   

Conclusion

De nombreux consommateurs ou prosumers ont peu ou pas de moyens de déplacer leur consommation. C’est, néanmoins, le cas de beaucoup d’entre eux et encore plus demain, notamment avec le déploiement des véhicules électriques. Il s’agit moins d’avoir de gros volumes déplaçables que de les déplacer aux bons moments. Activer ce potentiel existant, éventuellement à l’aide d’incitants tarifaires et de compensations financières, est essentiel pour assurer la poursuite de la transition énergétique et limiter son coût pour les consommateurs qui, pour rappel, contribuent aux coûts du réseau, sans prise en compte de leur revenu.