Les campagnes belges offrent un fort potentiel de production de biométhane, estimé à 15,6 TWh/an, soit près de 10 % de la consommation actuelle de gaz. Il se concentre en majorité dans les prairies et fermes d’élevage wallonnes.
Trois des huit sites d’injection qui existent en Belgique se situent en Wallonie (Frasnes-lez-Gosselies, Quévy et Fleurus). Ces derniers, d’une capacité moyenne de 600 à 800 Nm³/h, traitent 300 000 tonnes/an de matière première (déchets agroalimentaires, cultures dédiées, co-produits agricoles et effluents d’élevage locaux). On est donc loin de la micro-unité à la ferme.

Biogaz et biométhane ce n’est pas la même chose ?
Pour produire du biométhane, on génère d’abord du biogaz à partir de matières organiques fermentescibles décomposées par des bactéries en milieu anaérobie, comme expliqué dans notre article sur la cogénération. Ce biogaz contient surtout du méthane (50-60 %), du CO2 (30-50 %), de la vapeur d’eau (5-10 %) et d’autres composés.
Stocké dans le gazomètre des digesteurs, il est refroidi pour éliminer la vapeur d’eau et filtré pour retirer le sulfure d’hydrogène (H2S), corrosif pour les installations. Contrairement à la cogénération, le CO2 doit aussi être retiré. Faute de moyens technico-financiers pour le stocker et le purifier, il est rejeté dans l’atmosphère. On obtient alors un biométhane riche à 98% en CH4. Le procédé est efficace, avec un rendement de 85 à 99,9 %, seuls quelques pourcents de méthane n’étant pas convertis.
La nature des intrants influence beaucoup la composition du biogaz et le coût de production du biométhane. Plus leur pouvoir méthanogène est élevé, plus ils sont efficaces, comme l’ensilage de maïs ou le fumier de poules. En moyenne, 1 tonne d’intrants agricoles produit entre 15 et 100 Nm³ de biométhane.
Pour être rentable, une centrale de biométhane doit être plus grande qu’une unité de cogénération. Cette taille dépend :
- du niveau de soutien à l’injection de biométhane dans le réseau de gaz (étant donné que le prix de production d’un MWh de biométhane est 2 à 3 fois supérieur au prix d’achat du gaz fossile) ;
- de l’optimisation des coûts opérationnels (matières premières, gestion des digestat, main d’œuvre technique et administrative) ;
- et de l’investissement nécessaire (unité d’épuration de biogaz vers biométhane, coût de raccordement au réseau).
L’investissement se situe entre 15 et 20 millions d’euros, à amortir sur 15 à 20 ans. Avec les charges d’exploitation et l’achat des intrants, le coût de production du biométhane atteint 100 à 130 €/MWh (+/- 10 kWh/m³). Ce biométhane se vendant à 30-50 €/MWh, le modèle est non viable sans aide. En Wallonie, les producteurs bénéficient donc du Label de garantie d’origine

Le label de garantie d’origine
En Wallonie, chaque MWh de biométhane injecté donne droit à un label de garantie d’origine (LGO), que le producteur peut revendre à un autre qui utilise du gaz fossile pour produire de l’électricité. Cela génère un revenu complémentaire de 60 à 70 €/MWh (sur base de la valeur ajoutée des certificats verts additionnels perçus par la conversion gaz fossile – biométhane), permettant d’atteindre la rentabilité avec la vente sur le réseau.
En Flandre, les fournisseurs de gaz doivent acheter des certificats de biogaz pour chaque MWh consommé, créant un marché similaire à celui des certificats verts pour l’électricité. Les projets peuvent aussi recevoir des subsides publics ou se structurer en coopératives citoyennes ou publiques.
Développer un modèle économique viable
Face au faible prix du gaz naturel en Europe, on peut se demander pourquoi continuer à soutenir le biométhane, plus coûteux. La plateforme Green gas rappelle pourtant les avantages du biométhane :
- Il favorise l’économie circulaire en transformant une ressource locale (la biomasse) en carburant renouvelable utilisable pour les foyers, transports et industries.
- Il réduit les émissions de CO2 grâce à un cycle fermé qui séquestre du carbone.
- Il profite aux agriculteurs, qui valorisent le digestat, réduisant l’utilisation d’engrais de synthèse.
Pour maintenir un modèle économique viable et stimuler l’investissement, le secteur demande des mécanismes de soutien adaptés en fonction de la taille de l’installation, du type de procédé de production et de la nature des déchets valorisés.
Transformer le biométhane en bioCNG/bioLNG
Le secteur du transport représente environ 20 % des émissions de CO2. Pour les réduire, il faut non seulement moins rouler, mais aussi rouler plus vert. Tous les véhicules ne passeront pas à l’électrique, d’où l’intérêt du bioCNG (gaz naturel comprimé) et du bioLNG (liquéfié), notamment pour les véhicules lourds (engins agricoles, camions, bus).
Un site de biométhanisation produisant 200 m³ de CH4/h génère 16 000 MWh/an de CNG, couvrant la consommation de 2 000 véhicules légers. Pour un agriculteur, cette énergie peut d’abord être utilisée pour ses propres machines. Actuellement, les tracteurs fonctionnant au bioCNG ou au LNG sont encore rares, mais la marque New Holland, spécialiste des machines agricoles, a lancé en 2024 un nouveau modèle fonctionnant au bioCNG. Installer une station bioCNG ou bioLNG coûte environ 700 000 €. Quelques fermes, comme Méthaverneux, en sont déjà équipées.
Les nouvelles politiques européennes visant à réduire les taux de CO2 des voitures et des camions encouragent l’utilisation de motorisations alternatives, et notamment l’utilisation de gaz vert. D’ici 2030, on prévoit que 30 % du gaz utilisé dans les transports sera renouvelable, réduisant les émissions de CO2 de 45 %.
Power-to-méthane
Produire du méthane (CH4) à partir d’électricité, c’est le principe innovant du power-to-méthane. Appliqué dans une unité de biométhanisation, ce procédé utilise l’électricité lorsqu’elle est abondante et bon marché pour produire de l’hydrogène via électrolyse (électricité + eau → hydrogène + oxygène). Cet hydrogène est injecté dans le digesteur, où il réagit avec le CO2 du biogaz pour augmenter la teneur en CH4. Le biogaz est ensuite purifié en biométhane.
L’intérêt : stocker l’excédent d’électricité renouvelable via la biométhanisation, évitant l’arrêt d’un parc éolien voisin. Ce procédé n’a pas encore été testé en ferme, mais un prototype a été expérimenté à grande échelle en Allemagne.

Les perspectives de la filière
Le biométhane de demain sera majoritairement issu de matières agricoles (80 %) : CIVEs, co-produits, effluents d’élevage, et produit sur de grands sites proches des réseaux de gaz. Nous serons donc loin des micro-unités à la ferme, qui continueront sans doute à se concentrer sur la cogénération. Ces projets, perçus comme centres de traitement de déchets plutôt que comme fermes, suscitent parfois des craintes (odeurs, charrois). Des séances d’information, visites de sites et ouvertures à la participation citoyenne peuvent améliorer leur acceptation.
Les communautés d’énergie pourraient valoriser localement la chaleur et l’électricité via la cogénération.
Autre frein au développement : les permis nécessaires pour ce type d’installations. Elles doivent se conformer à la législation sur le transport des déchets, y compris pour le digestat répandu sur les champs (si les intrants ne proviennent pas de la ferme).
Contrairement à l’électricité renouvelable, il n’y a pas de trajectoire en Wallonie et en Flandre pour la production de biométhane et d’électricité issue du biogaz, freinant le soutien public. Le plan REPowerEU prévoit 384 TWh de biométhane en Europe d’ici 2030. Pour y contribuer, la Belgique devrait viser 6 TWh, contre seulement 250 GWh aujourd’hui, soit 1,6 % de son potentiel de 15,6 TWh évalué par Valbiom et Gas.be, soit 4 % de la consommation actuelle de gaz naturel.
Article coécrit avec Valbiom