5 questions sur les communautés d’énergie à Bruxelles

Sous l’impulsion européenne, la nouvelle ordonnance bruxelloise vient de voir le jour et permet à tout client actif de rejoindre une communauté d’énergie et de participer à un partage d’électricité.

Sous l’impulsion européenne, la nouvelle ordonnance bruxelloise vient de voir le jour et permet à tout client actif de rejoindre une communauté d’énergie et de participer à un partage d’électricité. Une pratique révolutionnaire qui est en pleine évolution et où plusieurs points doivent encore être clarifiés. Néanmoins, Renouvelle tente de vous résumer les grandes lignes du principe du partage et des communautés d’énergie en 5 questions.

  1. Contexte
  2. Pourquoi une communauté d’énergie ?
  3. Quels sont les différents types de communautés d’énergie ?
  4. Quelles activités peut exercer une communauté d’énergie ?
  5. Comment partager son électricité sur le territoire belge ?
  6. J’aimerais lancer ma communauté d’énergie, comment faire ?

Contexte

Le 17 mars 2022, le Parlement et le Gouvernement bruxellois ont adopté une ordonnance¹ introduisant de nouveaux acteurs sur le marché de l’électricité – les clients actifs et les communautés d’énergie – et permettant à ces acteurs d’exercer diverses activités liées au domaine de l’énergie – notamment, le partage d’électricité. Cette ordonnance transpose partiellement deux directives européennes² du Clean Energy Package. S’agissant d’une matière régionalisée, ladite ordonnance concerne uniquement la Région de Bruxelles-Capitale.


Cette ordonnance permet de créer de nouveaux modèles économiques sur le marché de l’électricité, qui sont centrés sur l’intérêt du consommateur – à l’inverse des modèles que nous connaissions jusqu’à présent. En effet, ils prônent une décentralisation de la production d’électricité et une appropriation de la thématique par les consommateurs, en tant que clients actifs.
L’ordonnance permet donc à toute personne, physique ou morale, de rejoindre ou de créer une communauté d’énergie. L’intention du législateur étant que les non professionnels de l’énergie puissent jouer un rôle actif dans la transition énergétique, notamment en produisant leur propre électricité et en partageant le surplus de production avec d’autres personnes.

1. Pourquoi une communauté d’énergie ?

Les communautés d’énergie ont pour principal objectif de générer des bénéfices environnementaux, sociaux ou économiques pour leurs membres et les territoires sur lesquels elles exercent leur activité, avant la recherche de profit. Les communautés d’énergie ne poursuivent donc pas un but de lucre.

Pour créer une communauté d’énergie, certaines conditions doivent être respectées : en premier lieu, la communauté doit être une personne morale. Bien que la forme de cette entité juridique soit libre, les Asbl et coopératives semblent être les formes qui correspondent le mieux aux objectifs poursuivis par les communautés d’énergie.

Une seconde condition est que la communauté d’énergie soit autonome, aussi bien vis-à-vis de ses membres individuels que par rapport aux acteurs traditionnels du marché de l’énergie. L’ordonnance assure cette autonomie en imposant des conditions pour l’exercice du contrôle effectif des communautés d’énergie.

2. Quels sont les différents types de communautés d’énergie ?

L’ordonnance bruxelloise distingue trois types de communautés pouvant être créées à Bruxelles :

  1. La communauté d’énergie citoyenne (CEC) : dont la particularité est que toute personne – physique ou morale (et notamment les grandes entreprises) – peut en être membre. En revanche, des conditions plus strictes s’appliquent pour l’exercice du contrôle effectif sur la communauté. Une autre particularité est que les activités exercées par la CEC peuvent comprendre des sources d’électricité non renouvelables (ce qui peut intéresser les propriétaires de cogénérations au gaz, par exemple). Enfin, si la CEC veut exercer une activité de partage d’électricité, elle doit nécessairement être propriétaire – en tant qu’entité juridique – de l’installation de production.
  2. La communauté d’énergie renouvelable (CER) : comme son nom l’indique, la CER doit nécessairement utiliser des sources d’énergie renouvelables (les énergies fossiles sont donc exclues). Au niveau de la participation à une CER, les grandes entreprises en sont exclues et pour les PME, leur participation à une ou plusieurs communautés d’énergie ne peut pas constituer leur principale activité commerciale ou professionnelle. Les personnes physiques et autorités locales peuvent également être membres de la CER. En cas de partage d’électricité, la CER doit nécessairement être propriétaire de l’installation de production.
  3. La communauté d’énergie locale (CEL) : la CEL est une initiative bruxelloise, qui ne découle pas des directives européennes et qui vise notamment à élargir les possibilités de financement d’une installation de production en permettant, par exemple, d’avoir recours à un tiers investisseur. En effet, contrairement aux CEC et CER, la CEL peut être propriétaire de l’installation de production mais il est également possible qu’un ou plusieurs de ses membres soient eux-mêmes propriétaires ou que ces derniers disposent d’un droit d’usage sur l’installation de production. Les activités de la CEL se limitent aux sources d’énergie renouvelables. Au niveau de la participation à une CEL, on retrouve les mêmes conditions que pour la CER.
Séminaire de Bruxelles-Environnement sur partage et les communautés d’énergie

3. Quelles activités peut exercer une communauté d’énergie ?

Les communautés d’énergie peuvent exercer un large panel d’activités liées au domaine de l’électricité. En effet, elles peuvent produire, consommer, stocker, fournir et partager de l’électricité. Elles peuvent également participer à des services d’agrégation, fournir des services de flexibilité, des services énergétiques et des services de recharge pour véhicules électriques.

  • Production d’électricité : la communauté peut investir dans des moyens de production et vendre la production à un ou plusieurs fournisseurs ;
  • Fourniture d’électricité : dans ce cas, la communauté doit disposer d’une licence de fourniture. La communauté peut produire elle-même son électricité et la revendre à des clients extérieurs (non-membre de la communauté) mais elle peut également acheter l’électricité produite par un producteur externe et revendre cette électricité en tant que fournisseur.
  • Stocker : le surplus de la production d’électricité (batteries, hydrogène, etc.).
  • Services de recharge pour véhicules électriques : via des bornes de recharge pour ces véhicules.
  • Services de flexibilité : le but étant d’assurer l’équilibre du réseau (sécurité d’approvisionnement) en adaptant la consommation à la production d’électricité.
  • Efficacité énergétique : conseils et informations utiles pour réaliser des économies d’énergie, outils de monitoring, rénovation énergétique, etc.
Séminaire de Bruxelles-Environnement sur partage et les communautés d’énergie

4. Comment partager son électricité sur le territoire bruxellois ?

But : permettre à des personnes qui n’ont pas accès à de l’électricité solaire (ex : pas de toiture, pas les fonds nécessaires, etc.) de bénéficier du surplus solaire d’une production.

Pour partager de l’électricité, trois configurations sont possibles :

  • Echange de pair à pair (P2P) ;
  • Au sein d’un même bâtiment, entre clients actifs agissant conjointement ;
  • Au sein d’une communauté d’énergie.

1) Echange de pair à pair

L’ordonnance permet à deux clients actifs de s’échanger de l’électricité issue de sources renouvelables3. Ces derniers devront conclure un contrat reprenant les modalités de cet échange. Pour autant que l’activité d’achat par un échange de pair à pair ne concerne qu’un seul autre client actif, celui qui achète de l’électricité à un autre client actif dans le cadre d’un échange de pair à pair n’est pas soumis aux obligations à charge du fournisseur4.

2) Partage au sein d’un même bâtiment

Le partage au sein d’un même bâtiment est possible entre clients actifs agissant conjointement5. Dans ce cas, l’ordonnance impose certaines conditions :

  • Les clients actifs doivent être situés dans le même bâtiment6 ;
  • Le partage concerne uniquement de l’électricité issue de sources renouvelables ;
  • L’installation de production est située à l’intérieur ou sur le bâtiment dans lequel les clients actifs agissant conjointement sont situés ;
  • Chaque client actif qui y participe conserve un contrat de fourniture auprès d’un titulaire d’une licence de fourniture7.

Les participants devront signer une convention avec le gestionnaire du partage pour définir leurs droits et obligations respectives et les modalités du partage8.

3) Partage au sein d’une communauté d’énergie

Comme indiqué ci-dessus, le partage d’électricité est l’une des activités pouvant être exercées par une communauté d’énergie. En fonction du type de communauté, l’électricité partagée sera, ou non, issue de sources renouvelables. En principe, la communauté doit être propriétaire de l’installation de production mais dans le cas d’une CEL, un ou plusieurs membres de la communauté peuvent être propriétaires et/ou bénéficier d’un droit d’usage sur celle-ci.

Les principales différences entre le partage au sein d’un même bâtiment et le partage au sein d’une communauté d’énergie sont que :

  • Pour le partage au sein d’un même bâtiment, un simple contrat suffit alors que pour une communauté d’énergie, une personne morale est requise (possibilité d’utiliser une entité juridique existante – le cas échéant, en adaptant ses statuts pour que son objet social et ses activités correspondent aux objectifs nécessairement poursuivis par une communauté d’énergie – ou d’en constituer une nouvelle).
  • Au niveau du périmètre de l’activité de partage, entre clients actifs agissant conjointement, le partage d’électricité se limite à un seul et même bâtiment tandis que pour une communauté d’énergie, le partage peut s’étendre sur tout le territoire de la Région de Bruxelles-Capitale.

Pour faciliter le développement des communautés d’énergie et le partage d’électricité, la Région de Bruxelles-Capitale a mis en place un Facilitateur « Partage et Communautés d’énergie ». C’est un service gratuit, financé et géré par Bruxelles Environnement.

Séminaire de Bruxelles-Environnement sur partage et les communautés d’énergie

5. J’aimerais lancer ma communauté d’énergie, comment faire ?

Ce Facilitateur s’organise sur trois niveaux de service :

  • Accompagnement individuel des porteurs de projet ;
  • Développement d’outils ;
  • Partage d’une information générale sur la thématique du partage et des CE.

1) Accompagnement individuel

Toute personne qui souhaite constituer une communauté d’énergie et/ou réaliser une activité de partage d’électricité, en Région de Bruxelles-Capitale, peut faire appel au Facilitateur pour bénéficier d’un accompagnement individuel dans la mise en œuvre de son projet. Le porteur de projet prend contact avec le Facilitateur via un questionnaire accessible en ligne (Questionnaire d’identification Facilitateur « Partage et Communautés d’énergie » | Bruxelles Environnement). Sur base de ces informations, le Facilitateur se fait une première idée sur l’état de maturation du projet et sa faisabilité. Il prend alors contact avec le porteur de projet pour, le cas échéant, démarrer son accompagnement.

L’accompagnement porte sur toutes les étapes de mise en œuvre du projet de partage ou de communauté (modèle économique, mobilisation des participants, dimensionnement du projet, démarches juridiques, administratives, comptables, implémentation technique, gestion du projet, etc.).

L’accompagnement est basé sur le principe de non-substitution selon lequel les actions nécessaires à la réalisation du projet sont entreprises par le demandeur, avec le soutien du Facilitateur.

2) Outils

Le Facilitateur développe des outils simples, adaptables et gratuits qui visent à faciliter la mise en place de communautés d’énergie et de partage d’électricité à Bruxelles. Ex : outil de calcul de rentabilité, template de facturation, template de statuts, template de contrats, etc.

3) Information générale

Le Facilitateur transmet une information générale sur la thématique du partage et des CE (brochures, séminaires, formations, etc.).


[1] Ordonnance du 17 mars 2022 modifiant l’ordonnance du 19 juillet 2001 relative à l’organisation du marché de l’électricité en Région de Bruxelles-Capitale, l’ordonnance du 1er avril 2004 relative à l’organisation du marché du gaz en Région de Bruxelles-Capitale, concernant des redevances de voiries en matière de gaz et d’électricité et portant modification de l’ordonnance du 19 juillet 2001 relative à l’organisation du marché de l’électricité en Région de Bruxelles-Capitale et l’ordonnance du 12 décembre 1991 créant des fonds budgétaires en vue de la transposition de la directive 2018/2001 et de la directive 2019/944, M.B., le 20/04/2022, disponible sur : http://www.ejustice.just.fgov.be/eli/ordonnance/2022/03/17/2022020646/moniteur

[2] Directive (UE) 2018/2001 du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2018 relative à la promotion de l’utilisation de l’énergie produite à partir de sources renouvelables (disponible sur : https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=CELEX:32018L2001) et Directive (UE) 2019/944 du Parlement européen et du Conseil du 5 juin 2019 concernant des règles communes pour le marché intérieur de l’électricité et modifiant la directive 2012/27/UE (disponible sur : https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=CELEX:32019L0944&from=NL).

[3] Article 2, 68° OELEC.

[4] Article 13bis, §3 OELEC.

[5] L’Ordonnance définit les clients actifs agissant conjointement comme un groupe d’au moins deux clients actifs agissant de manière conjointe conformément au point 55° qui sont situés dans le même bâtiment (art. 2, 56° OELEC).

[6] L’ordonnance définit le bâtiment comme toute construction immobilière, non provisoire, couverte et fermée comportant au moins deux unités raccordées au réseau de distribution ou au réseau de transport régional et comportant une ou des parties communes (art. 2, 56° OELEC).

[7] Article 13bis, §6 OELEC.

[8] Article 13bis, §8 OELEC.