Selon Carbon Market Watch, si l’Union européenne appliquait le principe du pollueur-payeur de façon stricte au secteur de l’aviation, elle pourrait décupler les revenus générés par son marché du carbone.
Verra-t-on bientôt la fin des exemptions liées au marché du carbone pour l’industrie de l’aviation ? Pour cela, il faudrait que la Commission européenne le décide lors de la révision du SEQE (Système d’Échange de Quotas d’Émission), prévue en septembre 2026. L’ONG Carbon Market Watch partage une étude qui en révèle des incohérences mais qui propose aussi, et surtout, des recommandations afin de l’appliquer plus efficacement.
Pour le moment, seuls les vols intérieurs dans l’espace économique européen sont concernés par le système qui, pour rappel, n’est pas une taxe au sens strict mais un marché qui impose un coût aux émissions. Les trajets intercontinentaux en partance ou à destination de l’Europe en sont encore exemptés. À noter que près de la moitié des émissions des vols intra-européens le sont aussi.
Dans l’état actuel de la directive européenne, seulement 15 % de l’impact climatique dû au secteur de l’aviation seraient visés sur le marché du carbone en 2026. Certes, il s’agit toujours d’un pourcentage plus important qu’en 2023 (7 %), mais n’est-il pas possible d’aller encore plus loin ? Quand on sait que les émissions issues du secteur de l’aviation ont encore augmenté de 15 % l’année passée, n’est-il pas temps d’être plus proactif ?
Pourquoi ne pas commencer par élargir l’application du SEQE à d’autres types d’émissions qui contribuent aussi au réchauffement climatique ? En effet, les oxydes d’azote, le dioxyde de soufre, les vapeurs d’eau ou encore les particules de suie ne sont pas concernés par la directive (mais ces émissions doivent être surveillées). Bien que l’incertitude plane encore, cela pourrait changer fin 2027, avec la publication d’un rapport analysant leurs effets, ce qui pourrait mener à leur appliquer des prix également.
Mais ce n’est pas tout, puisque les jets privés échappent aussi au système, du moins pour l’instant.
Toujours selon Carbon Market Watch, si l’Europe appliquait le SEQE aux vols intercontinentaux, les recettes générées par celle-ci pourraient passer de 112 à 417 milliards d’euros entre 2025 et 2040, contre 196 milliards si les vols intérieurs continuaient d’être les seuls concernés.
Et en incluant les jets privés et les autres types d’émissions citées plus haut ? Elles pourraient grimper jusqu’à 1 100 milliards d’euros.

Carbon Market Watch profite également de cette étude pour faire quelques recommandations comme :
- Faire payer tous les vols qui partent d’Europe pour leurs émissions carbone.
- Intégrer tous les jets privés dans le système, avec un prix plus élevé pour leur forte pollution.
- Compter aussi les effets non liés au CO₂ (comme les traînées et autres gaz) dans le calcul.
- Encourager l’usage de carburants propres comme l’e-kérosène, en les finançant via le marché carbone.
- Exclure les faux carburants “verts” comme certains biocarburants, inefficaces et polluants.
- S’assurer que tous les pays européens appliquent des sanctions claires aux compagnies qui ne respectent pas les règles.
- Investir dans le train pour réduire les vols courts en Europe et rendre le rail plus compétitif.
- Utiliser une partie des recettes pour aider les travailleurs de l’aviation et soutenir les pays les plus vulnérables au changement climatique.
Quoi qu’il en soit, il sera bientôt l’heure pour la Commission européenne de faire un choix : passer à l’action concrète pour l’avenir et le bien commun de tous, ou continuer à brasser de l’air avec des effets d’annonce.
L’étude de Carbon Market Watch est à lire dans son intégralité ici.