L’électricité partagée en Wallonie : un avantage économique pour les consommateurs ?

L'un des arguments principaux pour le partage de l'électricité renouvelable est l'économie réalisée par le consommateur participant. Cependant, est-elle vraiment réelle ?

Il y a quelques semaines nous partagions, avec vous, une analyse sur le gain financier que pourrait procurer le partage d’électricité renouvelable, à Bruxelles. Dans l’article qui suit, nous nous concentrerons, cette fois, sur la Wallonie.

Les atouts de l’électricité renouvelable partagée

L’électricité renouvelable (solaire, éolienne, …) est aujourd’hui l’une des énergies les moins chères à produire. Or, de nombreux consommateurs ne peuvent pas profiter, pour des raisons de propriété (locataires), des raisons techniques (trop d’ombre) ou économiques (fonds propres insuffisants). Ces consommateurs sont donc entièrement dépendants de leur fournisseur dont le prix est fixé par le marché, principalement influencé par la spéculation et le coût des énergies fossiles.

Le partage d’électricité est donc un moyen pour le consommateur d’accéder à une énergie renouvelable et donc de bénéficier de son coût réduit pour une partie de sa consommation, et ce, indépendamment des futures hausses de prix de l’énergie.

L’électricité partagée, à quel prix ? Petit rappel

Avant de répondre à cette question, rappelons les différentes composantes du prix de l’énergie.

Le prix de l’électricité est la somme du prix de l’énergie en tant que telle, des frais obligatoires (taxes, surcharges et cotisations) et des frais de réseaux (distribution et transport). Il est exprimé en € par kWh [€/kWh].

Si les frais obligatoires (cotisation, accise spéciale) restent identiques, le partage d’électricité peut avoir un impact sur le coût de l’énergie – différent du coût proposé par le fournisseur et sur les tarifs réseaux qui seront fonction de la Région et du périmètre du partage.

L‘analyse qui suit concerne la Région Wallonne.

Le partage d’énergie en Wallonie

En Wallonie, les projets de partage pourront, très prochainement, démarrer grâce à la publication des derniers documents indispensables à la mise en place d’un tel projet (formulaire d’autorisation et de notification de la CWaPE). Cependant, la question de l’intérêt économique d’un partage d’énergie, en Wallonie, est sur toutes les lèvres des acteurs du secteur. Nous allons essayer de mener cette analyse en fonction de 3 situations (pair à pair, partage au sein d’un même bâtiment, partage au sein d’une communauté d’énergie renouvelable).

Pas encore de frais de réseaux incitatifs en Wallonie

Comme en région Bruxelloise et en région Flamande, les tarifs de réseaux (frais de distribution et transport) et les frais obligatoires (accises fédérales) seront d’application dans un projet de partage d’énergie en Wallonie. Ceux-ci seront cependant différents entre les régions (lire notre article, évoquant certains points, à ce sujet).

La CWaPE (régulateur du marché de l’électricité et gaz en Wallonie) devrait publier en juillet 2024 les grandes lignes décrivant la future méthodologie tarifaire 2025-2029, une méthodologie qui définira les différents frais réseaux appliqués au partage d’énergie. Cette méthodologie ne sera cependant pas appliquée avant 2026. Un projet de partage qui se développera en Wallonie avant cette date, n’aura donc pas d’incitant ou de réduction sur la partie réseau, contrairement à la région Bruxelloise.

Notons quand-même qu’une réduction a été planifiée dans la méthodologie tarifaire 2025-2029. Cette réduction s’appliquera aux tarifs proportionnels d’utilisation du réseau et de refacturation des coûts de transport pour l’électricité partagée au sein d’un même bâtiment, et elle atteindra une réduction de 80%. Réduction qui sera applicable dès 2025.

En attendant, nous allons donc estimer les gains économiques d’un partage en Wallonie dans la méthodologie actuelle (2024), à savoir des frais de réseaux standards (pas de réduction) pour les participants à un partage d’énergie. Nous pourrons refaire l’exercice en juillet 2024 pour estimer les changements majeurs qu’apportera la future méthodologie tant attendue.

Des frais supplémentaires appliqués par les fournisseurs d’énergie

En Wallonie, comme en Flandre, des frais supplémentaires sont déjà appliqués par certains fournisseurs d’électricité à leurs clients qui souhaiteraient participer à une opération de partage d’énergie (producteur ou consommateur). Ces frais seraient justifiés par les fournisseurs comme étant une gestion administrative supplémentaire (traitement manuel des données du partage, frais d’équilibrage, sourcing, effet volume). Ces frais n’ont d’ailleurs pas été contestés par la CREG.

Tous les fournisseurs n’ont pas encore communiqué les frais qu’ils appliqueront sur les participants d’un partage (consommateur et producteur compris). Certains décideront probablement de ne pas impacter leurs clients, c’est ce que l’on peut penser des fournisseurs qui n’ont pas encore intégré ces frais dans leurs conditions générales. Dans notre analyse, nous considérerons donc des frais situés entre 0€ et 150€, pour mieux identifier l’impact que cette mesure peut avoir sur l’économie d’un partage.

Voici une liste exhaustive des frais que l’on peut, pour le moment, trouver dans les conditions générales de certains fournisseurs.

FournisseursFrais annuels par code EAN
Luminus150€
Eneco60€
Dats 2475€
Mega150€
Octa +108€
Elegant75€
Ebem80€
Engie100€
Total énergiePas de confirmation
CociterPas de confirmation

Finalement, est-ce vraiment si intéressant pour le producteur et le consommateur Wallon ?

Pour répondre à cette question, retrouvez-nous dans notre article sur les exemples de calculs de rentabilité économique d’un partage d’électricité en Wallonie.

Des défis à relever pour le partage d’énergie en Wallonie

Pour développer le partage d’énergie renouvelable en Wallonie, il faudra inciter les consommateurs et producteurs à prendre part à cette action non sous le seul prisme des gains économiques. Même s’il est important de reconnaître ces gains potentiels, la démarche devra être inscrite dans une évolution sociale et environnementale, qui soit juste et solidaire pour tous. Cela étant dit, quelques défis sont à relever.

Il faudra être attentif à l’inclusion de toute la société, car la redevance pourrait rendre le modèle économique wallon caduc, dans certains cas. On pense notamment aux projets de partage d’électricité avec des logements précarisés. Bénéficiant, peut-être déjà, en partie, d’un tarif social plus bas que le marché, cela rendrait les économies annuelles, issues de ce partage, moins significatives.

En Wallonie, pour le moment, certains modèles économiques d’investissement pour les CER restent impossibles à mettre en place. Par exemple, le producteur d’un compteur d’électricité ne peut être différent du consommateur de ce même compteur. Cela signifie qu’une CER souhaitant mettre une installation à disposition de l’un de ses membres, ne peut revendre l’injection d’électricité non autoconsommé par ce membre, à travers un partage d’énergie. Les communautés d’énergie ne peuvent pas, non plus, proposer un contrat de vente de l’autoconsommation pour ces installations qui seraient placées sur les compteurs de ses membres. N’oublions pas que les acteurs du secteur attendent un tarif incitatif. Mais comme on dit « tout vient à point à qui sait attendre » : une réduction de 80% pour les CAAC en Wallonie a déjà été décidée