Voitures électriques : vers des batteries durables et éthiques

L’Europe prépare une législation exemplaire et contraignante en matière de respect de l’environnement et des droits humains, depuis les mines d’extraction des matières premières jusqu’au recyclage. Amnesty International soutient l’initiative mais demande de combler d’importantes lacunes.

Selon la Banque mondiale, la production de minéraux pourrait augmenter de près de 500 % d’ici à 2050, pour répondre à la demande de technologies propres nécessaires à la transition énergétique. Or l’extraction minière s’avère souvent polluante ou en infraction des droits humains, comme le dénoncent régulièrement des ONG telles que Amnesty Internationale (lire notre article Quels métaux pour une transition juste ?). 

Rappelons également que la voiture électrique n’est ni une solution miracle ni une fausse bonne idée à rejeter (lire notre article Pourquoi la voiture électrique ne résoudra pas notre mobilité …mais jouera un rôle déterminant

Consciente des enjeux, l’Europe prépare la première législation mondiale sur les batteries de véhicules électriques et se veut exemplaire au niveau environnemental et éthique. 

Cette loi imposera des normes strictes à toutes entreprises et leurs sous-traitants concernées par la fabrication de batteries, y compris dans les pays d’extraction de matières premières telles que le cobalt, le lithium, le nickel et le graphite naturel. 

Les associations Transport & Environment et Amnesty International soutiennent cette initiative, “qui peut avoir un impact global positif”, mais demandent au Parlement européen et au Conseil d’amender et corriger certaines lacunes importantes. 

Dans une analyse conjointe, les deux ONG de référence estiment en effet que le projet de loi peut faire davantage pour “garantir que les droits humains et l’environnement ne soient pas les victimes de la transition énergétique”. 

En particulier, elles pointent des améliorations cruciales à apporter afin de couvrir tous les types de violation des droits humains et tous les risques environnementaux liés aux dommages sur l’air, l’eau, le sol et la biodiversité. 

Pour accéder au marché européen des batteries de véhicules électriques, les entreprises concernées devront effectuer des “vérifications nécessaires” (“due diligence”) pour respecter les normes environnementales et éthiques. 

Voici cependant ci-dessous quelques lacunes importantes pointées par les deux ONG (ou consulter l’analyse complète).

La transition énergétique ne doit faire les mêmes erreurs que l’industrie des énergies fossiles ! 

Une mine de cuivre en Zambie. La future législation européenne exercera une pression contraignante sur les entreprises, qui devront respecter des normes environnementales et éthiques pour accéder au marché européen des batteries pour véhicules électriques.

Des “vérifications nécessaires” à ajouter 

L’obligation des “vérifications nécessaires” doit être étendue et s’appliquer aux quatre catégories de batteries identifiées, indépendamment de leurs tailles ou capacité, et à l’ensemble de la chaîne de valeur, y compris aux étapes de recyclage et de récupération (recommandation 1 et 2). 

Il s’agit également d’élargir la liste des matières premières concernées pour assurer, au minimum, que le cuivre, le fer et le bauxite soient extraits de manière responsable, ce qui n’est pas le cas actuellement (recommandation 5). Les infractions aux droits humains y sont bien documentés. Or la demande de ces minéraux va fortement augmenter. 

En particulier, le cuivre et le cobalt sont généralement extraits conjointement dans les mines (le cobalt est alors un sous-produit du cuivre). Il est dès lors nécessaire d’intégrer le cuivre pour s’assurer du respect des normes, notamment en République Démocratique du Congo. 

La régulation doit également permettre l’accès à la justice pour les victimes en obligeant les opérateurs économiques à réparer les dommages et en supprimant les obstacles procéduraux au contrôle juridictionnel (recommandation 7). 

En effet, conformément aux Principes directeurs des Nations Unies, les opérateurs économiques devraient s’engager de manière proactive dans la remédiation s’ils causent ou contribuent à des dommages par le biais d’actions ou d’omissions.  

Dans ce contexte, la législation devrait également garantir que les opérateurs économiques sont responsables des atteintes aux droits de l’homme et à l’environnement qu’eux-mêmes, ou une entreprise qu’ils contrôlent ou ont la capacité de contrôler, ont causées ou auxquelles ils ont contribué. Lorsque deux ou plusieurs entreprises sont responsables du même préjudice, elles devraient être responsables conjointement et solidairement. Le règlement doit permettre l’accès à la justice dans l’Union européenne, que le préjudice ait eu lieu à l’intérieur ou à l’extérieur de l’Union.  

Cela inclut une répartition plus équitable de la charge de la preuve et des délais adéquats pour les réclamations transnationales des victimes. Ce dernier devrait tenir compte du fait que les impacts environnementaux ne peuvent être découverts que longtemps après qu’ils se produisent, comme l’impact de l’exploitation minière sur l’approvisionnement en eau douce, qui est exacerbé dans les climats arides. 

Par ailleurs, les programmes industriels échouent régulièrement à garantir que leurs membres se conforment aux normes de “vérifications nécessaires”. La régulation doit donc s’assurer que les entreprises sont seules responsables de leurs obligations de vigilance et du respect des exigences énoncées (recommandation 8). 

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