Trump, un climato-sceptique face à la transition énergétique

Le nouveau président américain remettra-t-il en cause l’Accord de Paris sur le climat ? Relancera-t-il l’extraction du charbon aux Etats-Unis ? Les résistances intérieures et internationales seront importantes. Et la transition se poursuivra, vaille-que-vaille.

L’élection de Donald Trump à la présidence américaine a plombé la conférence des Nations Unis sur le Climat (COP22) qui se tient actuellement au Maroc. Climato-sceptique affirmé, le milliardaire n’a-t-il pas annoncé, lors de sa campagne électorale, qu’il dénoncerait l’Accord de Paris et relancerait l’extraction du charbon aux Etats-Unis, la source d’énergie la plus polluante ?

Il faudra juger les actes politiques qui seront réellement pris. La nomination de Myron Ebell, directeur d’un think tank climatosceptique financé par les industriels des énergies fossiles, à la tête de l’Agence de protection de l’environnement (EPA) donne déjà un premier signal d’alerte.

Le retrait ou l’inertie

En théorie, un pays qui souhaite se retirer de l’Accord de Paris doit attendre 3 ans à compter de son entrée en vigueur – le 4 novembre 2016 – puis respecter un préavis d’1 an, soit une mise en attente de 4 ans, équivalente au mandat du président américain.

Cependant, l’Accord de Paris contient une faille juridique – l’article 28 – qui permet à un pays de se retirer s’il dénonce également la Convention-Cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (adoptée en 1994). Seul le préavis d’1 an s’appliquerait alors.

La remise en cause de la Convention-Cadre s’opposerait cependant à une forte résistance au sein des institutions américaines, car ce retrait affecterait négativement la diplomatie américaine.

Pour éviter une bataille politico-juridique interne, Donald Trump pourrait simplement adopter une autre voie : le non-respect des engagements climatiques promis. En effet, l’Accord de Paris, non contraignant, ne prévoit aucun mécanisme de sanction, ce qui laisse un pays libre de jouer l’inertie volontaire. Un mauvais exemple qui pourrait ensuite être imité par d’autres pays  – Chine, Inde, Brésil, Russie, …

La communauté internationale continuera à avancer

Actuellement, le consensus au sein de la communauté internationale est suffisamment fort pour y résister. Les résistances et les pressions sur la politique étatsunienne seront nombreuses pour éviter un retour en arrière. De plus, la dynamique engendrée à Paris se poursuivra, avec ou sans les Etats-Unis. En effet, à l’inverse du Protocole de Kyoto, l’Accord de Paris s’est construit sur base d’engagements nationaux vers un effort global. Chaque pays a choisi librement ses objectifs, indépendamment des autres Etats. Le retrait ou l’inertie d’un pays n’empêchera donc nullement les autres d’avancer. A l’heure actuelle, 103 pays ont ratifié l’Accord – représentant ensemble 70% des émissions de gaz à effet de serre – et se focalisent sur les mesures à mettre en œuvre pour limiter le réchauffement climatique. La volonté d’avancer reste intacte car chaque partie a pu mesurer les avantages et les opportunités que représente la transition énergétique dans sa dimension nationale : politiques d’investissements et de relance économique, création d’emplois, amélioration de la qualité de l’air et des indices de santé, dynamiques locales et citoyennes, …

« Trump kiffe le charbon », « Les emplois américains d’abord ». Les ouvriers, victimes de la désindustrialisation et des délocalisations, ont été conquis par les promesses électorales de Donald Trump. La transition énergétique n’a-t-elle pas encore compensé tous les emplois perdus ?

De nombreux acteurs étatsuniens se mobiliseront

La probable inertie du gouvernement fédéral étatsunien ne signifie pas pour autant l’absence de transition énergétique aux Etats-Unis. L’Accord de Paris implique aussi les Etats fédérés – parfois très ambitieux comme la Californie –, les municipalités et collectivités locales, certains secteurs économiques, des entreprises, des entrepreneurs, … Or ces acteurs s’étaient fortement mobilisés en l’an 2000, lorsque Bush (le climatophobe) avait remporté la présidence face à Al Gore (le climatophile). Il y a fort à parier que ces mêmes acteurs – beaucoup plus nombreux aujourd’hui – vont redoubler d’efforts, soutenus par plus de la moitié des électeurs étatsuniens.

Lire à ce sujet l’interview de Michel Colombier, Directeur de l’Institut français du développement durable et des relations internationales (Iddri), réalisée par AlterEcoPlus.

Autre signe : une pétition lancée sur Avaaz invite les gouvernements à faire pression sur Trump et à renforcer leurs politiques climatiques afin de protéger l’Accord de Paris, réunissant en quelques jours 600.000 signatures.

Le renouvelable moins cher que le charbon

Reste que Donald Trump ne s’oppose pas à l’Accord de Paris pour des raisons idéologiques mais parce qu’il estime nécessaire de relancer l’exploitation du charbon aux Etats-Unis pour maintenir ou recréer de l’emploi dans les régions menacées par la disparition de cette industrie. Il est donc probable qu’il se concentre avant tout sur cette promesse électorale. Il devra pour cela faire réviser les réglementations nationales sur la pollution de l’air (« clean air act ») et sur les émissions de gaz à effet de serre. Un processus qui rencontrera, lui aussi, de fortes résistances politiques. Le mouvement Divest, qui milite pour le désinvestissement des énergies fossiles, en sera le fer de lance (lire notre article Désinvestir les énergies fossiles ?).

Mais il est probable que la réalité de la transition s’impose simplement au nouveau président : les marchés ne s’intéressent plus au charbon depuis plusieurs années, car le gaz naturel et deux technologies renouvelables – l’éolien et le photovoltaïque – sont aujourd’hui moins chers et plus compétitifs (lire à ce sujet cet article du Computerworld).