Stockage : Les STEPs font de la résistance

Souvent considérée comme une technologie de stockage rudimentaire et vieillissante, la station de pompage-turbinage (STEP) ne semble pas avoir dit son dernier mot. Ses qualités justifieraient largement l’acharnement thérapeutique des centres de recherche…

Pour beaucoup d’entre nous, la station de transfert d’énergie par pompage-turbinage de Coo (photo ci-dessus) fait partie du paysage depuis notre plus tendre enfance. A l’heure où la plupart des grands laboratoires spécialisés planchent sur des solutions de stockage pour permettre l’inévitable montée en puissance du renouvelable, on serait donc tenté de penser que cette technologie hydraulique n’a plus vraiment le profil. Avec ses 1,2 GW de puissance et son réservoir supérieur de 8,52 millions de mètres cubes capable de délivrer en quelques heures 5 GWh d’énergie, Coo a été conçu dans les années 70 pour permettre une meilleure intégration des centrales nucléaires dans le réseau électrique belge et offrir une réserve primaire et secondaire d’énergie au gestionnaire de réseau de transport (GRT).

Aujourd’hui, la poussée des renouvelables requiert de nouvelles solutions de stockage adaptées à la variabilité des flux solaire et éolien  pour maintenir l’équilibre des réseaux tout en limitant le recours aux « stocks » d’énergies fossiles comme le gaz naturel. Alors, on efface tout et on recommence ?

Ce n’est pas l’avis de Patrick Hendrick, professeur et chercheur au service aéro-thermo-mécanique (ATM) de l’ULB, qui a exploré les différentes pistes de recherche de stockage énergétique susceptibles de répondre aux besoins nouveaux des réseaux électriques. Il livrait récemment ses pistes de réflexion à la tribune d’un séminaire organisé par EF4. Pour lui, en mettant à plat l’ensemble des caractéristiques attendues en termes de stockage dans le domaine énergétique, le pompage/turbinage reste bel et bien un des premiers choix pour répondre aux principales attentes des opérateurs du système électrique. Pour le reste, il faudra, estime-t-il, tabler sur un mix de solutions plutôt que sur une seule pourvue de toutes les vertus.

C’est que les besoins en termes de stockage s’avèrent très diversifiés, selon l’opérateur concerné. Mais qu’il s’agisse de lissage des achats d’électricité par un auto-producteur, de gestion d’équilibre consommation/production par les opérateurs de réseau ou d’arbitrage fin sur le marché spot, les STEPs conservent à ses yeux toute leur pertinence d’un point de vue technico-économique. A condition d’en améliorer les performances techniques là où elles font défaut, d’en minimiser les coûts d’investissement et surtout de disposer d’un cadre juridique et tarifaire qui crée un marché pour les services associés au stockage de l’énergie, ce qui semble parfaitement réalisable, comme en témoignent différentes applications déjà mises en œuvre dans d’autres pays et que nous évoquerons plus loin.

STEP et autres solutions de stockage

En mettant à plat les différentes solutions de stockage proposées actuellement sur le marché (batteries chimiques, supraconducteurs, air comprimé, hydrogène, etc.), on relève une grande diversité au niveau technique : temps de réponse, puissances délivrées et consommées, énergies stockées, rendements énergétiques, modularités. On remarque également un panel de choix au niveau financier : investissement, durée de vie, frais de fonctionnement. Or, en fonction des zones géographiques considérées, la proportion de renouvelable et leurs cycles de variabilité s’avèrent très diversifiés, ce qui conduit à des solutions de stockage elles-mêmes très diverses.

Hormis dans des situations où l’on cherche de grandes réactivités (de l’ordre de la seconde voire moins), le pompage-turbinage reste dans une position très favorable pour des « petites » puissances (< 10 MW) ou des « faibles » capacités (durée de stockage inférieure à une heure). Dans ces configurations, il sera difficile de concurrencer avec les autres solutions en termes de rendement et de prix de revient, établi sur le long terme. Pour autant, bien entendu, que la configuration spatiale (différence de hauteur) et l’occupation du sol le permettent.

Les nouvelles pistes d’innovation

D’où l’idée d’explorer plus avant des aménagements technologiques du pompage-turbinage visant à en améliorer les performances, notamment dans les temps de réponse et la modularité. Comment dimensionner une nouvelle installation en vue d’une utilisation plus souple et plus rentable dans les nouvelles conditions de production d’électricité qui se profilent ?

A Coo, la modularité se limite à des blocs de 200 MW. Avec l’installation de la Plate-Taille – très peu utilisée au cours des vingt dernières années – on ramène déjà l’intervention à des blocs de l’ordre de 50 MW. Un pas supplémentaire pourrait se situer au niveau de turbines plus modulables (voire réversibles et/ou à rotation variable) de sorte à faire intervenir une partie seulement de la capacité disponible.

On peut travailler aussi sur les hauteurs entre bassins et le positionnement des machines (rapport entre les distances horizontales et verticales), le dimensionnement des canalisations pour limiter les pertes de charge au niveau des conduites (les diamètres des conduites forcées sont de l’ordre de plusieurs mètres, mais les technologies actuelles permettent des fabrications sur place)… Certaines configurations existantes – comme par exemple les ascenseurs de Strépy-Thieu ou certaines cavités souterraines bien disposées – permettent parfois aussi d’envisager des installations de plus petit format, notamment en ilotage et avec des coûts de génie civil bien moindres – tel que le projet SmartWater soutenu par le programme mobilisateur Energinsere.

A la STEP de Vianden (Luxembourg), dont la puissance est comparable à celle de Coo, on atteint une efficacité globale de l’ordre de 74 % proche de l’optimum théorique. A Kops (Autriche), on a créé un réservoir intermédiaire (Rifa de 1,1 Mm3) et une boucle hydraulique de 50 MW sur le circuit de 150 MW, ce qui améliore considérablement la flexibilité de l’installation et permet aux différentes turbines de fonctionner au maximum de leur rendement.

Les STEPs représentent aujourd’hui plus de 90 % de la capacité totale stockée en énergie et de 95 % en puissance, mais le potentiel, en Belgique comme ailleurs, reste extrêmement élevé, en particulier pour des unités de plus petite taille. Leur avenir est très prometteur.