Sortie du nucléaire : Seuls certains industriels n’y croient toujours pas

La nouvelle étude Climact confirme l’évidence d’une stratégie électrique basée sur l’efficacité énergétique, les énergies renouvelables, la flexibilité, l’interconnexion et un prix du carbone adéquat. La majorité des acteurs soutiennent cette analyse.

Ce 14 mars 2017, la présentation  de la récente étude « The Belgian Electricity Landscape in the Context of the Nuclear Phase-out », réalisée par Climact pour le compte de la Fondation allemande Heinrich Böll, a été l’occasion de débattre sur la perspective d’une sortie du nucléaire en Belgique. Celle-ci est bien inscrite dans la loi, mais l’absence d’action politique inquiète son voisin allemand sur sa faisabilité. Le « Pacte énergétique belge » fait en effet figure de monstre du Loch Ness (lire notre article Pacte énergétique : impatience à tous les étages).

L’hôte allemand de cette conférence a rappelé, non sans humour, le caractère compliqué de l’institution « Belgique ». Vu de l’extérieur, il est difficile de comprendre qui décide quoi et comment les décisions aboutissent. Vu de l’intérieur, le découpage des compétences entre les différents niveaux de pouvoir et les stratégies des partis politiques créent l’inertie, voire l’immobilisme.

Parmi les principales conclusions de l’étude, Julien Pestiaux (Climact) pointe la nécessité d’un message politique sans ambiguïté sur la volonté de mettre en œuvre la sortie du nucléaire telle que planifiée. Tandis que la représentante des ONG environnementales, Sara van Dijk, insiste : « Les discussions ont assez duré depuis 2003 (NDLR : date de Loi de sortie du nucléaire), maintenant il faut agir » (lire notre article Le scénario des ONG pour une Belgique durable en 2030).

D’entrée de jeu, Jan Hensman, chef d’unité à Direction générale de l’énergie du SPF Economie, souligne : « La sortie du nucléaire est actée, pas de doute à avoir à ce sujet. Entre 2020 et 2025, le phasing out nucléaire sera bien appliqué. C’est tout à fait possible et l’administration fédérale en est le facilitateur ».

Le retrait des capacités nucléaires, aujourd’hui en fin de vie, sera entre autre compensé par davantage d’interconnexions avec les Etats voisins. « La Belgique est un pays d’échanges et elle vit du commerce avec ses voisins. L’énergie n’échappe pas à cette règle », conclut-il.

La sortie du nucléaire est tout à fait concevable dans le calendrier annoncé. D’ici là, le système électrique connaîtra globalement (1) un renforcement des interconnexions du réseau de transport électrique, (2) des nouvelles capacités électriques renouvelables, (3) des unités de production électrique flexibles au gaz naturel et de solutions de stockage. Enfin, (4) la gestion de la demande d’électricité constituera un levier central pour réduire les besoins d’électricité et mettre en phase la variabilité de l’offre et de la demande.

Fig. Rôle important de l’efficacité et de l’électrification de la consommation finale selon un scénario « low carbon » à l’horizon 2050. – Source : Climact

Parmi les hypothèses de base, le système énergétique connaîtra une réduction des consommations d’énergie (efficacité énergétique) et une électrification des vecteurs énergétiques. D’ici 2050, la consommation finale d’énergie sera réduite de 31%, et la part du vecteur électrique augmentera de 22% à 37%.

Même avec une augmentation de la consommation électrique de 90 TWh à 104 TWh en 2030, le paysage électrique belge de demain sera sans nucléaire. L’étude confirme sa faisabilité  en respectant le triangle des objectifs globaux : sécurité d’approvisionnement garantie, coût du service énergétique acceptable et impacts environnementaux réduits.

Fig. Comparaison des coûts actualisés de l’énergie (Levelized Cost of Energy – LCOE) pour les principales options de production électrique. – Source : Climact

L’évolution des valeurs de LCOE (Levelized Cost of Energy) des différentes technologies confirment que la production d’électricité la moins chère sera renouvelable, même en y associant les coûts de leur intégration dans le réseau, estimés entre 9 et 25 €/MWh d’ici 2030.

Les besoins de flexibilité du système électrique belge sur la période 2017-2027 ont été analysés dans l’étude d’ELIA relative à l’adéquation entre la production et la consommation d’électricité. Ils y sont quantifiés  et l’introduction du concept de « Structural block » y explique l’organisation de la stabilité du réseau durant la période de sortie du nucléaire. La CREG suggère par ailleurs d’y intégrer davantage de solutions de gestion de la demande (DSM).

L’analyse des différents scénarios et de leurs hypothèses confirment que la sortie du nucléaire se déroulera (1) sans compromettre la stabilité du réseau électrique, (2) sans être plus coûteux qu’une option avec du nucléaire (3) sans que cela s’accompagne à terme d’une augmentation des émissions de CO2.

Fig. Evolution de la consommation annuelle finale d’électricité belge par secteur d’activité. Source Eurostat, Graphe APERe Observatoire

Si la FEB – qui représente près de la moitié de la consommation d’électricité – garde une ouverture sur toutes les solutions technologiques, Olivier Van der Maren déclare qu’elle n’envisage absolument pas la construction de nouvelles centrales nucléaires en Belgique et ce, même si « certains industriels ne croient toujours pas à une Belgique énergétique sans nucléaire ». Pourtant, quelle meilleure garantie d’approvisionnement que de se baser sur une ressource renouvelable locale non soumise aux aléas géopolitiques ?