Largement exploitée dans les pays nordiques, la pompe à chaleur (PAC) a longtemps souffert en Belgique d’une réputation de « fausse bonne idée ». Question de performance et de fiabilité. Elle pourrait être bientôt réhabilitée via la production spécifique d’eau chaude sanitaire…
Lors de la première crise pétrolière, dans les années septante, tout le monde s’est lancé tête baissée à la recherche de solutions techniques susceptibles de calmer l’appétit de nos systèmes de chauffage. Parmi les pistes explorées, celle de la pompe à chaleur ne manquait pas d’atouts. Sur le papier. Mais dans la précipitation, les premières machines expérimentées en Belgique ont pour beaucoup été un peu bricolées : performances et rendements médiocres, fiabilité contestable, bruit de fonctionnement… Cette réputation leur a longtemps collé à la peau, freinant le décollage de la filière belge. Une situation d’autant plus curieuse que la pompe à chaleur a tendance à se généraliser en appoint des systèmes de chauffage dans de nombreux pays, comme la Suisse ou la Suède. La situation et les esprits semblent avoir évolué, grâce notamment à un jeune ingénieur wallon.
Il y a cinq ans, Vincent Colard, qui a fait ses armes au bureau d’études de Caterpillar avant de participer à l’aventure IBA (Ion Beam Applications), se sent des envies d’exploration industrielle. Le hasard l’amène sur la piste des pompes à chaleur sous la houlette d’un des pionniers du secteur, Paul Cobut (Energy Saving Services). Ses investigations débouchent sur le concept d’une PAC à air à captation naturelle (ou statique) – donc dépourvue du bruyant ventilateur – et entièrement dédiée aux applications basse puissance et plus spécifiquement à la production d’eau chaude sanitaire. La solution statique donne une machine aux dimensions plus imposantes que les PAC traditionnelles, vu la surface plus importante de l’évaporateur (un mètre sur deux) mais, selon son concepteur, aux performances nettement améliorées et particulièrement adaptée à nos climats tempérés. Les tests de Laborelec le confirme : le coefficient de performance est proche de 3 (2,96). Ce modèle est dès lors la première PAC à pouvoir bénéficier de la prime wallonne, qui a fixé le seuil minimal à 2,6.
En 2008, Vincent Colard lance donc sa société, Solaris PAC, avec l’appui de trois business angels (qui représentent chacun 8 % du capital), de Sambre Invest (8 %) et de Wallonia Space Logistic Center (8 % également). Sowalfin se porte garant pour la moitié des emprunts bancaires. Le choix de l’eau chaude sanitaire comme cible commerciale est astucieux puisqu’il permet au projet de s’installer dans une petite niche qui n’intéresse que moyennement les marques Daikin, Buderus et autres Viessmann qui trustent le marché du chauffage domestique. Une niche qui, selon les chiffres officiels (CWaPE), représente tout de même une consommation de 4 200 kWh/an pour une famille de quatre personnes (soit 11,5 kWh/jour), ce qui débouche sur un budget annuel de près de 650 €/an.
La première présentation de la nouvelle machine se révèle plutôt décevante : « Tout le monde me disait : mon Dieu que c’est moche ! ». Ravalant sa fierté, Colard profite alors d’un projet d’aide au design industriel. Avec un partenaire extérieur, il conçoit une formule originale qui, sur base de la machine « brute », propose une série de plaques de parement personnalisées éventuellement dessinées par le client lui-même. Banco !
« Lors du premier salon où je présente ma nouvelle machine, je n’ai aucune référence et mon prototype vient à peine d’être testé par Laborelec. Ce sont ces parements qui ont amené les visiteurs sur notre stand. Il ne me restait plus qu’à argumenter la partie technico-économique de la machine et je ne manquais par d’arguments. Cent cinquante personnes nous ont laissé leurs coordonnées et nous avons vendu six machines lors de la foire et dans les jours qui ont suivi. Nous n’en revenions pas ! »
Depuis, les événements et salons constituent le premier vecteur de vente de l’entreprise qui dispose à ce jour d’un parc de plus de 200 machines installées et d’un carnet de commandes de plus de 50 unités. En octobre 2012, Solaris PAC recevait le Grand Prix wallon de l’Entrepreneuriat dans la catégorie Développement durable. Vincent Colard peut passer à une production semi-industrielle dans ses nouveaux locaux de l’Aéropôle de Gosselies. Il joue désormais (presque) sur du velours : « Toutes nos machines sont équipées d’un compteur d’énergie, ce qui nous permet, via nos clients qui sont tous très attentifs aux économies qu’ils réalisent, de faire la preuve au jour le jour que le système fonctionne et que les rendements sont au rendez-vous ».
Selon les chiffres recensés auprès de ses clients, les dépenses en énergie des machines installées oscilleraient entre 2,5 et 5 kWh/jour en fonction du mode d’utilisation et de la consommation d’eau chaude. Ce qui, au regard des quelque 11,5 kWh/jour constatés en moyenne dans les productions classiques d’eau chaude sanitaire, témoigne de rendements pour le moins satisfaisants.