Le gouvernement wallon a approuvé sa stratégie pour la rénovation énergique de son parc de bâtiments. Objectifs d’ici 2050 : tendre en moyenne vers le label PEB A pour le logement et le niveau « zéro énergie » pour le tertiaire. Parmi les nouveaux outils : le passeport bâtiment.
Le Service Public de Wallonie a présenté le 10 mai dernier à Beez la nouvelle stratégie wallonne pour la rénovation énergétique de son parc de bâtiments.
La démarche s’inscrit dans la mise en œuvre de l’article 4 de la Directive « Efficacité énergétique » et des différents engagements wallons en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre (- 80 à 95% par rapport à 1990). Elle est également coordonnée avec les autres plans wallons (Plan Air-Climat-Energie, Stratégie de Développement Durable, Plan de Lutte contre la Pauvreté, etc.).
Cette stratégie constitue, enfin, un premier aboutissement des longues consultations avec les parties prenantes. Discussions qui sont encore appelées à se poursuivre dans les mois à venir à travers plusieurs groupes de travail thématiques en vue d’opérationnaliser les principes adoptés autour de trois axes :
- Créer un cadre transparent et propice à des investissements énergétiquement efficaces ;
- Structurer et renforcer le marché de l’offre des fournitures et services liés à la rénovation ;
- Renforcer la demande pour des bâtiments énergétiquement performants
Ces trois axes visent des objectifs précis, eux-mêmes déclinés en mesures et actions les plus appropriées dans le contexte wallon. On y relèvera notamment le souci de mettre en cohérence l’ensemble des éléments intervenant dans la performance énergétique des bâtiments et des réalités économiques et sociales du terrain.
La stratégie wallonne vise donc à amener d’ici 2050 le parc de bâtiments résidentiels vers le label A (en moyenne) et le parc de bâtiments tertiaires vers la neutralité énergétique.
Pour y arriver, trois outils majeurs seront progressivement mis en œuvre :
- Le passeport bâtiment,
- La feuille de route rénovation,
- Le guichet unique.
Le premier d’entre eux – le passeport bâtiment – constituera une réelle avancée dans l’organisation du paysage immobilier wallon. Nous vous proposons de mieux connaître ce nouvel outil. Explications de Quentin Jossen (CLIMACT), cheville ouvrière de la nouvelle stratégie wallonne.
Jean Cech (Renouvelle) : D’où est venue l’idée d’un passeport bâtiment et quelle sera selon-vous sa valeur ajoutée dans l’arsenal PEB ?
Quentin Jossen (CLIMACT): Lors du processus d’élaboration de la stratégie wallonne, nous avons été amenés à assurer une veille de toutes les bonnes pratiques expérimentées ailleurs en matière de rénovation. La mise en place de passeports bâtiment en faisait partie, ce qui nous a conduits à explorer plus particulièrement cette piste. Tout récemment encore, une étude du BPIE (Building Performance Institue Europe) compare précisément la mise en oeuvre de ce type de passeport bâtiment dans trois pays européens : Belgique, Allemagne, France (en savoir plus).
Selon les cas, le cadre adopté pour ces passeports ne se limite pas aux aspects énergétiques de la rénovation, mais ce qui est caractéristique de ceux-ci, c’est l’élaboration, au sein du document, d’une feuille de route. Et il se trouve qu’une telle feuille de route constitue précisément l’un des trois outils que nous préconisons pour cadrer la rénovation. Mais, dans notre esprit, le passeport bâtiment a clairement bien d’autres intérêts encore.
J.C. : Qu’est-ce à dire ?
Q.J. : L’idée est de disposer, pour chaque bâtiment, d’un lieu unique – vraisemblablement virtuel – où l’on va retrouver toutes les informations requises à un moment donné – au niveau du locataire, du propriétaire ou de l’administration – lors de décisions relatives à la vie d’un bâtiment. Ce qui devrait faciliter les démarches administratives qui y sont liées pour les acteurs concernés…
J.C. : Sous quelle forme et – s’agissant de la mise à jour – sous la responsabilité de quel acteur ?
Q.J. : Cet aspect du « comment » fait encore partie des discussions. Et je ne pourrais vous donner ici que ma vision personnelle des choses. Ce qui importe, c’est que tous les intervenants puissent avoir accès à tout moment à des informations structurées et actualisées sur le bâtiment en question. Qu’il s’agisse pour l’administration d’établir des statistiques sans devoir solliciter systématiquement le propriétaire ou l’habitant, ou pour le propriétaire ou le locataire de compléter une demande de prime ou de permis.
J.C. : A la manière des dossiers médicaux que tiennent les médecins, en somme ?
Q.J. Exactement. On est dans la même démarche. Le jour où toutes les bases de données dédiées au bâtiment se rejoindront dans le passeport bâtiment, on pourra disposer d’une vue bien plus réaliste de la situation du parc immobilier. Aux Pays-Bas, cela permet notamment de disposer d’une cartographie des bâtiments, consultable à la manière de Googlemap (en savoir plus).
J.C. : Mais tout est à faire ! On n’est pas près de disposer d’un tel outil !
Q.J. : C’est un gros chantier, c’est vrai. Mais on dispose déjà de bonnes fondations avec les certificats PEB devenus obligatoires, même si la base de données qui est derrière n’est pas (encore) accessible à tous et que les données sur les consommations ne sont pas encore centralisées. Mais on y viendra et les bons gestes commencent à entrer dans les pratiques.
J.C. : En quoi la généralisation d’un tel passeport est-elle de nature à optimaliser les démarches de rénovation ?
Q.J. : Je relèverais trois grandes avancées. Premièrement, cela va considérablement simplifier la vie des différents protagonistes concernés. Deuxièmement, l’inclusion d’une feuille de route de rénovation dans ce passeport va mettre en place les conditions pour que tous les travaux projetés sur l’enveloppe du bâtiment soient cohérents avec les objectifs à long terme que s’est fixée la Région.
Cela permettra de s’assurer que quiconque envisagera par exemple de rénover sa façade ou son toit, quelle qu’en soit sa motivation, pourra embarquer dans sa réflexion la dose appropriée d’efficacité énergétique. Parce qu’une façade ou une couverture de bâtiment ne se renouvelle pas tous les ans.
Enfin, troisièmement, cela permettra d’identifier à tout moment les points prioritaires où il y aurait lieu d’intervenir pour que l’efficacité énergétique du bâtiment s’améliore. Et cela, en lien avec les besoins spécifiques des occupants en termes de confort et d’économie énergétique et avec le souci économique à long terme du propriétaire. Autant d’informations stratégiques très difficile à réunir aujourd’hui.
J.C. : Le document intégrerait donc aussi une feuille de route optimale de la rénovation…
Q.J. : Exactement. Le certificat PEB actuel photographie un état théorique du bâtiment à un moment donné. Il permet de situer les consommations pour une utilisation standard des locaux. Il existe également l’audit PAE2 (NDLR : Procédure d’Avis Energétique) qui fournit un avis d’expert sur les performances énergétiques envisageables en fonction d’améliorations à apporter. Cet audit précise les étapes de rénovation qui seraient les plus pertinentes et l’efficacité énergétique qui en résulterait en bout de travaux.
L’idée est de construire sur ces deux outils pour, d’une part, informer les candidats acheteurs des travaux à réaliser pour faire tendre leur bien vers les objectifs de la Région – proche du certificat PEB – et, d’autre part, cadrer tout projet de rénovation dans cette réflexion long terme – proche de l’audit PAE2.
J.C. : Normalement, au vu des objectifs régionaux, cela devrait être le label A, non ?
Q.J. : C’est un objectif moyen pour l’ensemble des habitations de la Région. Mais tous ne seront pas forcément en mesure de l’atteindre ; tandis que d’autres pourront aller au-delà.
J.C. : Pour quelles raisons ?
Q.J. : Il peut y avoir un ensemble de barrières techniques ou économiques. C’est ce que tentent de déterminer nos groupes de travail actuellement. Tout l’enjeu consiste, à partir de ces différents freins à la rénovation, à dimensionner de manière optimale les différents incitants – tant financiers que réglementaires – de nature à stimuler, voire contraindre, les propriétaires à rénover.
En France par exemple, dès 2030, les bâtiments de label F et G ne pourront plus être mis en location. En Grande-Bretagne, la même contrainte s’appliquera dès le 1er avril 2018.
Il faut tenir compte aussi de certains moments charnières où ces rénovations ont le plus de chance d’être envisagées de manière optimale : lors de la vente d’un bâtiment ou de sa mise en location. Lors de ces deux moments, le passeport et sa feuille de route seront de nature à enrichir, voire à infléchir, la décision de rénover ou non, ou encore de choisir ce bâtiment plutôt qu’un autre, etc. Avec une vision claire sur les implications financières à court et moyen terme.
J.C. : L’idée est donc d’inscrire la rénovation dans une réflexion dynamique du patrimoine immobilier?
Q.J. : En effet. Il s’agit de stimuler la rénovation énergétique pour qu’elle se fasse là où on hésite à le faire. Qu’elle se décide aussi aux moments les plus opportuns – revente, mise en location, travaux esthétiques, etc. -, et dans un phasage optimal au regard des objectifs régionaux et de l’intérêt des différents protagonistes. Et pour cela, il faudra faire œuvre de pédagogie en mettant en évidence les avantages financiers, économiques et de confort. Y compris les aspects santé. Il faut aussi mettre en place un accompagnement pour que cela se fasse de manière harmonieuse et cohérente au regard des informations inscrites dans le passeport bâtiment.
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