Réconcilier les centrales hydroélectriques et la faune piscicole en Basse-Meuse

Les centrales hydroélectriques historiques doivent renouveler leur permis d’environnement et répondre à de nouvelles exigences pour protéger les saumons et anguilles. Le projet Life4Fish testera différentes solutions techniques, afin de protéger les espèces et maintenir la production hydroélectrique.

En Belgique, EDF Luminus est propriétaire et exploitant des 6 centrales hydroélectriques de grande puissance sur la Basse Meuse, soit 60% de la puissance installée sur les cours d’eaux belges. Ces centrales historiques arrivent progressivement en fin de permis environnementaux et doivent les renouveler. Or, depuis leur construction dans les années 60, les connaissances et les exigences environnementales ont fortement augmenté.

La Directive Cadre sur l’eau, adoptée par l’Europe en 2000, et les plans nationaux de gestion des anguilles et saumon imposent désormais des conditions d’exploitation plus strictes afin de protéger ces deux poissons migrateurs lors de la dévalaison.

Les permis d’environnement et d’exploitation actuels fixent notamment un taux de mortalité maximum par passage dans les turbines pour ces deux espèces protégées et peuvent imposer des limitations de turbinage durant certaines périodes ou sous certaines conditions hydrologiques, ainsi qu’un débit réservé élevé (partie du débit du cours d’eau non turbiné).

Pour EDF Luminus, l’enjeu est de taille : si ses 6 centrales devaient respecter l’ensemble des nouvelles contraintes environnementales, il s’en suivrait une perte de production de l’ordre de 100 GWh, soit près d’un tiers de la production hydroélectrique en Belgique.

L’opérateur est donc particulièrement proactif pour développer de nouvelles solutions techniques permettant à la fois de protéger la faune piscicole et maintenir sa production électrique.

Or, si les anguilles et les smolts de saumons peuvent passer à travers les turbines des centrales hydroélectriques, leur taux de mortalité effectif reste aujourd’hui théorique car peu mesuré sur le terrain.

EDF Luminus a dès lors elle-même initié le projet européen Life4Fish, en collaboration avec deux laboratoires de recherche (ULg HECE et UNamur) et une entreprise spécialisée (ProFish Technology).

Des générateurs d’infrason, développés par l’entreprise wallonne ProFish Technology, pourraient être testés en Basse Meuse pour dévier les saumons et anguilles vers un contournement des turbines hydroélectriques. © ProFish Technology

Ce projet a pour but de :

  • Caractériser et estimer la taille et l’état (santé, comportement, capacité natatoires) des populations de poissons présentes dans la Meuse.
  • Caractériser les comportements à la dévalaison des smolts de saumon et des anguilles argentées par télémétrie acoustique à l’approche des sites, en lien avec une modélisation fine de l’hydrodynamique du fleuve (poissons équipés d’émetteurs et lâchés dans la rivière).
  • Concevoir et dimensionner des dispositifs d’évitement (ouvrages de dévalaison) complétés par des barrières comportementales et des arrêts ciblés de turbinage pour éviter le passage dans les turbines.
  • Tester des dispositifs d’évitement sur 2 sites pilotes (centrales de Ivoz Ramet et de Grands-Malades). Déploiement de la solution optimale sur l’ensemble du parc.
  • Tester l’ichtyocomptabilité des turbines hydoélectriques (c-à-d leur compatibilité avec le passage de poissons, sans impacts mortels). Le test sera effectué sur une nouvelle turbine qui devrait équiper par la suite la centrale de Monsin avec une technique innovante : de faux poissons équipés de senseurs seront utilisés afin de mesurer les effets hydrodynamiques du passage dans les turbines (variation de pression, accélération…). Selon les résultats, la pression pourrait être modulée afin d’atténuer son impact sur la faune piscicole.

Le projet Life4Fish se déroulera sur 4 ans et, selon les données mesurées, permettra de mettre en conformité les centrales hydroélectriques en Basse-Meuse et de réconcilier la production électrique avec la protection environnementale.