Les acteurs luxembourgeois se projettent dans l’avenir. Avec des économies importantes d’énergie dans le transport et le logement, et des productions biomasse, photovoltaïque ou éolienne, le territoire pourrait devenir autonome en 2050.
Le 2 décembre dernier étaient organisées à Bertrix les premières Rencontres climatiques de la Province de Luxembourg dans le cadre de la dynamique PEP’S-Lux, Province à Energie Positive.
Cet événement s’inscrivait dans la dynamique de co-construction de l’avenir énergétique du territoire initiée par la Province et visant à favoriser la participation de l’ensemble des parties prenantes de ce territoire.
Un des points d’orgue de la matinée était la présentation des scénarios pour un territoire 100% renouvelable à l’horizon 2050. Ce travail prospectif, mené par la Cellule provinciale Développement Durable avec le soutien d’un Groupe de Compétences animé par l’APERe, a développé une approche collaborative, dans la continuité du Parlement Citoyen Climat (lire notre article Climat : un Parlement engagé sur son territoire).
Il s’agissait de favoriser, d’une part, l’appropriation par l’ensemble des acteurs concernés des politiques qui seront définies et, d’autre part, leur implication dans la mise en œuvre de ces dernières.
Le Groupe de compétences visait à allier les connaissances locales aux connaissances des experts techniques et scientifiques pour faciliter des décisions politiques basées sur des données techniquement crédibles et politiquement légitimes. Ainsi, aux côtés d’experts scientifiques de l’ULg et de l’ULB ainsi que des techniciens de la Cellule Développement Durable, on retrouvait au sein de ce Groupe des représentants de l’ICEDD, de Valbiom, d’IDELUX, de l’entreprise Le Trusquin, du MOC-Luxembourg et de la coopérative citoyenne Vents du Sud.
En se positionnant en tant que Territoire à Energie Positive à travers la dynamique PEP’S Lux (Province à Energie Positive), la Province de Luxembourg s’est engagée à œuvrer pour la concrétisation d’une vision 100% renouvelable de son territoire basée sur un objectif de réduction maximale des besoins d’énergie, grâce à la sobriété et l’efficacité énergétiques, et sur une couverture de ces besoins par les énergies renouvelables locales.
Cette vision se base sur :
- un bilan énergétique territorial,
- une estimation du potentiel technique d’efficacité énergétique et de production d’énergie à partir de sources renouvelables,
- la définition de scénarios de transition vers un bilan énergétique neutre à l’horizon 2050 visant à identifier les conditions dans lesquelles cette transition est envisageable.
Le détail de ces éléments présentés le 2 décembre à Bertrix est disponible sur le site PEP’S-Lux. Nous en présentons ci-dessous un bref condensé…
Les participants aux premières Rencontres climatiques de la Province de Luxembourg étaient invités à signer la charte des Territoires à Energie positive.
Bilan énergétique, un territoire déjà en mouvement
Le bilan énergétique 2013 du territoire montre que, alors que la consommation de combustibles fossiles représente 64% de la consommation énergétique totale du territoire, les secteurs du transport et du logement en sont les principaux consommateurs (78% de la consommation totale de produits pétroliers et de gaz naturel).
L’analyse de l’évolution de ce bilan énergétique montre qu’après deux décennies d’augmentation constante des consommations, la tendance actuelle s’inverse et est soutenue par une augmentation de la capacité de production d’énergie renouvelable pour atteindre un taux de couverture renouvelable encourageant (19% en 2013). Cette tendance positive est confirmée par une réduction des émissions de gaz à effet de serre de 11% entre 2006 et 2013.
Potentiel renouvelable : l’espace disponible, principal atout du territoire
L’analyse du potentiel technique de développement des énergies renouvelables montre que ce dernier permettrait de couvrir 126% des consommations actuelles. Ce potentiel est clairement dominé par le potentiel solaire photovoltaïque et le potentiel éolien qui représentent à eux seuls 75% du total.
Trois scénarios
Les experts et acteurs du territoire ont analysé trois scénarios visant la neutralité énergétique et donnant successivement priorité au développement de la filière biomasse – avec ou sans objectifs ambitieux d’efficacité énergétique – puis au développement des filières éolienne et photovoltaïque. Ces analyses ont permis de conclure que des économies d’énergie de l’ordre de 25% à 55% (suivant les scénarios) sont indispensables et devront être réalisées en priorité dans les secteurs du transport et du logement.
Le mix de production d’énergie 100% renouvelable devra être composé comme suit :
- 50% à 80% d’électricité produite par des éoliennes, des installations solaires photovoltaïques et des unités de cogénération biomasse
- 20% à 50% de chaleur et de carburants produits à partir de bois (exploitation de 5% à 30% de la forêt), de culture énergétique (cultures dédiées sur 7% à 25% de la surface agricole), de déchets lignifiés, de coproduits agricoles et d’effluents d’élevage.
Ce mix de production d’énergie sera donc composé en majorité d’électricité et nécessitera l’électrification de jusqu’à 40% des systèmes de chauffage et procédés industriels.
En outre, la variabilité de la production d’énergie électrique inhérente aux principales filières renouvelables nécessitera, d’une part, le développement d’une surcapacité de production dans le cadre d’une interconnexion avec les territoires voisins et d’autre part, la mise en place conjointe de systèmes de stockage et de nouveaux modèles de consommation électrique favorisant la consommation de l’énergie quand elle est produite.
Les recommandations du Groupe de compétences
Sur base des conclusions de ce travail, le Groupe de compétences émet 6 recommandations en vue de soutenir la vision 100% renouvelable à l’horizon 2050 :
- Intégrer l’énergie grise dans l’approche PEP’S Lux
- Analyser les impacts socio-économiques de la vision
- Mener le débat sur l’aménagement du territoire
- Favoriser une transition écologique et sociale inclusive
- Mener et soutenir des projets pilotes
- Impliquer les acteurs socio-culturels
Visualiser l’avenir pour se l’approprier
Le Groupe de compétences traduit ces conclusions et recommandations par une visualisation d’une société luxembourgeoise qui aurait réussi ce genre de transition. Cette visualisation positive de l’avenir permet aux acteurs de se projeter dans le temps et de se mobiliser pour la transition énergétique qu’ils ont eux-mêmes définie.
Ce territoire en transition miserait sur son énorme potentiel agricole, forestier et spatial pour établir un dispositif de production alimentaire, d’énergie renouvelable et de biens locaux. Il déploieraitun programme volontaire et inclusif de réduction de la consommation et d’amélioration de l’efficacité qui se gagnerait principalement par :
- l’investissement bien pensé dans le secteur du logement et des bâtiments publics,
- la diminution des besoins de transport,
- l’amélioration du système de transport combinant autant que possible transport public, systèmes de partage et mobilité douce.
Une telle vision permettrait le développement de l’emploi à court et long terme et conduirait à un territoire moderne et résilient face aux défis du changement climatique et du pic pétrolier.