Quelle part de renouvelables d’ici 2030/2050 ?

Le Bureau fédéral du Plan prévoit au moins 50% d’électricité renouvelable en Belgique d’ici 2050. Or de nombreuses études – et même des transitions en cours – confirment des scénarios 100% renouvelables d’ici 2050. Et parfaitement envisageables d’un point de vue technico-économique. Difficile à croire ?

En avril dernier, le Bureau fédéral du Plan publiait un Working Paper visant à actualiser les perspectives énergétiques à long terme de la Belgique. Cet exercice, qui a lieu tous les trois ans, vise une transition bas carbone d’ici 2050.

Dans cette nouvelle édition, nous constatons que les trois scénarios avancés prévoient une part importante d’électricité d’origine renouvelable dans la production électrique nette* : de 47,5% à 55 %  à l’horizon 2030. Projetés à 2050, ces chiffres dépassent systématiquement les 50% avec des maxima de 64,5%. Ambitieux ?

Tout dépend bien sûr des scénarios d’interconnections, des objectifs déclarés en matière d’efficacité énergétique, des objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre, des politiques de soutien dédiées aux différents vecteurs considérés, de l’évolution attendue du marché du CO2, etc (lire notre article Une nouvelle vie pour le marché européen du carbone ? ).

Pourtant, ce type d’analyse se multiplie de par le monde. Et les chiffres avancés – par des associations environnementales, des bureaux d’étude et des agences officielles – surprennent souvent au regard des marchés concernés. Tous en effet ne sont pas forcément réputés pour leur propension à la frugalité énergétique et leur empressement à s’engager concrètement en faveur du climat.

Ainsi, le China National Renewable Energy Center a publié une étude, cautionnée par le département américain de l’énergie, qui avance que la Chine pourrait parfaitement, dès 2050, produire 85% de son électricité à partir de sources renouvelables. Et elle compte bien y mettre les moyens puisque que le pays-continent  prévoit d’installer d’ici 2020 une puissance solaire et éolienne de l’ordre de 180 GW : l’équivalent de ce que le reste de la planète a installé au cours des 40 dernières années !

Au même horizon 2050, les Etats-Unis évoquent dans plusieurs études jusqu’à 90% d’électricité renouvelable. L’Australie et le Canada vont même jusqu’à 100%. Nombre d’études universitaires n’hésitent pas à avancer des chiffres à peine moins ambitieux pour l’ensemble des économies mondiales. Et beaucoup insistent sur le scrupuleux réalisme économique de ces évaluations qui s’efforcent systématiquement de confronter les hypothèses théoriques avec la réalité du tissu économique existant.

D’autant que certaines Régions et territoires sont déjà en passe d’atteindre – ne fut-ce que sur des périodes de temps plus ou moins courtes – des objectifs renouvelables de ce niveau.

On peut dès lors se demander pourquoi de telles études, généralement très étayées scientifiquement, ont tant de mal à passer la rampe de l’intelligentsia des pays en question sans être nimbées d’un parfum d’utopie ?

Un profond changement culturel

Une partie de l’explication pourrait être apportée par cet incident très révélateur survenu en France à l’occasion de la publication d’une étude commanditée par l’Agence française de l’Energie (ADEME) et dont le rapport final s’intitulait « Vers une électricité 100% renouvelable en France ». Cette recherche, qui devait être communiquée publiquement lors d’un colloque sur le sujet, avait été assez curieusement escamotée au dernier moment, les auteurs estimant à brûle-pourpoint qu’elle n’était pas aboutie. Ce qui avait amené le quotidien Mediapart à s’y intéresser de plus près, fournissant le point de départ d’un énorme buzz dans la blogoshère. Avait-on voulu cacher une « vérité qui dérange » dans un pays où le lobby nucléaire est particulièrement actif ?

L’un des intervenants dans ce débat avance un constat qui mérite réflexion : « En Allemagne, au Danemark, en Scandinavie, en péninsule ibérique, ou encore à San Diego et à Vancouver, les citoyennes et citoyens savent toutes et tous que passer au 100% renouvelable est possible. C’est pour une immense majorité d’entre eux une évidence. L’objectif du gouvernement danois est clair : 100% d’énergies renouvelables en 2050, 80% en Allemagne, 100% à San Diego et à Vancouver*. En France, se fixer un objectif de 100% de renouvelable est souvent perçu comme absolument impensable, quelque chose qui relèverait presque de l’extrémisme, du totalitarisme idéologique. Sur la chaîne LCI, une journaliste a déclaré à propos de l’étude commandée par l’ADEME : « cela parait incroyable », avec un air très perturbé. Le paysage mental d’une bonne partie des Français n’y est pas du tout préparé (…). Un problème de culture scientifique et technique en matière d’éco-technologies énergétiques se pose dans notre pays. »

En Belgique également ?

* La plupart des chiffres repris dans cet article font référence à la part du renouvelable dans le mix énergétique du système électrique. Il arrive cependant que les auteurs « oublient » de préciser s’il s’agit d’électricité ou de production d’énergie au sens large, ce qui ne change pas fondamentalement la tendance générale des scénarios à l’horizon 2050.