La Wallonie et Bruxelles finalisent le cadre légal et pratique pour le recyclage des modules photovoltaïques usagés. Le principe de l’économie circulaire ouvre également la voie à une réutilisation des panneaux en fin de vie.
Avec 3 GWc actuellement installés en Belgique, le gisement de panneaux photovoltaïques usagés devrait atteindre, d’ici une vingtaine d’années, environ 275.000 tonnes. En Europe, ce volume est estimé à 9,5 millions de tonnes d’ici 2050. Que fera-t-on de ces équipements en fin de vie ?
La directive européenne 2002/96/CE relative aux déchets d’équipements électriques et électroniques impose aux fabricants et/ou importateurs d’assurer leur collecte et recyclage en fin de vie. Sa révision en 2012 inclut les panneaux photovoltaïques. Elle devait être transposée dans les législations nationales pour février 2014 (lire notre article Le recyclage photovoltaïque s’impose).
Notons que les onduleurs photovoltaïques rejoignent simplement la catégorie déjà existante dédiée aux onduleurs (catégorie 9).
En Belgique, seule la Flandre a transposé la nouvelle directive, dès septembre 2014. Les deux autres Régions devraient y arriver de manière imminente, dit-on. La Wallonie et Bruxelles doivent encore se mettre d’accord sur la convention environnementale, qui formalisera l’organisation pratique sur le terrain et précisera les conditions d’agrément de la ou les société(s) qui en prendra/prendront la charge au quotidien.
Pourquoi pas Récupel ?
Pourquoi les acteurs n’ont-ils pas simplement choisi Recupel ? Cette association gère, depuis de longues années déjà, la plupart des équipements tombant sous le coup de la directive. Selon notre enquête, il semblerait que la reprise et le recyclage de panneaux photovoltaïque usagés suppose une intervention plus particulière que celle d’un réfrigérateur ou d’un ordinateur. Recupel aurait dès lors réclamé au secteur photovoltaïque – les fabricants et importateurs – un droit d’entrée que les entreprises concernées auraient estimé dissuasif.
Assez en tout cas pour justifier les nombreuses heures de discussions entre partenaires régionaux concernés… Qui n’ont, jusqu’ici, pas vraiment abouti.
Une solution conçue par l’industrie : PVCycle
Cette lenteur peut étonner, dans la mesure où le secteur – directement concerné par cette extension de la directive D3E – s’est organisé dès 2007 pour assumer l’obligation de reprise et de recyclage. Créée pour cette mission, l’association PVCycle possède aujourd’hui le savoir-faire, l’expérience et l’équipement pour collecter les panneaux usagés et alimenter la filière du recyclage à une échelle internationale. Elle le fait déjà dans plusieurs pays européens.
Depuis 2010, PVCycle a ainsi collecté en Europe 13.000 tonnes de panneaux usagés. En Belgique, où elle n’a pas encore de statut de droit belge, elle offre ce service pour le compte de quelques entreprises membres ou « à la demande » contre rétribution. A ce titre, elle est officieusement pressentie comme futur opérateur agréé dans les trois Régions et se voit actuellement associée aux discussions.
En Flandre, une convention environnementale a été adoptée dès janvier 2013 (Milieubeleidovereenkomst) sous la coordination de l’OVAM (Office flamand des déchets). Par contre, les deux autres Régions temporisent.
Types de panneaux collectés en Belgique. Conférence de Louise GONDA, ULB-4MAT, novembre 2015.
Vers une économie circulaire et solidaire
Il est vrai qu’il n’y a pas vraiment urgence, puisque la filière est encore assez jeune et que la durée de vie moyenne des installations photovoltaïque est estimée à une bonne vingtaine d’années.
Du côté wallon et bruxellois, on préfère en profiter pour tirer les leçons des premières conventions environnementales qui n’auraient pas toujours été d’une parfaite transparence. Il s’agit aussi de s’inscrire dans une réflexion plus actuelle d’économie circulaire et de relocalisation.
C’est précisément la philosophie du projet wallon Solarcycle, lancé en 2012 dans le cadre du 7e appel à projets du Pôle Mécatech du Plan Marchal 2.vert.
Ce projet de revalorisation, récupération et recyclage d’unités photovoltaïques hors d’usage est coordonné par RECMA (scrl à finalité sociale) en collaboration avec la s.a. Comet Traitements, l’Université de Liège (Greenmat) et l’Université Libre de Bruxelles (4MAT). Le projet vise à récupérer, à terme, plus de 95% des matières premières utilisées, dont une bonne part sont non renouvelables et proviennent de pays extérieurs à l’Europe (silicium, cuivre, argent et autres métaux rares).
Par ailleurs, la référence aux seuls panneaux photovoltaïques s’avère assez réductrice dans la mesure où l’on évoque de plus en plus le BIPV (les cellules intégrées aux matériaux de construction) et l’intégration du solaire dans toute une série d’équipements nomades qui se multiplient au fil du temps. Autant de nouvelles filières solaires qui pourraient, d’ici peu, éclairer d’un jour nouveau l’obligation de reprise visée par la directive D3E.
Quid de la réutilisation ?
Une autre dimension de l’obsolescence des matériaux photovoltaïques interpelle également ceux qui envisagent leur fin de vie : la réutilisation. Celle-ci, ne l’oublions pas, figure en bonne place dans la hiérarchie de traitement des déchets proposée par l’Europe. Or, au bout de 20 ou 30 ans, une cellule photovoltaïque livrerait encore autour de 80% de sa puissance nominale. Qu’on soit tenté de la remplacer pour tirer un maximum de son investissement initial désormais amorti, soit. Mais 80% ou même moins, c’est encore mieux que rien, surtout si cela vous coûte trois fois rien. Pensons notamment aux applications mobiles ou isolées, à moindre coût. La réutilisation pourrait ainsi trouver un business model rentable.
Cette piste mérite au moins réflexion. Les Régions qui sauraient en tirer le meilleur parti pourraient même y gagner.