Le mouvement coopératif européen a créé un nouvel outil qui permettra de financer les projets locaux d’énergies renouvelables. De quoi amplifier la transition vers la démocratie énergétique.
Le mouvement coopératif européen a récemment franchi une nouvelle étape dans la transition énergétique citoyenne.
Réunis au sein du projet européen MECISE, la fédération REScoop.EU et plusieurs coopératives membres (dont Courant d’Air et Ecopower en Belgique) ont créé en octobre 2018 une nouvelle coopérative, baptisée MECISE, qui vise à favoriser la transition énergétique européenne vers la démocratie énergétique.
Concrètement, MECISE servira d’outil financier pour mutualiser les fonds disponibles au sein des coopératives d’énergie en Europe et avancer temporairement des fonds propres pour aider les communautés locales à financer leurs projets et leur laisser le temps de collecter des fonds au niveau local.
Une réponse à un besoin…
Au niveau européen, de nombreuses jeunes coopératives locales ont effectivement besoin de financement pour concrétiser leurs premiers projets.
L’expérience européenne montre en effet que les investisseurs (les citoyens comme les banques) se montrent plus réticents envers les jeunes pousses et préfèrent investir dans des projets qui tournent déjà.
A l’inverse, les coopératives citoyennes établies depuis plusieurs années disposent de fonds mais sont parfois à cours de projets pour les investir.
La première centrale photovoltaïque citoyenne en Espagne a été inaugurée en 2016 à Alcolea del Río (2,1 MWc).
… à relativiser en Wallonie
En Wallonie, il semblerait cependant que le secteur coopératif soit assez mûr pour financer les projets, même en phase de démarrage.
A titre d’exemples, la coopérative Emissions Zéro a ainsi récolté, en quelques mois, près de 1 million € d’épargne pour financer des projets hydroélectriques sur la Sambre et l’Ourthe (lire notre article Des citoyens wallons investissent dans l’hydroélectricité) ; tandis que la jeune coopérative Eole-Lien a également rapidement atteint son objectif de 750.000 € de capital pour la construction de son éolienne à Temploux, après l’annonce à Noël 2018 de l’obtention d’un permis libre de tout recours – voir ci-dessous le graphique d’évolution de la récolte de fonds.
Ces récoltes de fonds ont été amplifiées par un changement réglementaire au mois de juillet dernier : la nouvelle loi prospectus permet désormais aux coopérateurs d’investir au-delà du plafond de 5.000€, moyennant publication par la coopérative d’une note d’information.
La Wallonie compte une quinzaine de parcs éoliens participatifs (près de 20 MW citoyens au total), comme ici à Fernelmont.
Au sein de la fédération REScoop.Wallonie, la solidarité entre coopératives s’organise également pour suppléer à des besoins de jeunes coopératives qui seraient en manque de moyens pour assurer la concrétisation de leurs projets, comme par exemple le partenariat mis en place entre coopératives pour financer la part citoyenne du parc éolien de Walhain-Gembloux.
Dans l’ensemble, avec plus de 5 millions d’euros disponibles pour investissement, les coopératives wallonnes sont aujourd’hui plus en quête de projets à financer que de nouveaux coopérateurs à convaincre…
Autrement dit, si la Wallonie peine actuellement à atteindre 25% de participation citoyenne ou communale dans ses projets éoliens (comme prévu par le cadre de référence éolien), ce n’est pas en raison d’un manque d’intérêt des citoyens mais plutôt d’une mauvaise volonté des développeurs privés d’ouvrir leur capital aux collectivités locales.
Financer le risque et les projets d’envergure
Néanmoins, le mouvement coopératif européen souligne que les phases risquées des projets (par exemple le stade d’étude) apparaissent comme difficilement finançables, tout comme des projets à large échelle qui nécessitent un gros apport de fonds propres.
Pour y pallier, la coopérative MECISE pourra ainsi offrir certaines garanties financières pour diminuer les coûts financiers imposés par les prêteurs aux coopératives. Elle pourra également regrouper de petits projets de communautés locales et les aider à accéder aux outils de financements réservés aux grands projets. En effet, les projets coopératifs de plus de 25 millions d’euros sont éligibles à des prêts à taux réduit de la Banque Européenne d’Investissement ou d’autres investisseurs institutionnels.
En mutualisant des fonds de coopératives, les citoyens européens auront également la possibilité de développer des projets de grande envergure, qui sont, aujourd’hui, souvent inaccessibles. Les citoyens et communes pourront par exemples se lancer dans des projets éoliens 100% participatifs, y compris dans l’éolien offshore.
Le parc éolien de Auchrobert en Ecosse compte 1 MW citoyen.
Une période de test en Europe et en Wallonie
La coopérative MECISE est actuellement en phase de test. Dans un premier temps, seuls les membres fondateurs pourront bénéficier de ses services, avant que l’outil ne soit rendu accessible à toutes les coopératives européennes d’énergie renouvelable.
En Wallonie, le projet éolien d’Amel-Büllingen, développé par les coopératives Courant d’Air et Ecopower, pourrait ainsi bénéficier du soutien de la coopérative MECISE pour son financement. MECISE pourrait, notamment, intervenir pour préfinancer la part communale du parc, permettant ainsi aux deux communes d’augmenter progressivement leur participation financière dans le projet pour atteindre à terme les 60% prévus dans l’offre des deux coopératives (lire notre article En Wallonie, un projet éolien participatif inédit).
Par ailleurs, le mouvement coopératif envisage d’ouvrir la participation au capital de MECISE aux autorités locales, aux investisseurs institutionnels et aux citoyens de toute l’Europe. L’objectif annoncé est de récolter, pour début 2020, 2 millions d’euros de capital qui servirait à financer, via un prêt bancaire, 10 millions d’investissement. L’ambition pour 2025 est de disposer de 20 millions d’euros de capital qui permettrait de lever 250 millions d’euros d’investissement.
Reste à sonder l’intérêt pour les citoyens d’investir, en direct ou via leur coopérative locale, dans un outil d’investissement à l’échelon européen. L’investissement coopératif n’est-il pas avant tout local ? Il s’avèrera sans doute nécessaire de construire une gouvernance pour le fonds MECISE qui tienne compte des volontés d’ancrage local et concret des projets qui ont donné naissance aux différentes coopératives aux quatre coins de l’Europe.