La Wallonie lancera incessamment un appel à projets visant à produire de l’électricité à partir de biomasse solide. L’idée d’une méga centrale, largement critiquée, s’ouvre désormais à d’autres schémas industriels possibles.
Cet appel à projets biomasse énergie s’inscrit dans un agenda politique précis. L’Union européenne s’est fixé pour 2030 un objectif contraignant de 27% d’énergies renouvelables dans sa consommation finale et attend les propositions des Etats membres pour y arriver. Or, en Belgique, la fermeture de la centrale biomasse des Awirs (80MW) prévue en 2020 et l’arrêt des réacteurs nucléaires de Tihange programmé entre 2023 et 2025, demandaient une nouvelle stratégie politique.
D’où l’idée de soutenir la mise en place, en Wallonie, d’une production électrique à partir de biomasse tournant autour de 200 MW pour assurer la continuité d’une production électrique wallonne dans le respect des prescrits climatiques.
Un projet hors normes
Le projet de méga centrale biomasse, évoqué récemment par la presse, a soulevé de nombreuses critiques. Les associations environnementales estiment ce projet trop coûteux, peu durable et aux retombées locales insuffisantes (lire notamment l’analyse de la Fédération Inter Environnement Wallonie : Biomasse : faut-il vraiment 1,3 milliard pour subsidier des importations ? )
Un tel projet suppose en effet le recours massif à de la biomasse d’importation et de très faibles retombées en termes d’emploi local. Sans compter que la neutralité carbone de la biomasse se voit de plus en plus remise en cause et que les critères de durabilité s’avèrent très difficile à contrôler.
Les associations environnementales préconisent au contraire une multitude de projets de cogénérations biomasse, à échelle locale, ce qui crée une forte plus-value pour l‘économie locale selon une dimension territoriale et permet une récupération utile de la chaleur fatale de la production électrique.
Certificats verts ou aide à l’investissement ?
Autre point de critique : l’option proposée par le Gouvernement wallon de recourir au système des certificats verts (CV) plutôt qu’à un subventionnement classique (aide à l’investissement). D’abord parce que le mécanisme des CV est, en principe, limité aux installations biomasse de moins de 20 MW. Ensuite parce qu’une future centrale de 200 MW ne peut pas être soutenue de manière similaire à des installations photovoltaïques, à des éoliennes ou à de petites unités de biomasse.
Pour faire sauter le verrou des 20 MW et autoriser une telle démarche, un projet de décret (modifiant l’article 38 du décret électricité) a été soumis au Parlement wallon début mars. Il autorise le Gouvernement à lancer un appel à projets pour une ou plusieurs installations de production d’électricité à partir de biomasse solide d’une puissance supérieure à 20 MW. Et de proposer au lauréat des certificats verts pour une puissance produite pouvant aller jusqu’à 200 MW.
Les conditions de soutien sont définies par une enveloppe annuelle de certificats verts. Selon l’Arrêté du Gouvernement wallon paru fin décembre 2015, l’enveloppe dédiée à la biomasse solide est d’ores et déjà limitée à 1.028.160 CV/an. Ce qui, théoriquement, devrait ramener le soutien annuel à quelques 65 millions d’euros au maximum.
Un cahier des charges détaillé
Mais le Gouvernement n’entend pas acheter un chat dans un sac. Cette aide devrait être assortie de conditions draconiennes formulées dans un cahier des charges actuellement en voie de finalisation. Tout y sera détaillé et analysé par la CWaPE et les administrations concernées : quantité et prix de l’électricité produite, plan approvisionnement en biomasse durable, traçabilité, intégration au territoire wallon, conflits d’usage éventuels, etc.
Sur base des futures réponses, un jury d’experts établira un classement des projets candidats. La décision finale devrait tomber au cours du premier trimestre 2017. Ce planning serré est notamment justifié par la sortie du nucléaire qui impose une entrée en lice de la (ou les) future(s) centrale(s) biomasse autour de 2022/2023.
Pour rencontrer les critiques qui n’ont cessé de fuser tout au long de l’élaboration de ce projet, le gouvernement parle désormais d’étape transitoire et nécessaire. Et il se veut très ouvert sur le schéma industriel qui aura sa préférence.
Ouverture sur le schéma industriel
A ceux qui redoutent une prise de pouvoir d’un opérateur d’envergure internationale et une mise à l’écart de projets plus locaux, l’Administration wallonne souligne qu’elle ne ferme pas la porte aux consortiums. Rien n’interdit, précise-t-elle, une association regroupant plusieurs unités de production supérieures à 20 MW.
L’objectif, précise-t-elle, n’est pas de consommer toute l’enveloppe de certificats verts prévue mais de dégager un maximum d’énergie bois pour un soutien public minimal (le taux de rentabilité maximum est fixé à 9%). Mais pas question de sélectionner plusieurs candidats et de répartir l’enveloppe. La formule CV permet à tout le moins de limiter le soutien public à la seule électricité réellement produite, quel que soit le destin du projet industriel (des pénalités sont prévues en cas d’arrêt de la production garantie par le candidat).
A bien y regarder, cet appel à projet ressemble fort à un appel à l’aide au secteur privé. Dans l’espoir que celui-ci sortira de son chapeau une formule biomasse se rapprochant des objectifs wallons en matière de renouvelable, tout en répondant aux questions qui se posent en matière d’environnement, de valorisation de la chaleur et de dépendance énergétique.