Quand les villes et communes (re)créent des services publics pour une transition énergétique solidaire

De nombreuses collectivités locales à travers le monde ont choisi de (re)créer des services publics pour répondre aux enjeux d’une énergie durable, citoyenne et locale. En Wallonie, des communes s’inscrivent dans cette dynamique.

Le Centre d’Information et d’Education Populaire (CIEP) organisait le 2 mars dernier un colloque questionnant les notions de bien commun et de relations entre démocratie participative, initiatives citoyennes et gestion des services publics locaux.

Cette journée ouvrait la campagne « Agis, t’es du local ! », qui invite les citoyens à s’impliquer à l’approche des prochaines élections communales en Belgique (14 octobre 2018).

L’occasion pour Renouvelle de s’intéresser aux dynamiques de (re)municipalisation, à leur intérêt pour nos territoires en matière de transition énergétique, et aux pistes de développement vers lesquelles elles pourraient mener.  

Que ce soit pour inverser la tendance générale mondiale à la privatisation des services publics ou pour développer de nouveaux services, on voit apparaître partout dans le monde de plus en plus d’initiatives locales mettant le citoyen au centre des priorités et de l’action.

Comme le signale le Transnational Institute dans son rapport Claiming Public Services, on recense à ce jour au moins 835 cas de (re)municipalisation de services publics dans le monde, impliquant plus de 1600 villes et communes dans 45 pays. Les projets menés concernent tant des villages que des métropoles, avec différents modèles de gestion, de propriété, et de participation citoyenne.

A travers cette multiplicité et cette diversité émerge une vision cohérente : il est possible de créer ou recréer des services publics efficaces, démocratiques et abordables, susceptibles de répondre à des enjeux tels que la production locale d’énergie, l’efficacité énergétique des logements, l’accès à l’énergie à un prix abordable, le transport, la gestion des déchets, l’accès à l’eau ou aux soins de santé, etc.

Quelques exemples marquants en matière d’énergie…

Nottingham (UK) – Combattre la précarité énergétique

Afin de répondre à la difficulté éprouvée par de nombreuses familles pour payer leurs factures d’électricité et de gaz, le conseil municipal de Nottingham a décidé en 2015 de créer un nouveau fournisseur d’énergie à but non lucratif. La compagnie Robin Hood Energy, qui offre les prix les plus bas du pays, a pour devise « Pas d’actionnaires privés. Pas de bonus pour les dirigeants. Juste des prix clairs et transparents ».

Vilnius (Lituanie) – Remunicipalisation du chauffage urbain sous la menace de l’arbitrage international

 

En 2016, le gouvernement lituanien s’est retrouvé poursuivi par le géant français Veolia lorsque la Ville de Vilnius a décidé de ne pas renouveler son contrat de 15 ans avec sa filiale Vilniaus Energija. Poussée par une énorme pression populaire suite à des accusations de manipulation du prix des combustibles, à des allégations de fraude et au manque de transparence financière, la ville a décidé de remunicipaliser le service de chauffage urbain. La multinationale a alors utilisé le traité d’investissement bilatéral France-Lituanie pour faire appel à l’arbitrage international. Malgré cela, la Ville a confirmé en 2017 le retour du service de chauffage urbain dans le giron public. La procédure en arbitrage international est en cours.

Viladecans (Espagne) – Partenariat public-privé-citoyen pour une approche globale de la transition énergétique

 

A travers le projet Vilawatt soutenu par le programme européen Urban Innovative Action (UIA), la Ville de Viladecans (Espagne) entend mettre en place une vision très innovante du partenariat public-privé-citoyen pour coordonner et mettre en œuvre sa stratégie de transition énergétique.

Ainsi, une entité juridique composée de la Ville, d’entreprises locales et de citoyens a été créée pour mettre en place de nouveaux outils tels qu’un fournisseur d’énergie, une monnaie locale énergétique, une plateforme de rénovation des bâtiments et un opérateur de financement des grands projets de production d’énergie renouvelable.

Cette approche intégrée vise à :

  • favoriser un accès à une énergie durable à un prix abordable ;
  • croiser des investissements très rentables à court terme – tels que les grandes installations photovoltaïques – avec des investissements de rénovation des bâtiments, moins rentables, pour obtenir un portefeuille d’investissements économiquement viable à moyen terme.
  • favoriser le développement des compétences locales ainsi qu’un partage équilibré des investissements et de la plus-value entre acteurs locaux en vue d’assurer le développement économique local et la pérennité de la dynamique dans le temps.  

 

Signature de la convention entre la Ville de Viladecans, le privé et les citoyens.

Et en Belgique…

Bien que la privatisation des services publics soit beaucoup moins avancée en Belgique que dans certains autres pays, plusieurs voix s’élèvent pour remettre par exemple en cause le bienfondé de la libéralisation du marché de l’énergie ou le développement récent de mécanismes de contrats de performance énergétique pour les bâtiments publics et privés, proposés par de grands groupes industriels.

Ainsi, certaines communes belges ont développé des exemples de partenariats publics-privés-citoyens très proches de cette dynamique de (re)municipalisation.

On citera par exemple :

 

COOPEM scrl (Coopérative Energie Mouscron), première coopérative wallonne active dans le financement d’installations photovoltaïques chez les citoyens.

Parallèlement, les coopératives citoyennes d’énergie durable se positionnent de plus en plus comme les partenaires de communes en matière de planification énergétique et d’investissement dans la production d’énergie renouvelable et la rénovation des bâtiments (lire notre article Territoires (5) : L’engagement local des coopératives citoyennes).

Ce mouvement communal vise à renforcer le contrôle démocratique du développement territorial, à favoriser un retour vers les acteurs locaux de la plus-value économique de la transition ou à s’orienter vers des modèles économiques mettant l’accent sur la plus-value sociétale des projets.

Vers un modèle local intégré en Wallonie ?

En s’inspirant de ces expériences et des modèles développés à l’étranger, cette dynamique pourrait par exemple aboutir à la création de sociétés locales publiques et citoyennes de services énergétiques. Il s’agirait à la fois de coordonner la stratégie de transition énergétique, d’investir dans de grands projets de production d’énergies renouvelables avec une auto-consommation collective et de soutenir la rénovation des bâtiments par un service et un financement public et citoyen.

Nous explorons ci-après quelques pistes de formes juridiques que pourraient revêtir ces sociétés : lire notre article Quelles formes juridiques pour un service public-citoyen local de l’énergie ?