Un parc éolien est mieux accepté si les riverains ont la possibilité de s’y impliquer. Les développeurs intègrent désormais la participation citoyenne et locale comme un atout. L’enjeu actuel consiste à pérenniser ce financement alternatif et local.
Après une forte croissance, l’éolien wallon connaît ces dernières années un net ralentissement, victime d’un désamour des pouvoirs publics et d’une pluie de recours contre les nouveaux projets. Le taux de croissance du secteur est ainsi passé de 58% en 2010, à 22% l’année suivante, puis à 9% en 2012, 5% en 2013 et enfin 4% seulement l’an dernier. Les projets en retard ou à l’arrêt sont nombreux, ce qui conforte une opinion minoritaire anti-éolien (4 Wallons sur 5 sont favorables au développement éolien, selon un sondage Ipsos ).
Pour stimuler l’appropriation locale de ce bien commun qu’est le vent, le gouvernement wallon incite les développeurs privés à ouvrir leurs projets à une participation locale. L’expérience wallonne et européenne montre en effet qu’un projet éolien est mieux accepté au niveau local si les riverains ont la possibilité de s’y impliquer. Les communes, les intercommunales et les citoyens ont progressivement saisi cette opportunité. Si bien qu’aujourd’hui, les coopératives citoyennes sont devenues de véritables acteurs de la filière, comme le montre le Facilitateur éolien sur la carte ci-dessous et sur son site Eolien.be. Elles négocient des partenariats avec le secteur privé ou public et participent à l’adhésion sociale des projets éoliens.
La Wallonie est l’une des régions européennes les plus actives en matière de participation citoyenne.
Au fil des expériences locales, le mouvement coopératif wallon s’est doté d’outils pour conforter son expertise et pérenniser ses investissements. Dans ce nouveau paysage, on retrouve des coopératives de production d’énergies renouvelables et de fourniture d’énergie citoyenne (Energie 2030, COCITER). Tandis que Rescoop Wallonie, fédération des coopératives d’énergie renouvelable, mutualise les savoir-faire et les compétences locaux. Avec en toile de fond, la dynamique entretenue au niveau international par la Convention des maires.
Pour ces coopératives, la question cruciale consiste à assurer et assumer le financement de leur participation à un parc éolien (ou à tout autre projet d’énergie durable). L’investissement de départ est conséquent : 1 million € par MW éolien installé. Pour pallier cette difficulté, le mouvement coopératif a récemment créé le Fonds d’Energie Citoyenne (FEC) qui permet d’apporter aux coopératives locales les fonds nécessaires aux étapes clefs du projet.
Et partout en Europe, différents mécanismes de financement alternatif voient le jour.
Partenariats, crowdfunding et fonds supplétifs
Avec la même volonté d’améliorer l’acceptation sociale des projets éoliens, la fédération européenne de l’éolien (EWEA) a ainsi initié et coordonné le projet européen WISE Power, qui consacre un important volet aux mécanismes de financement de l’éolien participatif. Ce travail, mené par l’APERe en partenariat avec Rescoop Belgique, a permis de dégager différents modèles novateurs de financement alternatif qui ne manqueront pas d’intéresser les acteurs locaux en matière d’énergie participative et plus spécifiquement les coopératives.
En tête de liste des mécanismes qui contribuent le mieux à l’acceptation sociale des projets éoliens :
– Les partenariats entre le développeur et, selon le contexte local, une coopérative, la commune, une intercommunale, le GRD, etc.
– La récolte de fonds tous publics (« crowdfunding ») : formule très performante aux Etats-Unis et qui dispose d’un important potentiel en Europe comme le montre la plateforme kisskissbankbank.
– Les fonds supplétifs : fonds constitués par des institutions publiques ou par des coopératives – ou par les deux à l’instar du FEC déjà cité- qui garantissent l’aboutissement du financement en accordant des crédit-relais ou des crédits-pont lorsque les fonds récoltés par la coopérative ne sont pas suffisants.
Renforcer la crédibilité auprès des banques
Du côté des développeurs privés, on perçoit tous les avantages d’une participation citoyenne pour lever les freins au développement éolien. Lors des ateliers organisés récemment par la fédération EDORA, les participants s’accordaient pour renforcer le poids financier, intellectuel et donc stratégique des coopératives citoyennes locales, souvent en mal de crédibilité auprès des acteurs bancaires et industriels. De quoi conforter les banques traditionnelles et les acteurs de la dynamique locale.
S’agissant des banques, justement, le mouvement coopératif wallon est depuis peu renforcé par la campagne « Ma banque ? 0% carbone ! » lancée à la mi-juin par le Réseau Financité (financements alternatifs solidaires). Objectif : exiger des banques qu’elles se détournent des investissements dans les énergies fossiles pour les réorienter vers la production d’énergies renouvelables. Et plus précisément vers des projets durables impliquant directement les citoyens et les collectivités.
Après l’« empowerment », place au marketing.
Des expériences inspirantes en Europe
Le projet WISE Power a également relevé des expériences inspirantes en Europe, pour financer des projets en énergie renouvelables ou en efficience énergétique.
En France, Energie Partagée Investissement est un outil de financement innovant qui permet aux développeurs de projets ou aux coopératives de rassembler les fonds nécessaires pour démarrer un projet et en conserver le contrôle. Cette structure autorise des financements entre coopératives par l’octroi de prêts temporaires, à la manière d’un système de cash-pooling entre coopératives.
Au Portugal, plusieurs coopératives citoyennes ont créé une joint-venture (Boa Energia) pour faire appel au réseau de coopératives en Europe et investir dans 4 projets renouvelables. Afin de permettre aux citoyens portugais d’être co-propriétaires de ces projets, Boa Energia a créé une coopérative locale, Copernicus.
La joint-venture finança les projets et céda dans un premier temps 4% de la propriété à Copernicus, avec l’option de pouvoir racheter à terme 100% des parts, une fois que le nombre de coopérateurs locaux, et dès lors son capital social, seraient suffisants pour faire de ce projet une réalisation entièrement locale.
Autant d’expériences et d’outils qui inspirent désormais les coopératives en Wallonie.