Le photovoltaïque intégré au bâtiment (BIPV) a bien du mal à sortir de l’immobilier d’exception. Des architectes-designers proposent aujourd’hui une nouvelle piste, fondée sur la performance énergétique… et l’audace architecturale.
Depuis des années, on présente le BIPV (Building Integrated Photovoltaics) comme l’une des pistes les plus prometteuses de développement du photovoltaïque dans le secteur immobilier. On allait, promettait-on, transformer progressivement tous les éléments vitrés ou opaques de l’enveloppe du bâtiment – toiture, parois, ouvertures vitrées, etc. – en générateurs d’énergie photovoltaïque.
Tous les fabricants de matériaux de construction allaient s’engouffrer dans cette brèche technologique et développer de nouvelles lignes de produits qui feraient le bonheur des meilleurs concepteurs du secteur immobilier au service de la transition énergétique.
Depuis, de nombreux projets architecturaux d’envergure ont vu le jour dans toute l’Europe, signés par des architectes de renom comme Renzo Piano, Shigeru Ban ou Philippe Samyn et démontrant la pertinence du concept.
Prestige et marketing vert
Cependant, la grande majorité de ces projets se limitent à des bâtiments publics de prestige – gare de Perpignan, Cité musicale de Paris, Tour des finances de Liège, médiathèque de St Malo,… – ou des sièges d’entreprises internationales en mal d’image verte.
Le concept ne s’est donc pas généralisé. En cause : des contraintes liées à la complexité de mise en oeuvre, aux surfaces bien exposées au soleil parfois limitées et, dans la foulée, aux coûts induits au niveau de la construction. D’où la frilosité des concepteurs de matériaux et des promoteurs privés désireux de rentabiliser rapidement leur investissement. Et les tiers-investisseurs se font rares sur ce créneau.
La belle idée énergétique semblait donc avoir du plomb dans l’aile.
Puissances dérisoires ou PEB
« Quoi qu’on fasse, explique Jean-Didier Steenackers (SUNSOAK design), architecte et designer, on reste pour ce qui est des matériaux traditionnels – façades, bardages, etc – dans des articles « haut de gamme » difficiles à intégrer dans des projets traditionnels. Avec des prix qui tournent autour des 300 à 400 euros du mètre carré au niveau de l’enveloppe, on est bien au-dessus des prix habituels. Avec, à la clé, des puissances installées dérisoires qui font très bien au niveau de la « com’ » mais ne répondent absolument pas au problème posé sur le plan de la performance énergétique du bâtiment et des besoins en énergies renouvelables décentralisées en ville! »
D’où l’idée émergente au niveau de certains cabinets de design architectural de mettre l’accent d’emblée sur les performances énergétiques, sublimées à travers une architecture inspirée par les caractéristiques propres au BIPV. Les concepteurs vont chercher, via des structures ajoutées (en toiture et/ou en façade), des rendements réellement significatifs en termes de production électrique. Et visent même, dans certains cas, l’autonomie énergétique.
Valoriser la « canopée urbaine »
Ainsi, sur un ancien bâtiment du centre de Bruxelles – le bâtiment Bota – (voir illustration en début d’article), les architectes ont proposé l’équivalent de deux étages et demi de surélévation uniquement dédiée à la production solaire. Une structure qui permet d’utiliser 100% de la surface du toit, à quoi vient s’ajouter une importante surface exploitable en façade, de sorte à multiplier par deux ou plus la puissance installée en kW-crête. Une approche qui répond à l’un des principaux défis des gestionnaires urbains confrontés à des objectifs européens renouvelables et à la limite des surfaces de production énergétique disponible. De plus en plus d’architectes se proposent aujourd’hui de valoriser ce qu’ils appellent déjà une « canopée urbaine ».
« Le BIPV ne se résume plus à une petite option que l’on rajoute au bâtiment pour faire plus vert ou servir de vitrine technologique, mais témoigne d’une réelle prise en compte des besoins urbains en matière d’électricité décentralisée en maximisant l’exposition solaire d ‘un bâtiment », poursuit Jean-Didier Steenackers.
Dominique Perrault architect. Poste du Louvre, Paris
Contrairement à ce que l’on peut imaginer, l’idée ne s’est pas d’emblée heurtée à une levée de boucliers sur le plan urbanistique. A Paris, l’architecte Dominique Perrault a proposé pour la rénovation de la Poste du Louvre, un toit en verre de plusieurs dizaines de mètres de haut agrémenté d’une pergola partiellement recouverte de panneaux solaires et d’une terrasse végétalisée. Un projet en complète dérogation avec les règlements urbanistiques très tatillons de la Ville, qui a cependant été accepté par les édiles de la capitale française. Depuis, les règles urbanistiques y ont été adaptées pour autoriser ce type de surélévations solaires. De quoi imaginer la multiplication de structures solaires en canopée, véritables centrales solaires urbaines capables de couvrir tous les besoins électriques d’un bâtiment. Une solution qui correspond particulièrement bien à des bâtiments tertiaires en milieu urbain.
Le résidentiel ne devrait pas être en reste grâce aux maisons « solaires » autonomes et aux couvertures invisibles avec des tuiles solaires qui s’intègrent discrètement sur les toitures. Dans ce domaine, l’entreprise belge ISSOL se profile comme leader international de solutions d’intégration de la technologie photovoltaïque dans les éléments de façade et de toiture des bâtiments.
Jean-Didier Steenackers est actif dans le BIPV depuis 10 ans, et a participé à nombre de projets internationaux en sa qualité de consultant/expert. En 2015, il fonde SUNSOAK design, Bureau d’architecture spécialisé en structures solaires urbaines et maisons solaires contemporaines, autonomes en énergie.