Première grande éolienne à Bruxelles : est-ce vraiment une bonne idée ?

Selon Inter-Environnement Bruxelles, le projet d’une première éolienne de grande puissance en Région bruxelloise soulève de nombreuses questions. Ce type d’installation est-il souhaitable alors que le photovoltaïque s’avère mieux adapté en milieu urbain ?

Les entreprises Coca-Cola et Luminus ont déposé une demande de permis pour l’installation d’une éolienne de grande puissance (2,4 MW) à Anderlecht, sur un site proche du ring, à l’arrière des bureaux de Coca-Cola, du magasin Ikea et du centre de tri des Petits riens. 

La Région bruxelloise comptait jusqu’ici quelques éoliennes de petite et moyenne puissance. Cette fois, il s’agit du premier projet de grand éolien sur son territoire. 

Si tous les efforts pour augmenter la production d’énergies renouvelables à Bruxelles sont a priori louables, ce cas-ci pose questions. 

En effet, la Région a identifié les filières les mieux adaptées au contexte urbain. Le petit éolien a été écarté, notamment au vu de son immaturité technologique et des perturbations venteuses en ville (lire notre article Petit éolien, grand souci). Le moyen et grand éolien pourraient convenir sur certains sites (zonings, …) mais offrent un potentiel très limité à Bruxelles et s’intègrent difficilement notamment au vu de la densité de population et de la présence de l’aéroport de Zaventem et son trafic aérien. 

C’est pourquoi la stratégie bruxelloise s’appuie en priorité sur le photovoltaïque, le solaire thermique et les pompes à chaleur – trois technologies adaptées au contexte urbain – pour atteindre un objectif d’énergies renouvelables de 470 GWh d’ici 2030 (électricité et chaleur). 

Pour aller plus loin, la Région prévoit d’investir en dehors de son territoire de manière à disposer de 700 GWh de production renouvelable supplémentaire à la fin décennie 2021-2030 (lire le Plan Energie-Climat bruxellois). 

Absence de cadre de référence 

Par ailleurs, la première grande éolienne bruxelloise soulève différentes questions. 

Selon Inter-Environnement Bruxelles (IEB), “aucun cadre de référence spécifique n’a été mis en place ni soumis au débat public, comme cela a été fait en Flandres comme en Wallonie, afin de garantir que les choix d’implantation génèrent une balance vertueuse entre les gains pour la collectivité et les nuisances engendrées.” (lire leur avis, négatif). 

Vu ce vide légal, les autorités bruxelloises se sont donc appuyées sur le cadre de référence wallon. Celui-ci prévoit par exemple une distance aux habitations de minimum 4 fois la hauteur de l’éolienne, soit 600 m dans le projet d’Anderlecht. Or l’habitation la plus proche (affectée au gardiennage des Petits riens) est à moins de 100 m et les premières maisons habitées à environ 200 m. 

Ce simple exemple montre toute la complexité d’intégrer le grand éolien en milieu urbain. 

Faire de l’ombre au photovoltaïque 

Autre problème : le rapport d’incidence environnementale mentionne que l’ombre projetée de l’éolienne réduira la production des panneaux photovoltaïques installés sur les toits des entreprises voisines (Les Petits Riens, IKEA, Antoine S.A., ABC Soft, Métro et Cds Option), y compris la toute nouvelle installation solaire (1,2 MW) de …Coca-cola (lire ce communiqué). 

L’éolien viendrait ici minorer et concurrencer la production d’une autre filière renouvelable, ce qui est en soi absurde. 

IEB demande dès lors une évaluation de la minoration des productions photovoltaïques voisines et de sa limitation pour d’autres installations potentielles, par exemple sur le site du Ceria/Coovi.  

Cette perte de production solaire sera-t-elle compensée par la production éolienne, dont 70% sera auto-consommée par Coca-Cola et 30% injectée sur le réseau ? 

Et quand bien même, est-il pertinent de mettre ainsi en concurrence deux filière censées être complémentaires ? 

Autant de questions auxquelles devront répondre les autorités publiques avant d’envisager une autorisation du projet. 

Bref, si le grand éolien trouve tout son intérêt dans les territoires larges et peu habités, il s’avère nettement plus complexe à intégrer en milieu urbain comme à Bruxelles.