Le consortium Estor-Lux développera d’ici mi-2021 un parc de batteries de 10 MW à Bastogne. Les solutions de stockage et de flexibilité de ce type permettent de mieux intégrer les productions d’énergies renouvelables. Et de compenser l’arrêt du nucléaire belge ?
Dans toute l’Europe, des acteurs testent et développent des solutions de stockage d’électricité dans la perspective d’un continent 100% renouvelables d’ici 2050.
En effet, il s’agit de stocker les surplus de production éolienne et photovoltaïque lorsque le vent souffle ou que le soleil brille, afin de les restituer sur le réseau électrique lorsque les conditions météorologiques sont moins bonnes.
Et la Belgique participe à ce mouvement.
La Flandre a ainsi développé en 2018 une centrale de stockage de 18 MW (lire cet article La Flandre s’équipe d’une centrale de stockage Tesla de 18 MW).
C’est à présent au tour de la Wallonie : le consortium public-privé belge ESTOR-LUX annonce la mise en service d’ici mi-2021 d’un parc de batteries lithium-ion de 10 MW/20 MWh dans un zoning de Bastogne.
Ce projet intervient dans un contexte énergétique très particulier en Belgique. Le nouveau gouvernement fédéral a confirmé l’arrêt des productions nucléaires en 2025 (partiellement ou totalement) et devra donc s’appuyer sur d’autres solutions pour assurer l’approvisionnement d’électricité sur le réseau.
Si les grands groupes énergétiques se portent actuellement candidat pour la construction de nouvelles centrales au gaz, le gouvernement fédéral envisagera aussi d’autres pistes, moins polluantes et moins coûteuses, comme le stockage et la flexibilité, telles que présentées ci-après.
Un modèle innovant
Jusqu’à présent, les projets de stockage électrique peinent à se développer à grande échelle en l’absence de mécanismes de soutien dédiés.
C’est tout l’intérêt du consortium Estor-Lux, qui a développé un modèle technico-économique novateur et très prometteur permettant de contourner cet écueil de développement.
« Le business model repose principalement sur la volonté de fournir des services plus variés et de plus haute valeur ajoutée grâce, d’une part, à une durée de stockage plus longue (la batterie se charge ou se décharge en 2 heures, contre 30 minutes à 1 heure pour la quasi entièreté des capacités existantes en Europe) et, d’autre part, à une agrégation au sein d’un « pool » de capacités flexibles combinant unités de production et de consommation décentralisées », explique Pierre Bayart, l’un des deux project managers d’ESTOR-LUX, dans ce communiqué.
C’est ainsi que le stockage couplé à la flexibilité devient un modèle économique rentable, susceptible à la fois de stocker les surplus renouvelables et de diminuer la demande d’électricité quand nécessaire.
Pour mieux comprendre ces enjeux, nous vous invitons à lire notre article Flexibilité et stockage, deux solutions complémentaires.
Le projet à Bastogne a nécessité 9,2 millions d’euros d’investissement, dont 50% seront couverts par la banque Triodos.
« Il s’agit d’une étape importante. Elle démontre que des projets de stockage électrique par batterie apportent une alternative durablement compétitive aux sources conventionnelles, et sont dès lors totalement viables et finançables même en l’absence de mécanismes de soutien public », explique Pierre Bayart.
Une alternative au gaz
L’objectif est que cette capacité agrégée, dont la batterie est la clé de voûte, soit capable de fournir de la puissance de réglage à la hausse ou à la baisse sur le réseau pendant de longues périodes. De cette manière, le stockage électrique par batterie offre une alternative parfaitement réaliste aux centrales au gaz, non seulement dans leur fonction de production (pour restituer de l’énergie stockée quand les sources renouvelables sont faibles) mais aussi dans leur fonction de stabilisation du réseau, en adaptant la puissance de charge ou de décharge de la batterie pour compenser les erreurs de prédiction du renouvelable et de la consommation, de manière à assurer un équilibre parfait, instantané et permanent entre injections et prélèvements, nécessaire à la stabilité du réseau.
« La question de la stabilisation du réseau est d’autant plus critique que largement sous-estimée. En période de forte disponibilité d’énergie renouvelable, les prix sont très faibles, inférieurs aux coûts de production des centrales thermiques. Cela signifie que ces dernières n’ont pas d’intérêt économique à fonctionner durant ces périodes et qu’elles ne sont dès lors pas disponibles pour stabiliser le réseau, ce qui crée un risque de black-out, comme ce fut le cas au Royaume-Uni en août 2019 lors d’un épisode venteux intense », enchaîne Cédric Legros, également project manager d’ESTOR LUX.
Efficacité économique et maîtrise du CO2
Les évolutions récentes dans la technologie des batteries, combinant baisse de prix et amélioration des performances, permettent désormais le développement de ces technologies à grande échelle.
La Belgique doit faire face au défi majeur du remplacement de la capacité de production nucléaire qui fermera en 2025 (partiellement ou totalement) , tout en maintenant ses émissions de CO2 et ses coûts d’approvisionnement sous contrôle.
Pour relever ce défi, « le stockage électrique, non émetteur en CO2, contribue à une utilisation optimale des ressources et à rendre le système plus efficace économiquement. Il s’impose inévitablement comme une partie de la solution. D’autant plus s’il est agrégé avec d’autres sources de production et de consommation », expliquent les développeurs du projet.
Forts de leur expérience, les fondateurs d’ESTOR-LUX entendent à présent répliquer à plus grande échelle les solutions éprouvées sur ce projet liminaire.
Chaque consommateur y trouvera un intérêt
« Les prix de l’électricité sont amenés à devenir de plus en plus volatils et de moins en moins prévisibles en raison du développement des capacités éoliennes et solaires, et ce alors que l’électrification de nos besoins énergétiques, en termes de chauffage et de mobilité, va accroître notre dépendance à cette commodité. Chaque acteur du marché électrique, chaque consommateur d’électricité industriel et même résidentiel tirera bientôt un intérêt potentiel de l’intégration d’une batterie dans sa stratégie d’énergie et de mobilité », détaille Pierre Bayart.
« Notre ambition, dans ce contexte, est d’apporter des solutions clé-sur-porte, incluant design, financement, construction et opération, permettant de répondre à ces défis, tant à l’échelle du consommateur que du système électrique dans son ensemble. La vitesse avec laquelle nous pourrons matérialiser ces ambitions dépend cependant du cadre politique et réglementaire, et en particulier de l’impact favorable ou défavorable que pourrait avoir le mécanisme de rémunération de capacité (CRM) que la Belgique souhaite mettre en place », conclut Cédric Legros.
Le gouvernement fédéral choisira-t-il la construction de nouvelles centrales au gaz ou le développement de solutions de stockage et de flexibilité telles que développées en Flandre et en Wallonie ?