En Belgique, 1 ménage sur 5 éprouve des difficultés à chauffer son logement ou à payer ses factures d’énergie. La plupart sont locataires d’un bâtiment (très) mal isolé. Des chercheurs ont analysé les mesures qui pourraient inciter les propriétaires à rénover ces logements.
La précarité énergétique touche 1 ménage sur 5 en Belgique et même 1 ménage sur 4 en Wallonie, selon le Baromètre de la précarité énergétique édité par la Fondation Roi Baudouin.
En effet, de nombreux ménages belges éprouvent des difficultés à chauffer correctement leur logement ou à payer leurs factures de gaz et d’électricité.
Les publics les plus touchés sont les ménages à faibles revenus (avec ou sans travail), les personnes isolées, les familles monoparentales – souvent des mères seules avec enfants – et les seniors isolés.
Ces ménages occupent en général des logements de moindre qualité, certains étant même très vétustes et mal isolés avec un coût énergétique élevé. « C’est le cercle vicieux de la précarité énergétique », résume ce rapport : « moins on a de moyens, moins on profite des programmes d’utilisation rationnelle de l’énergie et plus les dépenses d’énergie sont élevées. »
En effet, ces ménages, qui ont déjà du mal à nouer les deux bouts, consacrent une partie plus importante de leurs (faibles) revenus à leurs consommations énergétiques – par rapport à la moyenne des Belges.
En Belgique, ¾ des logements ont été construits avant 1985, à une époque où l’on construisait encore de véritables passoires énergétiques.
Parmi les ménages concernés se trouvent une majorité de locataires, nettement plus vulnérables à la précarité énergétique. Ces locataires se trouvent dans l’impossibilité d’investir dans l’amélioration de la performance énergétique de leur logement ; tandis que les propriétaires-bailleurs ne sont pas incités à investir dans la rénovation énergétique de leurs bâtiments, notamment par peur qu’un long chantier empêche de louer les logements, ce qui se traduirait par une perte de rentabilité.
Le parc locatif est donc un enjeu spécifique. Si 30 à 35% des ménages belges sont locataires, ceux-ci représentent plus de la moitié des habitants des grandes villes.
Inciter et accompagner les propriétaires-bailleurs
Des chercheurs ont dès lors travaillé durant 3 ans sur un programme wallon baptisé Energ-Ethic ou « Comment mobiliser les propriétaires-bailleurs pour une rénovation ‘énerg-éthique’ c-à-d qui améliore l’efficience énergétique du logement sans pénaliser les locataires avec une trop forte augmentation des loyers ? »
Ce programme, mené par le Centre d’Etudes Economiques et Sociales de l’Environnement (CEESE) de l’Université libre de Bruxelles (ULB) vient de rendre son rapport scientifique final (septembre 2019).
Le rapport analyse et dresse la liste de diverses options pour mobiliser les propriétaires-bailleurs pour améliorer la performance énergétique des logements loués : depuis les traditionnels incitants fiscaux en passant par la norme minimale d’efficience énergétique, la facilitation des travaux au travers d’un guichet unique, etc.
La complexité de la thématique et des profils de bailleurs font qu’une seule et unique mesure ne solutionnera pas le problème. En outre, chaque mesure incorporée dans le « mix » doit être évaluée sous deux angles spécifiques : d’une part, éviter de décourager les bailleurs qui proposent des logements à coût abordable et, d’autre part, éviter qu’une amélioration énergétique du logement loué (rendue éventuellement obligatoire) ne se traduise par une trop forte hausse du loyer.
L’expérience motivante des guichets uniques
Le rapport analyse également des mesures ou des projets-pilotes inspirants en Europe – en Allemagne, Angleterre, Pays de Galle, France et Flandre – et tire les leçons de certains échecs.
Parmi ces initiatives, les chercheurs pointent notamment l’expérience allemande des grilles indicatives de loyers (lire cet article des Echos du logement) et l’expérience française des guichets uniques (« one-stop-shop »).
Intéressons-nous de plus près à ces guichets uniques, particulièrement prometteurs.
Ce service intégré permet en effet de réunir les professionnels de la rénovation et d’accompagner les propriétaires (bailleurs ou non) tout au long du chantier énergétique tant sur le plan technique, que sur le plan financier ou administratif. Ce modèle a vu le jour notamment en France et se développe désormais aussi en Wallonie sous forme d’expériences-pilotes (lire notre article En Wallonie, des plateformes locales aident les ménages à rénover leur logement) ou de coopérative locale à l’exemple de CORENOVE.
Ces opérateurs travaillent donc avec les entreprises locales, conseillent le propriétaire dans ses démarches et suivent chaque étape du chantier jusqu’à la validation des nouvelles performances énergétiques du bâtiment rénové.
Inspirés par les expériences françaises et wallonnes, les chercheurs proposent même de compléter cette offre par des services de formation à l’auto-rénovation ou des services de mise à disposition de main-d’œuvre pour des petits travaux – en passant par exemples par des régies ou des entreprises d’économie sociale. Les bailleurs de type « investisseurs » qui n’ont pas beaucoup de compétences en la matière ont en effet marqué leur intérêt pour ce type de services.
L’expérience de terrain montre également qu’un service de médiation pourrait lever des freins ou améliorer le dialogue entre le propriétaire et le locataire, entre des co-propriétaires, entre des locataires, etc.
En outre, les premières expériences en Wallonie montrent que cette formule motive parfois des rénovations groupées ou par quartier, car les campagnes d’information attirent souvent plusieurs candidats à la rénovation dans la même localité ; tandis que les entreprises locales y voient un potentiel intéressant d’économies d’échelles.
Selon les chercheurs, cette « super structure » devrait donc intégrer des compétences très diversifiées, notamment en matières juridique, technique, financière, sociale… afin de pouvoir analyser et accompagner la démarche de rénovation dans son ensemble et en adéquation avec le contexte. Néanmoins, pour assurer suffisamment de flexibilité, il s’agirait de s’appuyer sur une mise en réseau d’acteurs avec une multiplicité de portes d’entrée plutôt que sur un « guichet unique ».
Par ailleurs, les Agences Immobilières Sociales pourraient jouer ici un rôle de première ligne dans le cadre d’un guichet unique dédié au marché locatif. Elles pourraient notamment tester les possibilités d’accroissement de loyer en cas de rénovation énergétique ambitieuse en cours de bail tout en garantissant un coût global du logement (loyer + charges) inchangé pour l’occupant avant et après travaux.
En finale, les ménages en situation de précarité énergétique pourraient ainsi voir leur confort nettement amélioré, avec, pour certains, une diminution de leurs consommations d’énergie et donc de la facture énergétique.
Notons que les actuels projets pilotes d’autoconsommation collective en Wallonie et à Bruxelles visent également à lutter contre la précarité énergétique. Lire notre article Partager son électricité verte avec des voisins ? Des projets se préparent en Wallonie Picarde.