Le plan de relance économique Get up Wallonia, en cours de négociation, constitue une opportunité unique pour enfin accélérer la rénovation énergétique des logements wallons. Un chantier transversal porteur de bénéfices aux niveaux économique, social et environnemental.
Le gouvernement wallon négocie actuellement les actions prioritaires du plan de relance économique post-Covid-19, baptisé Get up Wallonia !
Or ce plan d’investissements et d’accompagnement devrait saisir l’opportunité unique d’enclencher une véritable stratégie de rénovation du parc de logements – souvent vétustes -, avec des bénéfices élevés aux niveaux économique, social et environnemental – trois objectifs qui figurent dans la Déclaration de politique régionale.
En effet, comme le soulignait le mémorandum commun de la fédération Inter-Environnement Wallonie (IEW) et du secteur de la construction publié fin 2019, « aucun autre chantier ne répond autant aux 3 objectifs (social, environnemental et économique) de développement durable que la rénovation de notre parc de logement ».
Au niveau économique, l’IWEPS estime que le secteur crée 13,5 emplois par million € investi dans le secteur (6,4 emplois directs, auxquels il faut ajouter 7,1 emplois indirects). L’étude commanditée par le SPF Changements climatiques sur les impacts macroéconomiques de la transition bas carbone en Belgique estime à 27.000 emplois annuels additionnels dans le secteur de la construction belge dans un scénario bas carbone.
Au niveau social, la rénovation du parc de logement entraîne également une amélioration des conditions sanitaires de ses habitants et donc de leur santé. De plus, des logements mieux isolés permettraient aux occupants de maîtriser leur facture énergétique. En Belgique, un ménage sur cinq vit dans la précarité énergétique. Selon une étude de la CREG, les célibataires et les familles monoparentales consacrent respectivement 8 et 10 % de leur budget à l’énergie.
Au niveau environnemental, une vague de rénovation profonde des logements permettrait de réduire la consommation de chauffage et donc les émissions de gaz à effet de serre (GES) du secteur résidentiel, qui représente 16% des émissions de GES de la Wallonie. Notons que cette stratégie permettrait de réduire aussi les émissions de GES liées notamment à l’énergie grise des matériaux de construction et à la localisation géographique du logement (rénover un logement dans un noyau urbain proche des transports en commun engendre moins d’émissions de GES que s’il est situé loin en campagne et nécessite de nombreux trajets en voiture) – lire à ce propos le dossier de IEW Climat et logement.
Cette stratégie figure également au cœur du Plan SOPHIA, rédigé par 100 scientifiques et 182 entreprises belges afin de proposer au politique des mesures pertinentes pour relancer l’économie (lire notre article Le plan SOPHIA balise une relance durable en Belgique).
Une cause « nationale » wallonne
Malgré les vrais efforts entrepris par les Gouvernements wallons par le passé, le taux de rénovation demeure stable depuis des années, voire diminue depuis 2016. Et les travaux entrepris concernent surtout de petites actions directement rentables, tels que le placement de double-vitrages. La politique actuelle ne suffit pas et montre ses limites.
La fédération Inter-Environnement Wallonie propose dès lors 11 mesures prioritaires pour activer une stratégie de rénovation profonde du logement au cœur du plan Get up Wallonia !
En voici un condensé.
Coordonner la vague de rénovation au niveau gouvernemental
Jusqu’ici, la rénovation du bâtiment est restée une responsabilité trop spécifique au ministre de l’énergie ou du logement. Or il apparaît évident qu’une véritable stratégie doit être concertée et coordonnée au sein de l’ensemble du Gouvernement wallon et de quasi toutes les administrations régionales et communales – allant de la fiscalité à la formation, en passant par la communication.
Instaurer une obligation de rénovation
Comme le montrent les retours d’expérience partout en Europe, mêmes des modèles très généreux en soutiens divers (exemple : jusque 30 000 €/logement en Allemagne), n’ont pas suffi à enclencher la rénovation sans recours à un cadre obligatoire.
Cette mesure a priori impopulaire doit respecter plusieurs balises pour être bien acceptées socialement :
• Les propriétaires et locataires ne doivent pas débourser d’argent, grâce notamment à des emprunts à taux zéro de longue durée et des primes globales à la rénovation profonde.
• Les soutiens publics doivent être simplifiés.
• Garantir la qualité technique des travaux.
• Accompagner et soutenir financièrement les personnes en situation de précarité.
Cibler et améliorer les soutiens publics à la rénovation
Il s’agit notamment de :
• Instaurer des aides ciblées pour les populations précarisées et les logements vétustes.
• Rallonger la durée des prêts à taux zéro. Pour couvrir les coûts d’investissement, les autorités doivent proposer des emprunts à taux zéro à durée modulable de manière à ce que les annuités de remboursement soient égales, voire inférieures aux gains liés à la rénovation.
• Instaurer des primes uniques à la rénovation globale (c’est-à-dire conditionnées à la réalisation de travaux profonds) pour couvrir la différence entre investissements et économies.
Développer la filière rénovation et la formation
Petit à petit, le secteur de la construction s’oriente davantage vers la rénovation. Mais malgré cette évolution positive, le modèle dominant reste la construction de logement neuf (74 % de la création de logement) majoritairement sous forme de maison unifamiliale (la moitié des logements neufs créés en 2019).
C’est la demande de rénovation stimulée par les mesures précédentes qui créera l’offre et encouragera les entreprises de la rénovation à lancer des projets de recherche et développement.
Le développement d’une filière de rénovation forte s’appuiera sur l’alliance Emploi-Rénovation annoncée par le Gouvernement wallon.
Il s’agira de :
• augmenter la main-d’œuvre qualifiée ;
• améliorer la qualité des formations et les adapter d’avantages aux spécificités de la rénovation.
En outre, la Wallonie doit investir dans des programmes de recherche et développement de techniques de rénovation adaptées au parc de logement wallon.
Réformer la fiscalité
La Wallonie dispose d’outils – même s’ils sont encore incomplets – pour adapter sa fiscalité immobilière au service de cette stratégie de rénovation.
Il s’agira notamment de :
• Instaurer la portabilité des droits d’enregistrement pour favoriser la mobilité résidentielle (exemples : un ménage qui souhaite se rapprocher d’un nouveau lieu de travail) ;
• Diminuer le précompte immobilier dans les zones de centralité pour augmenter l’attractivité du bâtiment existant ;
• Réduire les droits d’enregistrement conditionnée à une rénovation.
Favoriser la massification de la rénovation
Une rénovation par rue ou par quartier permet :
• de réduire les coûts de la rénovation ;
• de réduire les impacts (notamment les désagréments pour le voisinage en quartier urbain) ;
• surtout, dans certains quartiers urbains, elle est centrale dans une logique de redynamisation des cœurs de ville.
Concrètement, le plan Get up Wallonie pour la relance est une occasion unique pour prévoir un appel à projets pour des projets de rénovation urbaine par rue voire par quartier. Cet appel à projet peut aisément être financé via les mécanismes européens tel le Resilience and recovery Facility à condition d’être repris dans le plan belge.
Enfin, citons les 5 autres mesures complémentaires recommandées par Inter-Environnement Wallonie :
• Faciliter le cadre urbanistique et réglementaire ;
• Intégrer la vague de rénovation dans une politique de densification de l’habitat ;
• Articuler la rénovation avec le développement du chauffage renouvelable ;
• Développer des campagnes de communication vers les propriétaires et les rénovateurs ;
• Repenser le secteur bancaire afin de faciliter l’utilisation de l’épargne massive des wallons durant les confinements.
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