Pour nos agriculteurs et notre alimentation, bannissons les champs solaires

En Wallonie, les centrales solaires au sol entrent en concurrence avec les activités agricoles. Quatre associations - Natagora, APERe, Terre en vue et IEW – plaident pour un développement photovoltaïque en priorité sur le bâti existant et les sols artificialisés.

Les projets de centrales photovoltaïques au sol – ou champs solaires – sur des terrains agricoles, sans possibilité de culture ou d’élevage, suscitent désormais des débats et des oppositions locales et régionales en Wallonie. 

Quatre associations – Natagora, APERe, Terre en vue et IEW – ont récemment adopté une position commune afin de soutenir un développement plus harmonieux de la filière photovoltaïque, dans la perspective d’une Wallonie 100% renouvelables d’ici 2050. 

La Wallonie dispose d’espaces limités et compte une densité démographique élevée. Les terres doivent avant tout nourrir sa population. Elle doit en tenir compte dans sa transition énergétique. 

Une concurrence avec les activités agricoles 

Selon les associations, il apparaît indéniable que les projets photovoltaïques au sol entrent en concurrence directe avec la production alimentaire et l’activité agricole en Wallonie. En effet, la compétition entre les usages de la terre est déjà extrêmement dure et le marché des ventes de terres est totalement dérégulé. Dans ce contexte, ce type de projets vient renforcer la crise de l’accès au foncier que vivent les agriculteurs : ils poussent à la hausse ou surévaluent les prix des terres agricoles, la production d’énergie étant largement plus rémunératrice que l’activité agricole.  

Les jeunes agriculteurs, en particulier, se voient un peu plus exclus d’un accès à la terre (lire notre article D’où l’intérêt du bifacial vertical dans l’agrivoltaïsme > quel impact sur le foncier ?). 

En outre, cette pression s’exerce principalement sur des surfaces de prairies permanentes et de pâtures, alors même que ce sont celles qui offrent le plus d’intérêt pour la biodiversité et le piégeage du carbone. 

De plus, les riverains s’opposent de plus en plus souvent aux champs solaires, afin de protéger un paysage et un biotope de qualité.  

En conséquence, les associations estiment que, sauf cas particuliers, aucun parc photovoltaïque au sol ne doit s’implanter sur ces zones agricoles. Ces terres ont une vocation alimentaire. 

Dans un pays aussi petit que le nôtre, les terres agricoles doivent garder leur vocation alimentaire. Or les centrales solaires au sol mettent les agriculteurs en difficulté. 

Priorité au bâti existant et aux sols artificialisés 

Pour développer une politique de territoire cohérente, le Gouvernement wallon peut imposer un développement photovoltaïque en priorité sur le bâti existant et les sols artificialisés : bâtiments résidentiels, tertiaires, routes, parkings, industries, PME, TPE, zones logistiques, bâtiments agricoles, … 

En la matière, l’Etat, la Région et les collectivités territoriales doivent être exemplaires : les bâtiments publics bien exposés doivent tous être équipés de panneaux photovoltaïques. 

L’autoconsommation doit être encouragée notamment pour les entreprises et les collectivités dont la consommation est essentiellement diurne, c-à-d lorsque les panneaux solaires produisent. 

Les sites industriels pollués, dont la dépollution est impossible dans le contexte économique actuel, peuvent également être valorisés par des centrales solaires au sol. Ces champs solaires pourront être démontés lorsqu’une dépollution s’avèrera possible. 

En Wallonie, région très marquée par son passé industriel, un cadastre comptabilise 3.795 ha de sites à réaménager (carte ci-dessous). 

Selon les estimations de l’APERe, le potentiel photovoltaïque en Belgique est très élevé : au moins 2,5 GWc sur les friches industrielles et 200 MWc sur les parkings (lire notre article Centrales photovoltaïques au sol : choisir des sites prioritaires, sans incidence pour les riverains. Ce potentiel mériterait néanmoins d’être chiffré plus précisément. 

Un soutien spécifique 

Actuellement, les projets photovoltaïques sur surface naturelle demeurent plus attractifs financièrement par rapport à ceux développés sur des surfaces artificialisée. 

Les associations appellent dès lors le Gouvernement et le régulateur wallons à envisager l’intégration d’un critère de localisation dans le calcul du niveau de soutien. Concrètement, il s’agirait d’inclure un facteur qui soutien beaucoup plus fortement les sites déjà urbanisés et décourage les projets sur les surfaces agricoles et naturelles. 

La voie de l’agrivoltaïsme 

Enfin, l’agrivoltaïsme offre aujourd’hui la possibilité de combiner, sur une même surface, une activité agricole avec une production d’électricité solaire, ce qui évite toute concurrence sur l’usage du sol. 

L’agrivoltaïsme propose en réalité trois principales applications technologiques très différentes : les installations photovoltaïques sur les toitures des bâtiments agricoles, les ombrières en prairie permettant aux animaux de se protéger du soleil ou des intempéries et les systèmes photovoltaïques surélevés sur des surfaces maraîchères (lire nos articles Agrivoltaïsme : Quelles applications possibles en Belgique ? et D’où l’intérêt du bifacial vertical dans l’agrivoltaïsme). 

Certains développeurs de projets commencent à en percevoir tout l’intérêt. Ainsi, la société Ether Energy, qui a rencontré de vives oppositions locales à ses projets de champs solaires, envisage désormais d’intégrer l’agrivoltaïsme dans ses futurs projets. 

Elle équipera le terrain de panneaux solaire espacés et surélevés afin de laisser le sol exploitable pour d’autres activités. Avec les revenus de la production d’électricité solaire, Ether Energy accordera gratuitement l’accès au terrain à des apiculteurs professionnels et à des éleveurs de moutons (lire cet article de La Meuse). 

Beelgium, une entreprise de production de miel et de pollens, pourra faire pousser des fleurs sur le terrain, tandis que Ether Energy produira de l’électricité solaire. Un bel exemple de projet gagnant-gagnant.