Sept Etats membres ont déjà annoncé leur retrait de ce Traité qui menace la transition bas carbone. Mais d’autres batailles juridiques s’avèreront nécessaires.
A l’origine, le Traité de la Charte de l’Energie (TCE), ratifié en 1994 par une cinquantaine de pays, dont ceux de l’ex-bloc soviétique, visait à sécuriser l’approvisionnement de l’Europe de l’Ouest en énergies fossiles.
Depuis lors, la Communauté internationale s’est engagée dans l’Accord de Paris sur le Climat et l’Europe dans l’ambitieux Green deal pour un continent zéro carbone en 2050.
Or le TCE est aujourd’hui le traité le plus utilisé par les géants des énergies fossiles pour attaquer, devant des tribunaux internationaux d’arbitrage, les États qui prennent des mesures en faveur de la transition énergétique bas carbone.
A l’heure actuelle, on recense plus de 136 litiges, majoritairement intra-européens.
A titre d’exemple, le contentieux engagé en 2017 par Rockhopper Exploration contre l’Italie vient de se solder par la condamnation de l’Etat italien à verser à l’entreprise britannique une indemnisation de 190 millions d’euros à la suite de la décision du gouvernement d’interdire le développement de nouveaux projets pétroliers et gaziers dans sa mer territoriale.
Pire, la grande majorité des contentieux qui se sont développés ces dernières années concernent des Etats européens poursuivis et parfois condamnés, après avoir modifié leur dispositif d’aide aux énergies renouvelables.
Ce Traité anachronique, qui protège de manière démesurée les investisseurs privés, menace donc concrètement et financièrement les Etats qui s’engagent dans l’action climatique (lire notre article Le Traité sur la Charte de l’énergie, une menace pour la transition énergétique).
Quelles solutions ?
Depuis trois ans, les Etats signataires se sont engagés dans une modernisation du texte afin de tenter de concilier leurs engagements juridiques économiques et climatiques. Mais la Commission européenne, qui négocie au nom des Vingt-Sept, a décidé ce 22 novembre de geler ce processus.
En parallèle, plusieurs pays européens ont d’ores et déjà annoncé la seule solution réellement tangible : une sortie coordonnée du Traité.
Après l’Italie en 2016, l’Espagne, les Pays-Bas, la Pologne, la France, l’Allemagne, la Slovénie, le Luxembourg et l’Espagne ont récemment annoncé leur retrait du TCE.
D’autres pays devraient suivre cette voie, tel que l’Autriche.
Un premier pas
Mais aussi importante que soit cette victoire, il ne peut s’agir que d’un premier pas dans la mise en cohérence et en efficacité des politiques climatiques, estime Sabrina Robert, Professeure de droit international et européen, dans une tribune dans le journal Le Monde.
D’une part, la clause “sunset” maintient les engagements juridiques durant 20 ans, ce qui pourrait amener de nouveaux contentieux.
D’autre part, plus de 2000 traités bilatéraux subsistent au niveau mondial, qui protègent de la même manière tous les investissements, qu’ils soient bas carbone ou nocifs pour le climat.
Il s’agira donc de mener d’autres batailles juridiques, au cas par cas.