Objectif 2050: brique après brique…

On le sait, dans le chapitre XII de sa déclaration politique régionale 2019-2024, le gouvernement wallon a annoncé une série de mesures visant à mettre la Wallonie sur les rails de la décarbonisation optimale. Le tout en lien avec l'objectif final de neutralité carbone de l'ensemble du bâti en 2050. De la rénovation à l’isolation des bâtiments privés et publics en maximisant la production des énergies renouvelables au détriment des énergies fossiles en passant par le renforcement des outils d’information et d’accompagnement des citoyens sur les plans régionaux, communaux ou locaux, les intentions étaient nombreuses et belles. 3 ans plus tard, où en est-on ? Et surtout, où va-t-on ?

On le sait, dans le chapitre XII de sa déclaration politique régionale 2019-2024, le gouvernement wallon a annoncé une série de mesures visant à mettre la Wallonie sur les rails de la décarbonisation optimale. Le tout en lien avec l’objectif final de neutralité carbone de l’ensemble du bâti en 2050. De la rénovation à l’isolation des bâtiments privés et publics en maximisant la production des énergies renouvelables au détriment des énergies fossiles en passant par le renforcement des outils d’information et d’accompagnement des citoyens sur les plans régionaux, communaux ou locaux, les intentions étaient nombreuses et belles. 3 ans plus tard, où en est-on ? Et surtout, où va-t-on ?

Premier volet et non des moindres : La rénovation du bâti. Fondations d’une nouvelle Wallonie neutre en carbone ?

Pour le bâti public, la question est vite réglée. Dans sa déclaration de Politique de 2019, le Gouvernement wallon annonçait mettre en place rapidement un cadastre des bâtiments publics pour fin 2020. Le ministre en charge de la Régie des bâtiments, Mathieu Michel, a encore déclaré dans un interview récent, qu’il avait été surpris de constater que pareil cadastre n’existait pas à son arrivée et qu’il avait demandé tout de suite à ce que cela soit mis en place. Trois ans plus tard, fin 2022, on ne semble pourtant pas encore l’avoir entendu…. A l’inverse, on ne peut que se réjouir du fait que le projet Renowatt ait été déployé à l’ensemble de la Région (il est né à Liège à la base) afin d’accompagner les autorités locales dans l’amélioration de l’efficacité énergétique des bâtiments publics. Mais ici aussi, les moyens et surtout les objectifs semblent limités : rénover 3% des bâtiments publics par an en ligne avec le programme ELENA, est-ce réellement afficher des ambitions à la taille de l’ampleur du chantier ? Le cadastre une fois établi, nous le dira. Un jour peut-être…

Et en privé ?

En ce qui concerne le bâtiment privé, allons tout de suite à l’essentiel : dans l’absolu, c’est l’équivalent de près de 99% du bâti wallon qui devrait être rénové. En effet, si l’on prend en considération son état actuel, 48 % des maisons ont été construites…avant 1945. Et 65,80% des logements ont été construits avant 1970. Un moment tout sauf anodin puisque c’est dans la décennie ’70 que les premiers crashs pétroliers sont survenus (1973, 1979), qu’on a compris que l’énergie n’était ni infinie ni gratuite et qu’on a commencé à isoler murs et toits. Cela veut donc dire que 2/3 des logements wallons ont été construits en l’absence totale d’isolation. C’est dire si au niveau isolation et durabilité, il y a  du travail pour ces constructions-là. C’est fortes de constats pareils à tous niveaux que, dans les prémisses d’une stratégie de politique énergétique durable, l’Europe et avec elle, la Région wallonne, ont progressivement introduit les notions de performances énergétiques des bâtiments et d’obligations en matière de PEB.

Celui-ci est pourtant encore fort limité dans sa contrainte en matière de carbone. Ainsi, par exemple: il sera interdit de vendre des chaudières mazout (seulement) en 2035… alors que c’est déjà le cas depuis 2021 en Flandre (pour constructions neuves ou restaurations de logements desservis par le gaz)! 14 ans de retard!! En Région bruxelloise, c’est dès 2025 que les chaudières mazout ne pourront plus être installées. Le retard wallon est sans doute motivé par le fait que 50% des ménages wallons se chauffent au mazout actuellement… Mais est-ce une fatalité ?

Que faudrait-il imposer ?

Sur le plan du PEB, lors des audits énergétiques en Wallonie, les normes sur les parois exigent d’avoir un certain niveau d’Umax, (les coefficients de déperdition de chaleur à travers les parois). Une valeur de référence y est renseignée. Ainsi, par exemple pour les toits, c’est 0,20 W/m².K° et pour les murs c’est 0,24. A l’inverse, la performance globale de l’habitation, qui pourrait être résumée en analysant le E spécifique, le EW et le niveau K (qui représente le degré d’isolation du bâtiment), elle, n’est pas prise en compte pour les projets de rénovation (là où les niveaux de K et EW sont bien définis et exigés pour les bâtiments neufs). Sans doute y a-t-il là, matière à réflexion car le PEB ne suffit pas si l’on veut « tendre vers le label A généralisé pour 2050 » comme l’ambitionne la stratégie wallonne de rénovation énergétique du bâtiment. Ou plutôt…cela ne suffit plus.

A notre sens, il serait sans doute idéal (voire nécessaire) d’imposer des exigences de performance globale à toutes les rénovations ! Actuellement, en matière de PEB, seuls les bâtiments neufs ou assimilés (c’est-à-dire les logements dont les systèmes et plus de 75% de l’enveloppe sont remplacés) sont soumis à des exigences de performances globales :

  • le niveau K, qui reflète le degré d’isolation du bâtiment, doit être inférieur à 35 ;
  • le niveau Ew, soit le rapport entre la consommation annuelle d’énergie primaire de l’unité PER et une consommation annuelle d’énergie primaire de référence, multiplié par 100, doit être inférieur à 35 ;
  • la consommation spécifique en énergie primaire, Espec, soit le rapport entre la consommation annuelle d’énergie primaire et la surface de plancher chauffé du logement doit être inférieure à 85 kWh/m²an.

A cela s’ajoutent des exigences de performances relatives aux parois, à la ventilation et à la surchauffe.

Mais pour les rénovations, il n’en est rien. Seules les parois modifiées ou neuves sont soumises à des performances PEB. Ces exigences reposent sur le coefficient de transmission thermique, Umax, qui correspond à la chaleur qui traverse 1 m² de paroi, par seconde et pour un écart de température 1°C entre l’intérieur et l’extérieur. Celui-ci doit ainsi être inférieur à 0,24 W/m²K pour les murs et planchers.

Et ces exigences sur les parois ne sont clairement plus suffisantes… Elles sont bien souvent la cause d’un manque de réflexion globale sur le phasage des différents travaux de rénovation et sur les travaux adéquats à entreprendre. La mise en place d’exigences de performance globale, pour tous travaux de rénovation, semble donc primordiale pour rencontrer les objectifs fixés. En s’inspirant, pourquoi pas, de nos voisins directs. En France par exemple, pour les nouvelles constructions (RE2020), une analyse du cycle de vie de l’ensemble du projet doit être réalisée afin de réduire l’empreinte environnementale de la construction qui, aujourd’hui et pour des bâtiments proche de Q-Zen, est la principale empreinte (l’exploitation a tellement diminué qu’elle ne représente plus grand chose en terme d’émissions). Ainsi on devrait booster les projets qui visent à travailler sur cette approche d’ACV et favoriser de la sorte les entreprises locales pour réduire les déplacements, les matériaux biosourcés et recyclé locaux ou de conception plus minimaliste …. Une telle approche se fait aussi en Angleterre et aux Pays-Bas.  Mais actuellement rien pour la Wallonie alors qu’un outil Totem de calcul d’ACV est aujourd’hui testé depuis de nombreuses années par le CSTC.

Former et informer pour mieux construire

Du côté des projets de nouvelles constructions, Selon la Confédération de la construction, plus de 20.000 postes allaient être créés d’ici 2025[1]. Tout aussi optimiste, Climact estimait une croissance du nombre d’emplois dans la construction de 27.000 unités entre 2016 et 2030[2]. Certes, avec la crise énergétique et la pénibilité de l’accès à certains matériaux, cette croissance de l’emploi est résolument freinée, mais il est indéniable que, rien qu’en Wallonie, ce sont des milliers d’emplois qui vont être à pourvoir. Emplois pour lesquels il serait, sans doute, opportun d’adapter la formation aux nouvelles ambitions en matière de construction, d’isolation, de rénovation et d’intégration des énergies renouvelables dans les stratégies énergétiques. Et de poursuivre ainsi, comme l’invite la déclaration politique wallonne, le renforcement des capacités du secteur de la construction durable, de la rénovation, de l’écoconstruction, des isolants naturels ou de la production d’énergies renouvelables en termes de formation, de développement et de partage des compétences.

Enfin, optimiser l’accès et la lisibilité (pour ne pas dire la digestibilité) des informations à destination des entreprises comme des particuliers en matière de primes, subsides, aides et autres optimisations, ne serait sans doute pas du luxe. Non plus.


[1] Source: https://references.lesoir.be/article/20-000-travailleurs-attendus-dans-la-construction-d-ici-3-ans/

[2] Source ici: http://www.ellipse-ise.eu/wp-content/uploads/2016/11/macro_low_carbon_Annex_1_Main_results.pdf