L’APERe a testé un PVheater durant 2 ans. Nous avons constaté beaucoup d’avantages et quelques limites. Retour d’expérience.
Le stockage : de l’agriculture à l’énergie, une révolution
Wikipédia : « La révolution agricole néolithique implique bien plus que la simple adoption d’un ensemble de techniques de production alimentaire. Une fois que les agriculteurs eurent perfectionné leurs techniques de culture, leurs moissons allaient rendre des surplus qui nécessitaient d’être conservés. »
A l’image de l’évolution agricole du néolithique, l’évolution énergétique passe par le développement de méthodes de stockage de nos surplus. Mais, tout comme nous privilégions les aliments de saison, nous préférons consommer l’énergie lorsqu’elle est disponible et, ensuite, stocker l’excédent.
Si différentes techniques complémentaires de conservation sont utilisées dans le domaine alimentaire (séchage, conserves, surgélateurs, frigos, transformation en confitures, fermentation lactique, …), il en va de même pour l’électricité : stockage hydraulique (à Coo), stockage chimique en batterie, stockage physique (air comprimé), stockage chimique sous forme d’hydrogène, stockage sous forme inertielle, … et stockage de chaleur.
Les prosumers le savent bien : quasi tous les jours, ils injectent de l’électricité sur le réseau, puisque leur installation photovoltaïque produit un surplus de puissance électrique d’origine solaire au regard de leur consommation d’électricité à ce même moment. Autrement dit, en journée, leur compteur « tourne à l’envers ».
Le site Vaverslesoleil.be aide les prosumers à booster leur autonomie solaire et à minimiser leurs surplus de production photovoltaïque.
Notre test de stockage d’électricité solaire excédentaire
L’Association pour la Promotion des Energies Renouvelables (APERe) a testé une forme de stockage total ou partiel de ce surplus sous forme de chaleur. Après 2 ans de fonctionnement, il est temps de partager ce retour d’expérience. L’outil testé fait partie de ce que nous appelons un « PVheater ». Il s’agit du stockage de cette énergie sous forme d’eau chaude (sanitaire). Si le principe n’a rien de bien neuf, un nouveau système, appelé « contrôleur de puissance » ou « PVheater » en anglais, permet une valorisation locale, intelligente et autonome de l’excès de production photovoltaïque.
Sur cette illustration, l’installation photovoltaïque met à disposition une puissance de 5 kW dont 3 kW sont consommés dans le logement. Le surplus (2 kW) est stocké dans un ballon d’eau chaude grâce au PV heater. Il n’y a aucune injection sur le réseau électrique.
Historiquement développé en Angleterre, le principe du PVheater est simple (voir schéma ci-dessus) : il s’agit d’un petit boitier (de la taille d’une boite à tartines) qui mesure en permanence l’excès de production photovoltaïque par rapport à la consommation instantanée de l’habitation équipée. Si un excès de puissance se produit, il est envoyé dans de l’eau chaude au travers d’une résistance électrique, à concurrence d’environ 3 kW maximum (cette puissance varie selon le modèle).
Si l’excès de puissance diminue, que ce soit à cause du passage d’un nuage ou du déclenchement d’un consommateur d’électricité tel qu’une machine à laver ou une cafetière, la puissance de la résistance diminue de la même manière.
S’il n’y a pas de surplus de production photovoltaïque, la résistance n’est pas alimentée.
La haute réactivité du système (1 seconde) et son fonctionnement autonome (basé sur une mesure locale du surplus physique grâce à une pince ampèremétrique) confèrent au PVheater une efficacité optimale de gestion de l’énergie solaire photovoltaïque, dans une grande simplicité de principe et sans besoin de communications de mesures de monitoring.
Ci-dessous 2 illustrations du fonctionnement d’un PVheater en janvier 2017 lors d’une journée variable (en haut) ou ensoleillée (en bas) :
Et s’il n’y a pas (assez) de soleil et que je suis 100% dépendant de l’électricité? Le PVheater possède une fonction qui permet de réaliser l’appoint électrique (venant alors du réseau) en fin de journée, afin de garantir la satisfaction en eau chaude. En somme, l’ajout de ce boitier entre un système photovoltaïque et un boiler électrique existant revient à avoir un chauffe-eau solaire photovoltaïque (et pas thermique) en utilisant le surplus d’électricité produite. Le PVheater permet de combiner les avantages du solaire thermique avec la simplicité et les faibles coûts du photovoltaïque.
Il s’agit donc d’un stockage à court terme (quelques heures à 2 jours maximum) et non réversible (impossible de retrouver de l’électricité) sous forme d’eau chaude permettant de satisfaire des besoins d’eau chaude sanitaire.
Fig : Capacité de stockage par technologie.
Avantages observés
Le PVheater fonctionne donc comme un chauffe-eau solaire thermique traditionnel avec les avantages suivants :
- Moins coûteux à l’achat et au fonctionnement que le solaire thermique (pour le PVheater lui-même, comptez entre 700 et 1.000€ TVA et installation comprises – en fonction du modèle).
- Offre une plus grande couverture solaire en fonctionnant nettement plus souvent durant les 6 mois de l’année moins ensoleillés (mi-septembre à mi-mars),
- Moins coûteux pour l’appoint que le solaire thermique (corollaire du point précédent),
- Offre une flexibilité entre production d’électricité et production de chaleur en fonction des besoins,
- Economiquement compétitif par rapport aux gaz naturel, mazout ou pellets,
- Simplicité de placement, de compréhension du fonctionnement et d’utilisation,
- Fonctionnement autonome (pas besoin de communication),
- Durée de vie à priori illimitée (pas de pièces d’usures),
- Permet la gestion d’une grande quantité d’énergie (jusqu’à 30 kWh par jour),
- Garantit une consommation optimisée de la production solaire (autoproduction et autoconsommation),
- Donne naturellement priorité à des usages électriques pendant la journée (valeur économique plus importante que les combustibles),
- Certains modèles permettent la gestion de plusieurs résistances en série,
- Génère principalement des déchets facilement recyclables en fin de vie (métaux)
- La décentralisation de la production d’eau chaude sanitaire supprime fortement les problèmes de légionelloses
- …
Limites observées
- Fonctionne sur une seule phase (pour du triphasé, il faut choisir la phase avec PV ou mettre 3 systèmes si le photovoltaïque est triphasé),
- A placer de préférence sur une résistance (un boiler) placée verticalement,
- Les systèmes sont limités à 3,5 kW de puissance excédentaire. Si le surplus dépasse cette puissance, il n’est pas capté par le PVheater et retourne sur le réseau (sauf à placer un PVheater supplémentaire).
- Tant que le système de compensation (compteur qui tourne à l’envers) existe, seuls ceux qui produisent plus d’électricité que leur consommation totale ont un intérêt économique à placer un PVheater.
Une nouvelle manière – performante – de concevoir notre réseau de production d’eau chaude sanitaire
Si on se réjouit de l’évolution de la conception de l’enveloppe des bâtiments vers de la (très) haute performance énergétique, il faut constater que la conception des systèmes de techniques spéciales, en particulier la production d’eau chaude sanitaire, n’a pas réellement été remise en question.
La production solaire photovoltaïque, combinée à un système tel que le PVheater, permet de repenser totalement notre architecture de production et distribution d’eau chaude sanitaire, avec moins de pertes ou de gaspillages.
Notons que le modèle testé permet de piloter plusieurs résistances en série. Et c’est précisément ce type d’option qui ouvre de nouvelles manières de gérer la production décentralisée efficace d’eau chaude sanitaire dans la maison. Cela permet d’éviter le gaspillage (d’eau et de chaleur) lié à la distribution depuis un point central – voir ci-dessous le schéma du Centre Scientifique et Technique de la Construction (CSTC) ci-dessous -, la production décentralisée est la solution la plus efficace.
Une optimisation concrète : le logement unifamilial
Concrètement, pour une famille de 4 personnes, cela signifie : avoir un boiler électrique sous évier de 5 à 10 litres dans la cuisine qui est en priorité de chargement – c’est en effet le lieu où les puisages se déroulent toute la journée.
En plus de ce boiler, on ajoutera un boiler dans la salle de bain (comptez maximum 25 litres par personne par jour) qui sera en priorité secondaire.
- Durant la journée, l’excès d’énergie solaire photovoltaïque vient d’abord chauffer le petit boiler sous évier.
- Une fois à température, le thermostat de celui-ci vient bloquer sa charge et l’excès d’électricité solaire est envoyé dans le boiler de la salle de bain.
On ne transporte plus de l’eau chaude partout dans la maison, mais on transporte de l’électricité. Par conséquent, il y a beaucoup moins de pertes énergétiques et beaucoup moins d’eau froide – potable – mise à l’égout.
Le seul inconvénient réside dans le placement d’un second boiler (sous évier) en plus du boiler sanitaire. Comptez une petite centaine d’euros en plus. En construction neuve ou rénovation importante, ce surcoût est cependant effacé par l’absence de besoin de pose de conduites d’eau chaude d’un point central vers le point de puisage.
Où trouver ces systèmes ?
Nous avons connaissance de différents systèmes, certains permettant de piloter des chauffe-eaux thermodynamiques dont le fonctionnement est légèrement différent de celui mentionné ici.
Si vous êtes installateur (ou que vous voulez que votre installateur vous équipe d’un tel système), vous trouverez plusieurs systèmes différents dans la petite entreprise brabançonne Energy4ME : Philippe.daras@energy4me.be
Par ailleurs, l’entreprise JMG propose un service d’installation de PVheater.
Nous n’avons pas connaissance d’autres distributeurs en Belgique mais n’hésitez pas à nous les signaler : bwilkin@apere.org
Le PVheater en chiffres :Taille : max 25-16-8 cm (L, H, P) Poids : max 500 gr. Puissance maximale utilisable : 3 à 3,3 kW Fonctionnement : monophasé Quantité d’énergie stockable : fonction de la taille du boiler. 150 litres d’eau chaude sanitaire (60°C) = 7 kWh/jour. Prix maximal : 700 – 1000€ TVA et installation comprise Disponibilité en Belgique: Energy4me – Philippe.daras@energy4me.be |
Nous consommons trop d’eau chaude ! (et l’installateur « traditionnel » ne nous aide pas…)
Une récente étude du CSTC (Centre Scientifique et Technique de la Construction) sur des logements collectifs montre que les consommations sont, en moyenne, de 25 litres d’eau chaude par jour et par personne (sans demander d’effort à l’utilisateur).
Hors, même les normes actuelles les plus sévères préconisent encore des dimensionnements très supérieurs aux consommations réelles.
L’étude, basée sur 2 projets de recherche, montre que ces normes pourraient-être revues à la baisse. D’autant plus qu’une rapide recherche sur internet vous montrera que certains « conseillers » de systèmes vous proposent 50 litres par jour par personne.
Certains installateurs ont l’argument massue : « Comme ça, vous êtes tranquilles », ou encore « Il est bien isolé, vous ne devrez rajouter qu’un peu d’énergie chaque jour »…
Le CSTC le montre cependant dans son étude : par rapport aux 50 litres par jour par personne souvent préconisés, vous pouvez diminuer votre volume de production d’eau chaude sanitaire de moitié, sans perte de confort. Vous ferez beaucoup d’économies à l’installation (systèmes plus petits) mais surtout à l’usage.
La norme qui correspond le mieux avec les mesures est la DIN 1988-300.
Lire également notre article Photovoltaïque : mieux vaut produire de l’eau chaude que stocker l’électricité.