MeryGrid, un micro-réseau local en pilotage intelligent

Le projet-pilote wallon entre en phase opérationnelle. Il s’agit de tester les bénéfices de l’autoconsommation locale à l’échelle d’un zoning rassemblant des entreprises consommatrices d’électricité, des productions renouvelables (solaire et hydro) et une unité de stockage. Le système d’intelligence artificielle (EMS) qui gère l’optimisation du micro-réseau devrait permettre une économie de 15% sur la facture énergétique.

Le projet-pilote MeryGrid, initié en 2016 et financé notamment par la Wallonie, entre en phase opérationnelle. Une étape importante qui a été présentée aux acteurs de terrain ce 1er juin 2018.

Un micro-réseau local

Le micro-réseau local est situé sur le zoning de Méry, au bord de l’Ourthe en région liégeoise, et relie 3 entreprises-partenaires :

  • Mery Bois, un négociant en bois équipé d’une installation photovoltaïque de 60 kWc,
  • Meytherm, société active dans le traitement thermique des métaux et équipée d’une centrale hydroélectrique de 200 kVA,
  • CBV, active dans les ventilateurs industriels et consommatrice d’électricité, comme les 2 autres entreprises.

Le site produit 1.200 MWh par an et consomme 800 MWh par an.

Le projet vise à renforcer l’autoconsommation collective locale à l’échelle d’un micro-réseau. L’objectif est donc de maximiser les échanges locaux d’énergie entre ces trois PME très complémentaires et d’optimiser leurs interactions avec le réseau public de distribution d’électricité (lire notre précédent article Place aux micro-réseaux intelligents).

Le micro-réseau local est désormais connecté à une batterie lithium (capacité de 300 kWh et puissance de 600 kVA) relié au réseau de distribution traditionnel (géré par Resa) via un seul et unique point d’accès.

Les 3 illustrations ci-dessus représentent le conteneur de batterie et le poste de commande de MeryGrid.

Une gestion optimale intelligente

Le cœur de l’innovation se situe dans une plateforme informatique intelligente (Energy Management System) qui optimise en temps réel les flux d’électricité, selon une hiérarchie: priorité aux productions renouvelables (photovoltaïque et hydro) lorsqu’elles sont disponibles, puis à l’électricité stockée dans la batterie, et lorsque celle-ci est déchargée, le pilotage prélèvera l’électricité directement sur le réseau traditionnel.

Cette gestion s’appuie sur de puissants algorithmes, développés par l’Université de Liège au sein d’un programme de recherche. Les calculs doivent permettre de répondre à cette question purement économique : combien nous coûte le kWh dans chaque cas de figure considéré ?

Le système intègre en temps réel les prévisions météorologiques pour les productions renouvelables, le stock d’énergie en fonction des besoins des 3 entreprises de Méry et les variations des prix de l’énergie sur les marchés nationaux et internationaux. L’intelligence artificielle permet ici des prises de décisions complexes.

Cet Energy Management System, baptisé Upgrid, est en phase test jusque mai 2019, période durant laquelle les algorithmes seront améliorés pour donner les réponses les plus performantes possibles.

15% d’économie

Grâce à cette meilleure valorisation de l’électricité produite sur le site, les 3 partenaires espèrent faire baisser de 15% leur facture d’électricité.

Si les résultats sont concluants, le système Upgrid pourra être commercialisé au niveau international. Un créneau en plein essor où il reste des places à prendre.

Des micro-réseaux … interdits

A l’heure actuelle, les micro-réseaux sont interdits en Wallonie. Le projet-pilote MeryGrid, soutenu par le gouvernement wallon, a dû bénéficier d’une dérogation de la CWaPE, le régulateur du marché wallon de l’énergie, pour voir le jour. En tant que projet innovant, il est autorisé … jusque fin mai 2019, sauf si le législateur développe un cadre spécifique pour l’autoconsommation collective.

Le blocage actuel se situe au niveau des gestionnaires de réseaux de distribution (GRD), qui disposent d’un monopole sur la gestion du réseau.

Les GRD craignent en effet le développement de micro-réseaux locaux car il remet en question un certain modèle économique. Si de plus en plus d’entreprises fonctionnent via des réseaux locaux, celles-ci ne contribueront plus au financement du réseau traditionnel. Comment dès lors assurer le financement et la bonne gestion du réseau traditionnel ? En faisant payer plus les consommateurs qui y sont reliés ? Ou en développant un autre modèle économique ?

Vers une autorisation ?

De nombreux micro-réseaux sont actuellement en projet en Wallonie et en Europe et la transition énergétique en cours pousse fortement vers cette solution qui permet une meilleure intégration des énergies renouvelables et de la demande d’électricité.

Les acteurs insistent dès lors pour une modification du cadre législatif wallon afin d’autoriser les micro-réseaux locaux.

Le ministre wallon de l’Energie Jean-Luc Crucke s’est engagé dans cette voie et devrait adopter un projet de décret d’ici fin 2018.

Un processus à suivre, donc.

Notons qu’un autre micro-réseau est actuellement testé dans le quartier-pilote Negundo à Froyennes près de Tournai, qui intègre des sources renouvelables et une station de pompage-turbinage (lire notre article La Wallonie envisage de stocker son électricité renouvelable dans ses carrières).