L’Europe prépare la capture et le stockage de CO2 à grande échelle

A partir de 2024, la Norvège stockera 1,5 million de tonnes de CO2 par an dans un réservoir géologique sous-marin. Cette technologie innovante contribuera à atteindre les objectifs climatiques européens. 

Le gouvernement norvégien a donné son feu vert en décembre 2020 pour le financement de Northern lights, premier projet de capture et de stockage de CO2 à grande échelle en Europe. 

C’est donc un chantier inédit qui commence. 

Testée depuis de nombreuses années, cette technologie innovante – baptisée CCS en anglais – arrive aujourd’hui à maturité et contribuera aux objectifs climatiques européens. 
 
En effet, pour atteindre un continent zéro carbone en 2050, l’Europe devra compter, non seulement sur un déploiement massif des énergies renouvelables et une plus grande sobriété énergétique, mais aussi sur la neutralisation du CO2 émis par l’industrie, où il n’existe pas ou peu de solutions alternatives pour réduire les émissions. 

Il s’agit donc de capturer et de stocker ce gaz à effet de serre afin d’éviter son émission vers l’atmosphère. 

L’Union européenne a ainsi intégré le CCS dans les mécanismes nécessaires pour atteindre les objectifs de l’Accord de Paris sur le climat. 

La Norvège se montre pionnière au niveau européen – voire mondiale – et compte développer toute la chaîne de valeur de cette technologie émergente, en vue d’exporter son savoir-faire vers d’autres pays. 

Voici comment fonctionnera le projet Northern lights (illustratrion ci-dessous), qui sera opérationnel mi-2024. 

 

Le projet, développé par trois pétroliers – Total, Shell et Equinor -, capturera le CO2 émis par un incinérateur de déchets à Oslo et par une cimenterie à Brevik. Le gaz sera ensuite liquéfié et transporté par des bateaux conçus à cet effet vers le terminal de Naturgaasparken sur la côte Ouest de la Norvège, en mer du Nord (illustration ci-dessous). 

Là, il sera pompé et stocké dans un tank intermédiaire puis injecté dans un pipeline sous-marin qui acheminera le CO2 dans un réservoir géologique permanent à 2600 mètres de profondeur. 

Dans un premier temps, le procédé injectera 1,5 million de tonne de CO2 par an mais devrait ensuite atteindre 5 millions de tonnes par an. 

Le réservoir peut contenir jusqu’à 100 millions de tonnes. 

D’autres clients industriels norvégiens – ou des pays voisins – devraient également rejoindre cette solution technologique, surtout si le prix de la tonne de CO2 continue à grimper sur le marché du carbone – comme le montrent les statistiques compilées par Ember.

 

400 projets en Europe ? 

 

Le projet-pilote norvégien servira de référence pour d’autres projets actuellement à l’étude, notamment au Royaume Uni. 

Selon Anders Opedal, directeur général d’Equinor, interrogé par la revue L’Usine nouvelle, l’Europe aurait besoin de 400 projets comme Nothern Lights pour atteindre les objectifs de l’Accord de Paris sur le Climat (lire cet article de L’Usine nouvelle). 

Cette technologie représente actuellement des coûts très importants – d’où les subsides norvégiens – mais devrait devenir rentable au fur et à mesure de son déploiement sur le continent. 

Aux Pays-Bas, le projet PORTHOS compte également développer, dans le port de Rotterdam, un service de transport et de stockage de carbone dans des champs de gaz vides en dessous de la mer du Nord. 

Si bien que Northern lights et PORTHOS pourront fournir un service complet pour de nombreux clients émetteurs à travers l’Europe, estime Guloren Turan du Global CCS Institute (lire cet article de Euractiv). 

 

Un stockage sûr et nécessaire 

 

Ce mode de stockage du carbone ne présente pas de risques particuliers de fuites. 

Selon le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), dans son rapport consacré au CCS, “les observations suggèrent que la fraction de CO2 retenue dans des réservoirs géologiques correctement sélectionnés et gérés est très susceptible de dépasser 99% sur 100 ans et de dépasser 99% sur 1000 ans.” 

Une directive européenne encadre strictement cette nouvelle activité afin d’assurer un stockage géologique sûr pour l’homme et les écosystèmes. 

Par ailleurs, la Commission européenne, dans un FAQ sur le sujet, insiste sur le timing imminent : “Environ un tiers des capacités de centrales au charbon en Europe sera remplacé dans les 10 ans. Au niveau international, la consommation d’énergie de la Chine, de l’Inde, du Brésil, de l’Afrique du Sud et du Mexique conduira à une augmentation majeure de la demande globale, qui sera probablement satisfaite en grande partie par les combustibles fossiles. La capacité de faire face à ces émissions potentielles très importantes doit être développée de toute urgence.” 

Les plans de relance économique en Chine et en Inde, notamment, montrent en effet un recours très important aux énergies fossiles. 

A défaut d’éviter ces émissions de CO2, il faudra développer les moyens de les capturer et les stocker durablement. 

Notons que le CO2 capturé peut également être recyclé en produits tels que les polymères ou l’acier, ou être réutilisé dans la production de méthane synthétique.