L’Europe encourage la mobilité électrique et l’autoconsommation collective

La directive européenne 2018/2001 fixe les objectifs renouvelables pour 2030, anticipe la baisse des coûts des renouvelables, freine les biocarburants au profit de la mobilité électrique et instaure le droit à l’autoconsommation collective. Voici notre analyse.

La directive 2018/2001, publiée le 11 décembre 2018, constitue un cadre légal très important pour comprendre et anticiper les développements du secteur de l’énergie durable en Belgique et en Europe d’ici 2030.

Ce texte sera transposé dans le droit national au plus tard le 30 juin 2021.

Voici les éléments qui nous semble les plus significatifs.

32% d’énergies renouvelables …mais sans contraintes

La directive rappelle le principe de primauté de l’efficacité énergétique (« Energy efficiency first ») et fixe ensuite un objectif global contraignant d’au moins 32 % d’énergies renouvelables dans la consommation finale brute d’énergie de l’Union européenne d’ici 2030 (lire dans la directive : article 3, point 1).

Cependant, la Commission européenne pourra, d’ici 2023, revoir cet objectif à la hausse :

  • en cas de nouvelle baisse sensible des coûts de la production d’énergie renouvelable,
  • si cela est nécessaire afin de respecter les engagements internationaux pris par l’Union en matière de décarbonisation,
  • ou si une diminution importante de la consommation d’énergie dans l’Union justifie cette augmentation.

Or une diminution des coûts est attendue dans les prochaines années dans différentes filières renouvelables – en particulier l’éolien et le photovoltaïque -, ce qui pourrait permettre un objectif plus élevé que 32%.

Par contre, la directive ne prévoie pas d’objectifs contraignants pour chaque Etats membres. Ceux-ci contribueront donc collectivement – de manière volontaire ou non – à cet objectif européen mais ne pourront pas être sanctionnés si les efforts nationaux sont insuffisants.

C’est un recul par rapport à la précédente directive, qui fixait des objectifs nationaux contraignants pour atteindre l’objectif européen de 20% d’énergies renouvelables en 2020. A titre d’exemple, la Belgique, pour contribuer à l’objectif européen, doit atteindre 13% d’énergies renouvelables d’ici 2020. Elle se situe actuellement à environ 10% et, au rythme actuel, n’atteindra pas son objectif. Elle devra alors acheter ce qui lui manque à d’autres Etats membres qui auront, eux, dépassé leurs objectifs nationaux. Ces modalités garantissent l’atteinte de l’objectif commun.

Avec la nouvelle directive, la Belgique et les autres Etats membres poursuivront le développement des énergies renouvelables sur leurs territoires mais, sans contraintes, n’atteindront peut-être pas collectivement les 32% fixés pour 2030. Ou bien, uniquement grâce à quelques pays particulièrement volontaristes. La politique climatique belge, qui a démontré jusqu’ici une certaine inertie, risque de tergiverser encore longtemps.

Complexité des biocarburants et soutien à la mobilité électrique

La directive consacre un volume de textes très conséquent aux biocarburants, ce qui démontre en soi toute la complexité de cette filière renouvelable (articles 25 à 34). Le développement des biocarburants pose encore et toujours de nombreux enjeux cruciaux : compétition avec les terres dédiées à l’alimentation, déforestation, impacts réels en matière de diminution des émissions de gaz à effet de serre, traçabilité, préservation des sols, etc. 

La réglementation qui en découle est si complexe qu’elle nous incite à penser que ce secteur n’est pas encore assez mur pour fonctionner comme un marché et nécessite toujours de nombreux garde-fous. Tel quel, cela freinera la motivation des industriels à se lancer dans cette filière.

A contrario, la mobilité électrique trouve dans cette directive une voie royale, de par sa facilité de mise en œuvre et par un incitant très simple : l’électricité renouvelable déployée dans le secteur routier sera considérée comme équivalant à 4 fois son contenu énergétique. Autrement dit, les Etats membres qui développeront une mobilité électrique alimentée par des sources renouvelables – voitures et bus – avanceront 4 fois plus vite dans l’atteinte de leurs objectifs d’énergies renouvelables.

Par ce simple incitant statistique, l’Europe encourage fortement le développement de la mobilité électrique – et décourage, sans le dire, le développement des biocarburants. A noter que l’électricité verte déployée dans le secteur ferroviaire bénéficiera quant à lui d’un coefficient équivalent à 1,5 fois son contenu énergétique.

Enfin, il nous paraît dommage que l’hydrogène soit quasi absent de cette directive, malgré son grand potentiel (lire nos articles Premier projet industriel en Belgique pour convertir l’électricité verte en hydrogène, L’hydrogène de sources renouvelables, état des lieux et La Wallonie adopte sa vision stratégique pour l’hydrogène).

Seul un petit article (article 20) suggère que les infrastructures de réseau de gaz pourraient être étendues afin de faciliter l’intégration du gaz d’origine renouvelable (power to gas, biogaz). Peut-être faut-il attribuer ce faible espace à la maturité, pas assez avancée, des technologies de conversion et de stockage de nos (futurs) surplus renouvelables sous forme de gaz de synthèse (power to gas).

Le droit à l’autoconsommation, individuelle ou collective

C’est l’une des avancées majeures de cette directive : chaque citoyen européen se voit désormais garantir un droit à l’autoconsommation, individuelle ou collective, d’énergies renouvelables (article 21).

L’Europe encourage donc cette nouvelle dynamique qui permet à un producteur – par exemple photovoltaïque – de vendre son surplus d’électricité à un ou plusieurs consommateurs locaux, à un tarif plus avantageux que le réseau (lire notre article La Wallonie avance sur l’autoconsommation collective).

Grâce à cette directive, les ménages et organismes qui autoconsomment leur production sont ainsi autorisés, à titre individuel ou via un agrégateur, à produire, stocker et vendre leur production excédentaire d’électricité renouvelable, sans être soumis – pour l’électricité injectée ou prélevée sur le réseau – à « des procédures et à des frais discriminatoires ou disproportionnés et à des frais d’accès au réseau qui ne reflètent pas les coûts ». Pourquoi ? Parce que les prosumers et autoconsommateurs contribuent positivement aux objectifs climatiques nationaux et à la gestion du réseau électrique.

En ce qui concerne l’électricité autoconsommée physiquement (produite et consommée par la même personne au même moment) ou stockée localement, aucune redevance ne pourra être appliquée.

Dans le cas d’une autoconsommation collective, le producteur qui vend son surplus à un ou plusieurs voisins a le droit de percevoir une rémunération qui reflète la valeur de marché de cette électricité et qui peut tenir compte de la valeur à long terme de cette électricité pour le réseau, l’environnement et la société. 

En outre, les Etats membres sont tenus de mettre en place un cadre favorable qui doit notamment prévoir un accès à l’autoconsommation d’énergies renouvelables pour tous les ménages, y compris à faibles revenus et vulnérables; ainsi qu’aux locataires.

Selon la directive, c’est « l’occasion de faire progresser l’efficacité énergétique au niveau des ménages et de contribuer à lutter contre la précarité énergétique en réduisant la consommation et en faisant baisser les tarifs de fourniture. »

Pour mieux appréhender les autres implications – notamment techniques –, nous vous invitons à lire ci-dessous la directive complète (parfois ardue, il faut bien le dire).