L’Europe comme moteur de la transition écologique ?

La scène médiatique parle peu du rôle de l’Europe dans la transition écologique. Et pourtant, « seule l’Europe peut nous sauver ! ».

Les manifestations pour le climat se multiplient dans le monde ces derniers mois. Elles réclament des changements systémiques profonds pour une transition écologique et solidaire. En Belgique, à travers notamment le débat sur la loi climat, l’attention médiatique se penche principalement sur la politique de l’Etat fédéral et une meilleure coordination avec les Régions.

Au niveau local, la dynamique se montre plus forte et dynamique : près de 80% des communes wallonnes ont adhéré à la Convention des Maires pour l’Energie et le Climat et développent actuellement des Plans climats ambitieux.

Cela reflète la prise de conscience de la plupart des décideurs politiques de l’importance de l’échelon local dans la transition. 

Et l’Europe dans tout ça ?

L’Europe, elle, s’avère quasi absente du débat public sur la transition écologique. L’heure est plutôt à tenter de sauver les meubles dans le contexte du Brexit et de la montée de l’euroscepticisme.

Il semble pourtant que les citoyen-ne-s européens ne le voient pas de cet œil. Entre le 4 février et le 15 mars derniers, l’organisation Make.org a mené la plus grande consultation civique jamais organisée en Europe, appelée WeEuropeans.

Les citoyennes et citoyens européens ont pu proposer leurs solutions pour réinventer concrètement l’Europe et voter sur les propositions des autres citoyens. Les propositions plébiscitées dans chaque pays ont été traduites et soumises au vote de l’ensemble des Européens.

Parmi les 10 propositions les plus approuvées par les citoyen-ne-s, 4 touchent directement la question environnementale et climatique, tandis que les autres se concentrent sur la justice sociale et la bonne gouvernance.

« Les attentes communes des Européens sont loin des clivages exacerbés par les politiques », ont souligné les initiateurs de la consultation.

Et l’Europe se trouve bel et bien au centre du débat, comme l’explique Bruno Latour – sociologue, anthropologue et philosophe des sciences -, dans son essai « Où atterrir ? Comment s’orienter en politique… ».

En effet, face d’une part à la fuite en avant d’une mondialisation qui a oublié tout idéal de bien commun, et d’autre part aux dangereux mouvements de replis nationalistes qui lui répondent, il plaide pour une Europe qui devienne « la patrie commune de ceux qui refusent » ces deux tendances. Il voit en elle la seule entité capable de montrer au monde comment renouer politiquement le contact avec l’écosystème.

Il s’agit dès lors de dépasser les clivages politiques historiques et de se donner comme objectif commun de faire de l’Europe le leader mondial de la soutenabilité.

Un objectif commun ?

Mais comment définir précisément cet objectif commun et le système d’indicateurs qui permettra de mesurer objectivement la capacité des politiques proposées à l’atteindre.

Dans leur livre « Ecologie intégrale – Pour une société permacirculaire », le philosophe Dominique Bourg et l’économiste Christian Arnsperger tentent de poser les bases de ce travail. Ils proposent de définir l’objectif commun comme étant le respect de deux principes de base, la sobriété et la circularité, qu’ils prennent le temps de définir précisément. Ils identifient ensuite les enjeux à prendre en compte au moment de définir ces indicateurs.

De quoi alimenter un débat politique qui devra dépasser les conflits idéologiques. Or, des initiatives de consultation citoyenne comme celle menée par WeEuropeans montrent que les citoyens sont capables de surmonter les clivages pour avancer très rapidement sur des questions aussi essentielles.

Quelle(s) politique(s) climatique(s) européenne(s) en débat aujourd’hui ?

Penser un travail de fond sur la finalité de la société européenne semble donc primordial. Mais concrètement, aujourd’hui, que peut proposer un candidat aux élections européennes de mai 2019 ? Et comment les électeurs peuvent-ils juger la pertinence de ces propositions ?

En Belgique, dans son mémorandum pour les élections européennes 2019, la Coalition Climat, qui réunit plus de 70 organisations environnementales, syndicales, de coopération au développement et de jeunesse, plaide pour une politique climatique européenne ambitieuse.

Elle fournit ces recommandations aux candidats politiques :

  • Revoir les objectifs climatiques européens en ligne avec l’Accord de Paris : minimum -55% d’émissions de GES en 2030 et tendre vers la décarbonation bien avant 2050.

  • Défendre une vision menant à des réductions effectives d’émissions de gaz à effet de serre d’au moins 95% par rapport à 1990, ainsi qu’une neutralité carbone, bien avant 2050. Ceci signifie que, parmi les scénarios mis actuellement sur la table par la Commission européenne, le plus ambitieux constitue un minimum.

  • Mettre en place une fiscalité européenne sur les produits importés en tenant compte du prix carbone et des normes sociales et environnementales minimales. Les recettes fiscales doivent, entre autres, financer des programmes de mise en œuvre des normes sociales et environnementales dans les pays en développement (notamment via le Fonds Vert pour le Climat), ainsi que des mesures de transition socialement justes au niveau national.

  •  Mettre en place de manière coordonnée une fiscalité décourageant les déplacements en avion (taxe sur le kérosène et/ou taxe sur les billets d’avion).

  • Mettre en place des normes favorisant la durabilité, modularité, récupérabilité et recyclabilité de tous les produits mis sur le marché, et augmenter les durées de garanties légales obligatoires pour favoriser l’économie circulaire.

Citons également un projet concret qui mobilise actuellement de nombreuses organisations européennes : le Pacte Finance-Climat, qui vise à mettre la finance au service de la transition énergétique (lire notre article Comment financer la transition énergétique).

2019, année décisive !

Si comme le dit Bruno Latour « seule l’Europe peut nous sauver », et si une politique de transition écologique socialement juste constitue l’unique moyen de renforcer l’unité de l’Europe et de la réconcilier avec ses citoyen-ne-s, les élections 2019 s’annoncent cruciales !