Trop de déchets, trop de CO2. Nos ressources laissent entrevoir leurs limites. Tandis que nos économies se délocalisent. Les pouvoirs locaux s’intéressent de plus en plus à un ‘nouveau’ modèle économique plus ‘durable’ qui pourrait rendre l’initiative aux territoires : l’économie circulaire. Une nouvelle approche fondée sur quelques recettes déjà éprouvées.
Le raisonnement est simple comme bonjour. Jusqu’ici nous fonctionnons selon un principe d’économie que l’on qualifiera de « linéaire ». Je prélève des ressources ‘vierges’ – minerai, pétrole, biomasse,… – là où elles sont disponibles, je transforme ces matériaux en produits de consommation grâce à des ressources énergétiques, je les vends aux consommateurs intéressés et ceux-ci, lorsqu’ils n’en ont plus l’usage (assez rapidement si l’obsolescence programmée est de la partie), s’en débarrassent au frais de la collectivité. Nos poubelles sont donc pleines de ressources ‘usagées’ qui, pour une grande part, disparaissent dans des décharges et des incinérateurs. Un gaspillage d’autant plus intolérable qu’on se rend peu à peu compte que les ressources ‘vierges’ (matières premières, eau, énergie,…) sont loin d’être inépuisables. On sait (plus ou moins) ce qu’il en est pour les ressources soit disant abondante comme l’eau ou le pétrole (lire notre interview de Patrick Brocorens (ASPO) : « Les pétroles de schistes reportent le pic pétrolier d’à peine quelques années »). Mais on se rend également compte que certaines ressources particulièrement précieuses pour les nouvelles technologies – ce qu’on a baptisé ‘les terres rares’ – pourraient bien rapidement aussi faire défaut.
Du recyclage à l’éco-conception
L’idée est donc de mettre en oeuvre, en s’inspirant des écosystèmes, un modèle de développement qui serait parcimonieux en prélèvements naturels, pauvre en résidus, mais à la performance équivalente, voire améliorée. Faire mieux avec moins, en somme. Voilà le raisonnement de l’économie circulaire. Et si la ‘formule’ intéresse tant, c’est qu’elle repose en grande partie sur un certain nombre d’expériences déjà probantes, qui se sont multipliées en Europe depuis une trentaine d’années pour maîtriser les flux de déchets : réemploi, réparation, réutilisation, recyclage. Un mouvement qui a ensuite gagné les esprits en amont de la production: éco-conception , économie de la fonctionnalité, économie verte,… En combinant intelligemment tout cela à l’échelle d’un territoire, il devient possible de développer des métabolismes locaux – à l’échelle d’un quartier, d’une ville, d’un zoning industriel,…- qui leur assurent un développement durable tout en générant de nouvelles activités porteuses de valeur ajoutée et/ou d’emplois (créés ou relocalisés). C’est clairement dans cet esprit d’économie circulaire que les énergies renouvelables remplaceront progressivement la linéarité des énergies fossiles, pour autant que l’on veille à garder la maîtrise sur les bénéfices des activités locales qu’elles génèrent.
Le métabolisme urbain idéal, présenté lors du séminaire « Be circular, be Brussels » en décembre dernier.
Engouement des décideurs publics
D’où l’engouement des décideurs politiques. L’économie circulaire est désormais inscrite dans de nombreux projets de gouvernements. En Wallonie, l’objectif est formulé noir sur blanc dans la déclaration de politique régionale ; et des structures ad-hoc ont été constituées : le programme NEXT est ainsi devenu, à côté des pôles de compétences, le nouvel axe transversal de la politique industrielle wallonne.
Côté bruxellois également, le tout nouveau siège de Bruxelles Environnement à Tour&Taxis accueillait le 1er décembre dernier un séminaire « Be circular, be Brussels » formulant les bases d’une stratégie bruxelloise axée sur l’économie circulaire (lire notre interview). Tandis que, tout près de nous, la Ville de Paris lançait récemment les Etats généraux de l’économie circulaire.
Rien d’improvisé ni d’anodin dans tout cela. Depuis quelques mois voire quelques années déjà, les milieux économiques bruissent de discussions sur le sujet. Car une fois le concept mis sur papier, sa mise en œuvre concrète est loin d’être évidente. Si les discours sont désormais rodés – et ils fleurissent dans tous les workshops et clubs d’affaires consacrés à l’économie relocalisée – il s’agit plutôt, dans la pratique, de réfléchir en marchant. Les « business models » appropriés pour chaque territoire tiennent en effet plus de la haute couture que du prêt à porter.
Un outil de cohérence politique locale
C’est ce qui a conduit l’ADEME (Agence française de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Energie) à concevoir avec l’Association des Régions de France, un guide méthodologique destiné à accompagner les décideurs locaux désireux de mettre en place leur propre stratégie régionale d’économie circulaire. Ce guide était au centre du colloque « Economie circulaire : le passage à l’acte » organisé par l’Institut Destrée le 19 janvier dernier à Namur.
La maille régionale semble en effet particulièrement pertinente pour accompagner les nombreux projets concrets qui émergent déjà dans cette nouvelle dynamique partenariale et collaborative. Car il s’agit bien de s’inscrire dans l’existant en matière de développement durable : agenda 21, collectes sélectives, éco-quartiers , écologie industrielle, jardins partagés, « repairs cafés », etc. Pas question de ré-inventer la roue. Et l’économie circulaire se révèle, à l’usage, un outil co-construit bien utile pour renforcer la cohérence des politiques locales et améliorer leur lisibilité. A l’heure où tous les sondages évoquent une perte de crédibilité des acteurs politiques et institutionnels, ce n’est pas du luxe.
Les trois domaines d’action présentés dans le guide méthodologique de l’ADEME
Coordination de la stratégie régionale d’économie circulaire avec les autres démarches de la Région: Schéma de principe – Source: AUXILIA, repris dans le guide méthodologique de l’ADEME