Les « sans panneaux » ne devront plus rembourser leur crédit

2.000 ménages wallons, victimes de sociétés malhonnêtes, devaient rembourser un crédit pour des panneaux photovoltaïques qui n’ont jamais été installés. Grâce à l’action juridique de Me François Etienne référencé par l’ASBL TPCV, ils sont désormais libérés de ce crédit. La filière photovoltaïque est soulagée par cette solution.

Le dossier des « sans panneaux » pèse depuis plusieurs années sur la filière photovoltaïque. Une solution a enfin été trouvée !

Comment 2.000 ménages ont été grugés

Lors du grand boom du photovoltaïque en Wallonie (2009-2012), certaines sociétés malhonnêtes ont développé un concept économique très risqué pour leurs clients.

Ces sociétés – principalement Home Vision, Elect-Râ, Solar and Co – proposaient aux ménages d’acheter des panneaux photovoltaïques, de contracter un crédit en leur nom propre auprès d’une banque (principalement Axa Banque et Record bank) et de verser ensuite le montant du crédit à la société. Celle-ci s’engeait ensuite à rembourser chaque mois au ménage le montant équivalent à la mensualité du crédit. En théorie, l’installation solaire ne devait donc rien coûter au ménage.

Ces sociétés avaient trouvé un filon : elles réalisaient d’importants bénéfices sur les panneaux – vendus jusqu’au triple du prix normal ! – et percevaient les certificats verts.

Ce modèle, où seul le ménage prend un risque, s’est emballé. Les sociétés véreuses ont multiplié les contrats d’achat et de crédit mais, peu prudentes, mangeaient leur bénéfice. Avec la diminution du soutien accordé au photovoltaïque, leurs chiffres d’affaires ont chuté. Par manque de liquidité, elles n’ont dès lors plus pu rembourser les mensualités promises aux clients et se sont retrouvées en faillite à partir de 2012.

On retrouve ici le principe de la pyramide de Ponzi où les personnes au sommet (les dirigeants de ces entreprises) engrangeaient de plantureux bénéfices grâce aux nombreux clients à la base de la pyramide. Jusqu’à l’effondrement prévisible du système.

2.000 ménages wallons (dont 400 clients de Home Vision) se sont ainsi retrouvés sans panneaux installés mais avec un crédit à rembourser en leur nom propre.

Parmi ceux-ci, une centaine de personnes au chômage ou à faibles revenus qui ont dû revendre leur maison pour rembourser ce crédit contracté par escroquerie.

Ne pas confondre avec tiers-investissement

A l’époque, cette affaire avait terni l’ensemble de la filière photovoltaïque. 

Soulignons que ce concept très risqué est différent du principe de tiers-investissement. Le tiers-investissement est un modèle reconnu et fiable où c’est la société qui investit dans l’installation photovoltaïque (sur fonds propres ou via un crédit bancaire) et se rémunère par les certificats verts. 

C’est donc le tiers-investisseur qui prend un (faible) risque et non le ménage. Ce dernier ne doit effectivement rien débourser et bénéficie d’emblée d’une électricité solaire gratuite. 

Un scandale oublié

Il faut bien le constater : depuis 2012, aucun gouvernement wallon n’a pris en main ce dossier litigieux. Les banques concernées se sont retranchées dans leur argument : elles n’étaient pas au courant de l’objet du crédit.

Plusieurs ménages grugés se sont dès lors tournés vers l’association TPCV, qui défend les intérêts des prosumers. Celle-ci a référencé le cabinet d’avocats Boplaw.

Enfin une solution juridique

Me François Etienne (photo ci-dessus) a trouvé une base légale pour contester l’argument des banques incriminées. Il s’est notamment appuyé sur l’article 19 du crédit à la consommation, qui prévoit que lorsque le crédit mentionne le bien ou la prestation de service financé, « les obligations du consommateur ne prennent effet qu’à compter de la livraison du bien ou de la prestation de service ».

« Les banques ont commis une faute », explique François Etienne, avocat chez Boplaw. « Elles ne pouvaient pas délivrer de fonds tant qu’elles ne disposaient pas d’une attestation de livraison du bien. Or, elles ont versé les fonds à la signature du bon de commande. » Le crédit ne pouvait donc être ouvert tant que les panneaux n’étaient pas installés.

« Notons qu’il y avait une véritable accointance, notamment entre Record Banque et Home Vision, qui avait le statut d’intermédiaire de crédit. Les banques n’auraient pas pu obtenir les informations nécessaires et l’accord des emprunteurs sans les services des entreprises concernées. Les banques étaient donc au courant de l’objet du crédit », précise François Etienne.

Selon Me François Etienne, ces deux banques ont commis une faute.

La jurisprudence rend ces contrats caducs

Ces arguments ont peu à peu gagné l’avis favorable des juges de paix : à Grâce-Hollogne en juin 2015, à Mons en mars 2017, puis à Namur et Tournai en 2018. 

« Aujourd’hui », poursuit François Etienne, « la jurisprudence majoritaire rend caducs ces contrats de crédit. Les demandeurs sont donc libérés de toute obligation de remboursement sur le solde du crédit. »

Dans la plupart des cas, les mensualités déjà payées sont par contre perdues.

Une chambre du tribunal de première instance à Mons va cependant plus loin : elle a non seulement annulé le crédit mais également condamné la banque à rembourser les mensualités déjà payées.

Les ménages concernés se voient donc enfin soulagés par cette solution juridique qui rétablit une certaine justice.