Le Conseil d’Etat a rendu un Arrêt qui annule les conditions sectorielles éoliennes en Wallonie tout en maintenant ses effets durant 3 ans. Quelles sont les conséquences de cette décision pour le secteur ?
Conditions sectorielles : rétroactes
En 2014, le Gouvernement wallon adoptait un Arrêté portant sur « les conditions sectorielles relatives aux parcs d’éoliennes d’une puissance totale supérieure ou égale à 0,5 MW ».
Cet Arrêté permettait de clarifier la réglementation relative notamment aux normes de bruit à respecter pour les parcs éoliens. Pour le secteur éolien, il était crucial de sécuriser cette partie du cadre juridique afin de réduire les nombreux recours au Conseil d’Etat motivés par les normes de bruit.
Cet Arrêté fixe les normes acoustiques éoliennes et permet des niveaux sonores à l’immission (au niveau des habitations) de 43 dBA la nuit (en dehors de la période estivale). En l’absence de cet arrêté, ces limites acoustiques seraient de 40 dBA suivant les conditions générales. Ces dernières ont cependant été jugées inadaptées aux caractéristiques éoliennes.
L’association anti-éolien Vent de Raison a introduit un recours contre les conditions sectorielles auprès du Conseil d’Etat. Ce recours portait aussi bien sur le fond du texte (normes estimées inadéquates par les anti-éoliens) que sur la forme (erreur de procédure). Le Conseil d’Etat n’a pas accueilli favorablement les critiques de « Vent de Raison » sur le contenu de l’arrêté mais a décidé de soumettre à la Cour de Justice de l’Union européenne (CJUE) une question préjudicielle afin de trancher si une procédure de type « plans et programmes » aurait dû s’appliquer aux conditions sectorielles. Et la Cour de Justice de l’Union européenne a donné raison au mouvement anti-éolien en octobre 2016.
En pratique, cela signifie que les conditions sectorielles auraient dû faire l’objet :
- d’une étude d’incidences environnementales à l’échelle de toute la Wallonie;
- d’une enquête publique, au vu de leurs implications à l’échelle d’un territoire de façon large.
Annulation… avec maintien des effets
Après une période d’analyse et de plaidoyers, le Conseil d’Etat a donc rendu en novembre 2017 un Arrêt qui annule ces conditions sectorielles, confirmant ainsi l’interprétation de la CJUE. L’Arrêt maintient néanmoins les effets des conditions sectorielles actuelles pendant 3 ans. Endéans ce terme, cela ne changera donc pas les conditions d’exploitation des parcs éoliens : il n’y aura pas de bridage à 40 dBA hors de la période estivale.
Les conditions sectorielles (dont les normes de bruit) ne sont donc pas remises en question sur le fond. C’est uniquement la procédure qui est en question.
Incertitudes sur l’avenir de l’éolien
Le Gouvernement wallon doit donc soumettre un nouveau texte à une procédure de type « plan et programme », avant l’échéance des 3 ans. Les nouvelles conditions sectorielles pourront d’ailleurs être basées sur les mêmes normes acoustiques.
La course est lancée. Durant 3 ans, les permis éoliens déjà émis devront simplement respecter les conditions sectorielles actuelles. Au terme de cette période, soit un nouveau texte sera d’application, soit il sera toujours en discussion. Dans ce dernier cas, il faut craindre une forte insécurité juridique des permis déjà délivrés car ils se baseraient sur une réglementation caduque. De plus, un bridage des parcs éoliens à 40 dBA devrait être envisagé, ce qui signifierait des pertes de production en moyenne sur l’ensemble du parc éolien wallon de l’ordre de 5%.
Le temps court donc pour lancer une étude d’incidence « plan et programme » et une enquête publique ensuite. Or ce sujet est délicat au vu des échéances électorales à venir…
Dormir près d’une éolienne
Notons enfin que les normes acoustiques pour les éoliennes en Wallonie permettent de respecter le sommeil des riverains : 40 ou 43 dBA, c’est l’équivalent du bruit à l’intérieur d’une maison calme ou à l’intérieur d’une bibliothèque.