Suspectant un effet d’aubaine pour les promoteurs éolien, le secrétaire d’Etat Philippe De Backer veut annuler les concessions des 3 derniers parcs éoliens offshore. Il suffirait pourtant d’adapter le niveau de soutien. Négociations en vue.
Philippe De Backer, secrétaire d’Etat à la mer du Nord, a créé un véritable coup de tonnerre dans une mer calme le 21 avril dernier. Sur les 9 concessions attribuées en mer du Nord, il annonçait son intention d’annuler les 3 dernières (Northwester II, Seastar et Mermaid). Selon lui, le niveau de soutien qui sera apporté à ces 3 projets éoliens sera trop coûteux pour les consommateurs d’électricité. Il souhaite dès lors lancer un nouvel appel d’offres pour faire pression sur les coûts.
L’intention est légitime : pourquoi faire payer aux consommateurs des coûts élevés alors que les prix de l’éolien offshore sont en chute libre ? L’exemple de la filière photovoltaïque a échaudé le monde politique : Face à un marché évolutif où les coûts d’investissement ont fortement baissé, l’absence de réajustement du régime de soutien a créé un effet d’aubaine insupportable. Il ne faudrait pas aujourd’hui recréer ce contexte pour l’éolien offshore. Mais l’annulation des 3 concessions est-elle pour autant pertinente ?
Les développeurs éoliens se disent choqués : le gouvernement renie ses engagements alors que des investissements importants ont déjà été consentis (plusieurs dizaines de milllions €) et que les négociations sur le niveau de soutien n’ont pas encore commencé. Si cette annulation était confirmée, ils réclameront les dédommagements encourus.
« Le retrait des concessions bafoue la sécurité juridique », estime la Belgian Offshore Plateform (BOP) dans un communiqué. « Or, un cadre juridique sûr est une donnée essentielle pour les grands projets énergétiques. » De plus, « ces trois parcs encore en développement seront indispensables pour atteindre les objectifs européens 2020 concernant l’énergie renouvelable et la réduction des émissions de CO2. » Une urgence relayée par 3 associations environnementales – Greenpeace, WWF, BBL – dans un communiqué.
La BOP estime qu’il est inutile d’annuler les 3 concessions pour réduire le coût de l’éolien en mer. En effet, le secteur fait actuellement preuve de maturité technologique, ce qui rend les coûts des projets de plus en plus bas – notamment aux Pays-Bas et au Danemark. Le secteur peut désormais compter sur une fabrication industrielle à grande échelle – et donc à moindre coût – et sur des bateaux spécialement conçus pour creuser des fondations pour éoliennes en mer. On gagne en temps, en efficacité et en budget.
C’est ainsi que les derniers projets offshore chez nos voisins néerlandais ont été attribués à 54,6 € et 72,7 €/MWh, contre 107 €/MWh pour les 3 concessions belges. Il y aurait donc de la marge de négociation.
Annuler ou retarder ?
La ministre fédérale de l’Energie Marie-Christine Marghem avance une autre idée pour réduire les coûts : retarder la construction des 3 parcs afin de les équiper de turbines offshore d’une puissance de 13-15 MW, qui devraient arriver sur le marché d’ici 6 à 8 ans (aujourd’hui, les plus puissantes atteignent 8,4 MW). Les parcs produiront donc beaucoup plus d’électricité pour un moindre coût.
En postposant la construction des 3 parcs, on pourrait ainsi atteindre une puissance installée totale en mer d’au moins 3000 MW au lieu des 2000 MW planifiés. Un détail qui n’est pas sans importance à l’aube de la sortie du nucléaire, puisque cette montée en puissance coïnciderait avec le phasing-out des centrales nucléaires belges prévu entre 2023 et 2025.
Cette idée n’enchante pas non plus les développeurs concernés, qui réclameront également d’importants dédommagements si elle était mise en œuvre.
Du reste, en politique belge, retarder des projets d’énergies renouvelables est souvent synonyme d’un coup de frein à la transition énergétique.
Premier parc sans subsides
Il est vrai que le monde politique constate la chute des coûts partout en Europe. L’exemple le plus frappant vient d’Allemagne : suite à un récent appel d’offres, 3 parcs éoliens maritimes seront construits sans aucune aide à la production et seront rentabilisés par la seule vente d’électricité – une première en Europe !
Notons cependant que cette offre concerne la mer baltique, où l’infrastructure « câble» en mer est prise en charge par le gestionnaire de réseau électrique et où le taux de charge – et donc la production électrique – sont plus élevés. Le développeur table aussi sur des futures turbines de 13-15 MW de puissance.
La BOP nuance donc : Il ne faut pas comparer l’exemple allemand avec les 3 projets belges, qui ont été attribués en 2012 sur base des technologies existantes. « Chaque projet diffère et se voit déterminé par la situation géographique, la connexion au réseau, la technologie choisie, le cadre législatif, etc. » En Allemagne, les mêmes soumissionnaires ont ainsi besoin d’aide pour développer des projets sur d’autres sites. En outre, aux Pays-Bas comme en Allemagne, les Etats prennent en charge le coût (élevé) du câblage, ce qui n’est pas le cas en Belgique.
Elia a investi dans une « prise en mer » (OSY MOG) qui permettra notamment une interconnexion avec les pays voisins. Lire notre article L’éolien offshore belge fournira 16.000 emplois.
Négociations en vue
Si les négociations réussissent, on éviterait l’annulation ou la postposition des 3 parcs, ce qui serait aussi préférable pour le gouvernement fédéral. Lors de son récent passage à Bruxelles, Maros Sefcovic, en charge de l’Union énergétique européenne, n’a-t-il pas récemment rappelé aux autorités belges toute l’importance des projets offshore en cours pour atteindre les objectifs renouvelables belges d’ici 2020 ?
Un développement positif
Pour les projets futurs, la plateforme BOP table sur des coûts réduits. Elle propose ainsi, dans le cadre de la révision du Plan d’Aménagement des Espaces Marins, d’attribuer de nouvelles concessions pour y implanter 2000 MW d’énergie éolienne supplémentaire, à un prix « significativement plus bas ».
D’autant plus que l’expérience photovoltaïque montre toute la pertinence d’un développement des énergies renouvelables à grande échelle : quand on double les puissances installées, on réduit le coût de production de l’électricité d’un quart (source disponible ici).
Par ailleurs, une étude Climact démontre les impacts positifs de l’éolien offshore sur l’économie belge et les finances publiques (lire notre article L’éolien offshore belge fournira 16.000 emplois). Voilà qui pourrait souffler en faveur de l’éolien maritime.
Notons enfin que la ministre fédérale de l’Energie Marie-Christine Marghem a lancé l’idée de faire appel à l’épargne citoyenne pour financer une partie des projets offshore, à l’instar des coopératives citoyennes qui connaissent un réel succès dans l’éolien terrestre (lire L’Echo du 22 avril 2017).