Selon un monitoring du CNRS et un retour d’expérience de l’Agence International de l’Energie, les systèmes solaires hybrides (thermiques et photovoltaïques) offrent un meilleur rendement solaire par m2. Mais ils restent réservés à des marchés de niche.
Le Centre National français de la Recherche Scientifique (CNRS) a publié une thèse sur le télé suivi de 28 installations de chauffe-eaux solaires hybrides c-à-d qui combine les technologies thermique et photovoltaïque.
Petit rappel : Un système solaire hybride est constitué d’un panneau photovoltaïque et d’une sous-face de récupération de chaleur. La chaleur produite et récupérée par les panneaux hybrides va chauffer l’eau stockée dans un ballon d’eau chaude sanitaire ; tandis que la production électrique va pouvoir être utilisée par les appareils électriques de la maison (autoconsommation) ou injectée sur le réseau.
Le monitoring du CNRS, réalisé sur 4 ans en France et en Suisse (et une installation au Portugal) sur des panneaux DualSun (photo ci-dessus), démontre tout l’intérêt des systèmes hybrides :
- Autonomie totale possible pour des puisages à 45°C de l’eau chaude sanitaire sur 4 mois de l’année (mi-mai à mi-septembre) ;
- Jusqu’à 2 fois plus d’énergie par m² quand on compare à des panneaux photovoltaïques classiques sur la même surface ;
- Faible déviation par rapport aux prédictions (~ 10%) fournies par le logiciel TRNSYS ;
- Pas de risque de surchauffe dans les panneaux solaires hybrides (<75°C).
La thèse est consultable ici.
Analyse détaillée par XPAIR.
Des performances confirmées au niveau international
L’Agence Internationale de l’Energie (IEA), à travers son programme Solar Heating and Cooling programme (IEA SHC), a également donné récemment un retour d’expérience sur les systèmes solaires hybrides.
Les conclusions sont similaires aux résultats du CNRS : Les solutions hybrides maximisent le rendement solaire par m².
Le graphique ci-dessous compare deux situations, en Europe centrale : sur la maison de gauche, 29 m² de capteurs thermiques et 13 m² de modules photovoltaïques sont placés côte à côte ; tandis que sur la maison de droite, 42 m² de capteurs hybrides (PVT) sont installés.
« La production de chaleur solaire sera à peu près la même pour les deux toits, c’est-à-dire 22 MWh. Même si le système hybride présenté à droite ne produit que 524 kWh/m², il a une plus grande surface d’absorption », a expliqué Jean-Christophe Hadorn, responsable de la Task 60 du programme IEA SHC. « Cependant, la quantité d’électricité produite par l’installation hybride de 42 m² sera beaucoup plus élevée que celle des modules PV de 13 m² à gauche, car le système hybride ne présente aucune réduction notable de rendement. Si vous additionnez les kilowattheures électriques et thermiques dans les deux scénarios, vous pouvez voir que le toit hybride génère 13 % d’énergie en plus ».
Le programme IEA SHC a également comparé les coûts pour les deux types de situation.
Il en résulte qu’un système hybride coûte 50€/m2 moins cher grâce aux réductions de coûts en matériaux et installation, auxquels s’ajoutent un gain de 100€/m2 par an durant 25 ans grâce à la plus grande production d’électricité du système hybride (+13%).
Analyse détaillée sur Solar thermal World.
« Les panneaux solaires hybrides restent réservés à des marchés de niche”
Pour mieux mesurer ces retours d’expérience, Renouvelle a interviewé Benjamin Wilkin (photo ci-dessous), expert photovoltaïque à l’APERe et au sein du programme international IEA-PVPS.
Renouvelle : Les chiffres communiqués sur les panneaux solaires hybrides sont très prometteurs, de quoi concurrencer les installations uniquement photovoltaïques ?
Benjamin Wilkin : Oui, la communication est flatteuse. Néanmoins, il faut toujours apporter une nuance dans les communications sur les productions de chaleur. La production à la sortie des capteurs est toujours très impressionnante. A ce niveau, tant le thermique seul que l’hybride ont toujours été – et sont encore – plus performants que le photovoltaïque. Il faut cependant avoir à l’esprit qu’il se produit des pertes importantes au transfert et au stockage (souvent de grande taille) qui accompagnent un système thermique, même hybride.
Renouvelle : Les chiffres sont-ils dès lors surfaits ?
B.W. : Non, mais en matière de remplacement d’énergie finale, la partie thermique est flattée. Donc à l’arrivée, les rendements sont souvent beaucoup moindres qu’espérés, en solaire thermique ou ici en hybride. Les études sur le sujet sont très abondantes.
Si l’on produit, par exemple, cette chaleur avec une pompe à chaleur (PAC) connectée à du solaire photovoltaïque, on valorisera mieux le soleil, à la surface, qu’avec un capteur hybride.
Renouvelle : Mais ces capteurs ne peuvent-ils pas se brancher sur une PAC, tant pour l’électricité que pour la chaleur ?
B.W. : Tout à fait, on arrive cependant là à une forme de surenchère technique, avec la combinaison de photovoltaïque, pompes à chaleur et système hydraulique… et autant de sources de problèmes techniques (et donc de coûts) durant la vie du système. La simplicité est quand même une vertu durable. Les systèmes hydrauliques liés au transfert de chaleur entre l’extérieur et l’intérieur d’un bâtiment ont également montré leurs défaillances dans le temps.
Renouvelle : Donc ce ne serait ni le glas du solaire photovoltaïque ni la renaissance du solaire thermique ?
B.W. : C’est exactement cela. Cette technologie n’est pas concurrente du photovoltaïque car elle est plus chère, plus complexe à installer et à entretenir et moins flexible (si vous n’avez pas besoin d’eau chaude, l’énergie est non valorisable et non produite). J’ajouterais que les évolutions de la recherche en photovoltaïque laissent présager des rendements deux fois plus élevés que les rendements actuels à un horizon d’environ 10 ans. Le solaire photovoltaïque reste incontesté comme solution généralisable presque partout.
Renouvelle : Et le solaire thermique alors, reboosté ?
B.W. : Je ne pense pas, il sera au contraire peut-être définitivement remplacé. C’est là l’intérêt des capteurs hybrides : c’est d’être plus performants et flexibles que le solaire thermique (car il y a également une production d’électricité) et donc, peut-être que ces capteurs contribuent à finaliser la fin du thermique en lui prenant plus judicieusement les situations de niches dans lesquelles il était encore une option.
Renouvelle : Et de quelles situations de niche parle-t-on ?
B.W. : La situation de niche par excellence concerne les besoins en énergie d’une piscine publique. L’eau ne doit pas dépasser une trentaine de degrés, il y a de gros volumes et des besoins électriques non négligeables (pompes, ventilation, …) tout en ayant souvent peu de places. Ces capteurs y trouvent une place de choix. Les hôpitaux sont des lieux intéressants également.
Renouvelle : Mais pas chez les particuliers alors ?
BW : Non, chez les particuliers, on parle maintenant de solution déployable sur 90% des toitures, c’est le photovoltaïque qui reste la solution la plus économique, la plus flexible, la plus fiable et mature.
J’ajouterais qu’un point pose question dans les stratégies d’évolution de ces capteurs, c’est l’idée d’augmenter les rendements et de diminuer les coûts en ayant recours à des polymères. C’est une stratégie observée il y a 10 ans dans le solaire thermique et non implémentée de manière générale à ce stade. D’un point de vue global, ce recours aux polymères questionne sur l’idée que des capteurs solaires soient dépendants d’une source fossile (le pétrole) pour leur fabrication, ce qui en ferait des contributeurs à l’augmentation des émissions de gaz à effets de serre. Alors que partout ailleurs, on tend à une recyclabilité maximale, une nocivité minimale ou neutre et des conditions de travail décentes sur les lieux d’extraction.