Les nouveaux Gouvernements régionaux boosteront-ils l’énergie durable ?

Les nouveaux Gouvernements wallons et bruxellois annoncent des ambitions climatiques pour la législature 2019-2024. Le secteur de l’énergie durable se montre prêt à soutenir des objectifs ambitieux.

Suite aux élections du 26 mai 2019, les partis politiques ont réussi à former un Gouvernement régional bruxellois, dès le 18 juillet, puis un Gouvernement régional wallon, le 13 septembre.

Des négociations politiques sont toujours en cours pour former un Gouvernement régional flamand et, plus laborieux, un Gouvernement fédéral.

 

Une stratégie bruxelloise à long terme

 

A Bruxelles, la coalition régionale réunit 6 partis – PS, Ecolo, Groen, Défi, Open VLD et One Brussels -, qui ont adopté cette Déclaration de politique générale. La gouvernance climatique y figure en bonne place, avec cette ambition :

« Le Gouvernement entend répondre de façon ambitieuse aux objectifs européens et aux engagements pris lors de l’Accord de Paris, en portant une politique climatique juste et proactive.

La Région se dotera, quant aux enjeux climatiques et de biodiversité, d’une stratégie à long terme basée sur des objectifs contraignants afin que Bruxelles s’engage comme une Région « bas carbone » et respectant l’objectif européen de neutralité carbone à l’horizon 2050. »

Parmi les actions prioritaires : accélérer le rythme de rénovation du bâti existant, fournir une électricité 100% verte à tous les bâtiments publics d’ici 2024, « verdir » le parc automobile bruxellois et construire d’une installation de biométhanisation des déchets organiques.

Le ministre bruxellois Alain Maron (Ecolo) sera chargé de la Transition climatique, de l’Environnement, de l’Energie et de la Démocratie participative.

 

Un Plan Climat wallon plus ambitieux ?

 

En Wallonie, la coalition PS-MR-Ecolo a également adopté sa Déclaration de politique générale. Le texte s’avère très détaillé sur les objectifs climatiques et mesures à prendre rapidement. Un extrait significatif :

« Pour atteindre l’objectif climatique de 55 % de réduction des gaz à effet de serre d’ici 2030, le Gouvernement finalisera et rehaussera d’ici fin 2019 les objectifs et les mesures du Plan Air Climat Energie 2030 (PACE), afin de permettre sa concrétisation immédiate. »

Le Plan Air Climat Energie 2030, cadre essentiel à la politique climatique wallonne, pourrait donc s’améliorer et se concrétiser rapidement (lire notre article La Wallonie fixe ses ambitions climatiques pour 2030).

EDORA, la fédération des énergies renouvelables, s’est réjoui des ambitions annoncées par le nouveau Gouvernement wallon. « Il est maintenant capital de garantir un cadre de développement stable et sécurisé pour les différentes filières renouvelables, assorti d’objectifs intermédiaires », précise Fawaz Al Bitar, Directeur Général d’EDORA, dans un communiqué.

Le ministre wallon Philippe Henri (Ecolo) sera en charge du Climat, de la Mobilité, des Infrastructures et de l’Energie.

 

Les acteurs de l’énergie durable sont prêts

 

Sur le terrain, les acteurs de l’énergie durable – entreprises, coopératives, prosumers, fédérations, clusters, … – se montrent prêts à relever des défis et objectifs ambitieux.

Vous trouverez ci-dessous les propositions et priorités définies par trois acteurs importants :

EDORA – la fédération des producteurs renouvelables -, TWEED – cluster des entreprises du secteur – et l’APERe – association d’expertise sur la transition énergétique -, qui ont chacun rédigé un mémorandum qui appelle les nouveaux gouvernements régionaux à agir.

En voici les lignes de force.

 

Les communautés d’énergies renouvelables

Les trois acteurs plaident tous pour une action prioritaire : la mise en œuvre d’un cadre propice aux communautés locales d’énergies renouvelables.

Ces communautés, désormais soutenues par une directive européenne, s’appuieront sur l’autoconsommation collective, qui permet à plusieurs consommateurs d’un même périmètre local (ménages, entreprises, écoles, …) de consommer l’électricité d’une ou plusieurs installations renouvelables locales (par exemple une grande installation photovoltaïque).

Notons que la Wallonie avance rapidement sur cette thématique et a adopté un décret qui ouvre de nombreuses perspectives (lire notre article La Wallonie instaure les communautés d’énergie renouvelable). Une multitude de projets pilotes se mettent déjà en place, avec le cluster TWEED notamment. Bruxelles et la Flandre devraient bientôt suivre cette tendance de fond.

L’APERe a d’ailleurs défini l’autoconsommation collective renouvelable comme principal objectif pour les futurs gouvernements régionaux et fédéral et propose 10 mesures pour mettre en place ce modèle contributif durable d’ici 2021.

Consulter le Mémorandum de l’APERe.

 

Vers un système énergétique durable

 

De son côté, la fédération EDORA, alimentée par ses entreprises membres, a regroupé ses propositions autour de 3 axes pour emmener la Belgique :

…vers un système énergétique durable, flexible et décentralisé

EDORA appelle les Régions et le fédéral à mener une politique cohérente et concertée, avec une répartition des rôles claire et contraignante.

Outre la mise en place de communautés locales d’énergies renouvelables, EDORA estime essentiel de :

  • Préparer des nouveaux modes de financement des réseaux et de tarification, afin de permettre une bonne intégration des sources renouvelables dans le réseau et développer la transition (stockage, gestion de la demande, …).
     
  • Encadrer le déploiement attendu des véhicules électriques et à hydrogène dans les prochaines années, afin qu’ils soient alimentés prioritairement par de l’électricité de sources renouvelables.

 

…vers une exploitation maximale du potentiel renouvelable

EDORA appelle de manière prioritaire à :

…vers un coût vérité pour toutes les sources d’énergie

Enfin, EDORA constate que la plupart des énergies renouvelables ne peuvent être compétitives, tant que les énergies conventionnelles – pétrole, gaz, charbon, nucléaire – bénéficient de subsides et ne paient pas leurs impacts environnementaux (pollution, déchets, …).

La fédération demande dès lors l’instauration d’une tarification carbone dans le cadre d’un tax shift environnemental.

Consulter le Mémorandum de EDORA.

 

Des idées concrètes pour réussir la transition énergétique

Le cluster TWEED, réseau wallon d’entreprises actives dans le domaine de l’énergie durable, travaille essentiellement sur le terrain concret du développement économique des énergies renouvelables en Wallonie (recherche & développement, innovations, réalisations, cartographies, soutien aux projets, …).

Le Cluster TWEED propose dans son mémorandum, clair et orienté « solutions », des idées concrètes permettant à la Wallonie de se positionner judicieusement pour une transition énergétique réussie.

Ces 15 propositions sont le fruit de réflexions spontanées de nos entreprises et universités wallonnes, motivées par la mise en place d’un cadre favorable et ferme, permettant le développement efficace de projets d’avenir.

D’abord présentées et discutées en séance plénière avec le secteur, ces propositions ont été consolidées et retravaillées pour être proposées ci-dessous, et regroupées sous quatre thématiques :

  • Développer les communautés énergétiques locales et les réseaux énergétiques, avec un focus sur la reconversion économique durable des régions industrielles et sur les éco-quartiers à énergie positive. Ce déploiement se fera notamment à travers l’autoconsommation collective (voir plus haut) et la gestion intelligente des flux énergétiques (chaleur et électricité). Il s’appuiera non seulement sur les technologies mais aussi sur l’intelligence humaine.
     
  • Promouvoir le stockage intelligent, afin de stocker les surplus de productions d’énergies renouvelables et de les restituer quand les consommateurs en ont besoin.

TWEED pointe notamment le projet-pilote de stockage sous forme d’hydrogène à l’aéroport de Liège et souhaite généraliser ce vecteur à tous les déplacements internes des aéroports wallons.

Par ailleurs, le cluster estime que la transition vers la mobilité électrique passera d’abord par les entreprises, équipées en photovoltaïque et où stationnent toute la journée les voitures des employés. La création de HUB intelligent, dotés de batteries de stockage et de bornes de recharge, doit permettre une gestion des flottes de véhicules électriques partagés entre des entreprises d’une même zone géographique.

En outre, la Wallonie doit se positionner rapidement et en situation réelle sur les solutions de stockage les plus prometteuses et non seulement sur la technologie Li-ion traditionnelle.

  • Soutenir la chaleur verte, produite sur base d’une biomasse locale (bois recyclé). Il s’agit d’adopter un cadre incitatif pour permettre, par exemples, d’aménager un réseau de chaleur alimenté par nos déchets dans chaque commune, de développer un réseau de biogaz dans les « zones blanches » c-à-d les zones où il n’existe pas de réseau de gaz (comme en provinces de Namur et de Luxembourg) ou encore de pomper et ré-injecter dans les nombreuses nappes phréatiques en Wallonie pour profiter des calories géothermiques (pour production de chaud et de froid).
     
  • Encourager la durabilité, notamment par la formation aux nouveaux métiers verts (de nombreux techniciens seront nécessaires à la transition énergétique), par la création de vitrines technologiques (en partenariats avec les universités), par la mise en place de base de données relatives à la conception et à la gestion durable de bâtiments publics ou encore par le transfert technologique vers les pays du Sud.

 

Les idées présentées ici reflètent certainement la volonté du secteur d’innover sur des terrains concrets pour réussir une transition énergétique mais elles montrent surtout le besoin de liens forts entre les entreprises wallonnes et les centres de  recherche, hautes écoles et universités pour la mise en application de projets permettant de les réaliser rapidement.

C’est là une mission qui tient particulièrement à cœur au Cluster TWEED, qui cherche à mettre en place des partenariats toujours plus efficaces, transversaux aux métiers des acteurs wallons, à l’instar du projet CERACLE initié en 2018 pour la mise en place d’un écosystème autour de l’autoconsommation collective.

Consulter le Mémorandum de TWEED.

 

13% en 2020, et plus encore en 2030

L’APERe, EDORA et TWEED s’activent désormais à présenter leurs mémorandums aux acteurs de la société civile, aux entreprises et aux nouveaux Gouvernements régionaux, en vue de les sensibiliser aux enjeux d’une réelle transition énergétique. Ce sera bien nécessaire car la Belgique doit rapidement agir pour atteindre son objectif européen de 13% d’énergies renouvelables en 2020 (contre 10% aujourd’hui) et anticiper les objectifs plus élevés de 2030.